Glissement de tâches : un hôpital condamné !

24 avril 2011

Dans un juge­ment daté du 23 février 2011, le Tribunal des affai­res de sécu­rité sociale (TASS) de Haute-Garonne estime que le CH de Saint-Gaudens a commis "une faute inex­cu­sa­ble" en affec­tant un Agent de ser­vice hos­pi­ta­lier (ASH) sur une tâche d’ordi­naire dévo­lue aux Aides-soi­gnants (AS) – le désha­billage d’une patiente –, tra­vail au cours duquel la sala­riée en ques­tion a contracté "une vive dou­leur dans le bas du dos", en l’occur­rence une lom­bos­cia­tal­gie droite.

Comme le rap­pelle le TASS dans ses motifs, "ce n’est pas de façon for­tuite ou ponc­tuelle" que l’agent a été amené à effec­tuer cette tâche "mais dans le cadre d’une mis­sion pro­gram­mée par l’employeur, qui l’avait char­gée de s’occu­per des rési­dents, et non pas d’assu­rer les fonc­tions de net­toyage, pré­pa­ra­tion des repas, aide à la prise ali­men­taire, tâches rele­vant de ses fonc­tions". Au contraire de l’argu­men­taire avancé par l’hôpi­tal, il ne s’agis­sait pas également "d’assu­rer le confort des rési­dents", l’acti­vité de désha­billage rele­vant "exclu­si­ve­ment" des AS, insiste le tri­bu­nal.

Surcharge de tra­vail oblige, ce glis­se­ment de tâches paraît "une pra­ti­que habi­tuelle" dans l’établissement, ajoute le TASS, selon qui l’hôpi­tal a commis "un man­que­ment à l’obli­ga­tion de sécu­rité de résul­tat qui pèse sur lui". En effet, au fait des dif­fé­ren­ces de for­ma­tion et com­pé­ten­ces entre les fonc­tions d’ASH et d’AS, le CH de Saint-Gaudens ne pou­vait qu’avoir cons­cience du danger auquel il expo­sait sa sala­riée. "Pour autant, il n’a pris aucune mesure pour empê­cher le risque de se réa­li­ser", sou­tient le tri­bu­nal. (docu­ment en télé­char­ge­ment en haut à droite de l’arti­cle)

La notion de faute inex­cu­sa­ble de l’employeur est prévue à l’arti­cle L452-1 du code de la sécu­rité sociale. Elle peut être rete­nue contre un employeur, si un ou des tra­vailleurs étaient vic­ti­mes d’un acci­dent du tra­vail ou d’une mala­die pro­fes­sion­nelle alors qu’eux-mêmes ou un repré­sen­tant du per­son­nel au CHSCT - comité d’hygiène, de sécu­rité et des condi­tions de tra­vail - avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est maté­ria­lisé.

Les obli­ga­tions des employeurs sont défi­nis par les arti­cles L4121-1 à 5 du code du Travail en pré­ci­sant que :
" L’employeur prend les mesu­res néces­sai­res pour assu­rer la sécu­rité et pro­té­ger la santé phy­si­que et men­tale des tra­vailleurs (...)".
Depuis 2002, la cour de cas­sa­tion a affirmé dans plu­sieurs arrêts sur les consé­quen­ces de l’amiante sur la santé des sala­riés que cette obli­ga­tion géné­rale de sécu­rité était en réa­lité une obli­ga­tion de sécu­rité de résul­tat.

Les faits remon­tent au 5 décem­bre 2006. Ce jour-là, un agent de ser­vice hos­pi­ta­lier, Angélique P, embau­chée le 1er juillet 2005, affec­tée en novem­bre de cette même année à la maison de retraite Orélia était vic­time d’un acci­dent de tra­vail. Une lom­bos­cia­tal­gie droite était diag­nos­ti­quée. « L’agent, alors qu’elle aidait une rési­dente à enle­ver sa che­mise de nuit, a res­senti une forte dou­leur dans le bas du dos puis est restée blo­quée en s’occu­pant de la rési­dente sui­vante. »

Angélique P intro­dui­sait une pro­cé­dure de reconnais­sance de la faute inex­cu­sa­ble de son employeur. Elle sou­te­nait que « l’acci­dent est sur­venu alors qu’elle effec­tuait une tâche ne rele­vant pas de sa com­pé­tence mais de celle des aides-soi­gnants, une tâche rele­vant des soins d’hygiène cor­po­relle et non comme le sou­tien l’employeur, une tâche des­ti­née à assu­rer « le confort des patients ». »

Manquement à l’obli­ga­tion de sécu­rité

Le tri­bu­nal a donné raison à l’agent. Dans les motifs de sa déci­sion, il pré­cise : « Il semble que l’affec­ta­tion des agents de ser­vice aux tâches des aides soi­gnants soit une pra­ti­que habi­tuelle dans l’établissement, puis­que le pro­blème a été signalé lors de la séance du comité d’hygiène et de sécu­rité et des condi­tions de tra­vail du 26 octo­bre 2010. Il est ainsi établi qu’en affec­tant Mme Puig à une tâche qui ne rele­vait pas de sa com­pé­tence, l’employeur a commis un man­que­ment à l’obli­ga­tion de sécu­rité de résul­tat qui pèse sur lui ; il ne pou­vait qu’avoir cons­cience du danger auquel il expo­sait sa sala­riée puisqu’il n’igno­rait pas les dif­fé­ren­ces de for­ma­tion et de com­pé­tence entre les fonc­tions d’aide-soi­gnante et d’agent de ser­vice, et donc, les consé­quen­ces sur la capa­cité à dis­pen­ser des soins aux mala­des dans des condi­tions opti­ma­les ».

Source :
 docu­ment en pièce jointe
 http://www.lade­pe­che.fr/arti­cle/2011/04/05/1050980-Saint-Gaudens-L-hopi­tal-condamne-pour-faute-inex­cu­sa­ble.html

Document(s) joint(s) à l'article
jugement tass 31 - (474.5 kio) - PDF
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