HPST : désaccord avec le projet de loi Hôpital, patients, santé, territoires

1er février 2009

Les organisations syndicales confédérales CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT et UNSA, ainsi que la Mutualité Française, ont rédigé une déclaration commune qui affirme leur désaccord avec le projet de loi actuel « Hôpital, patients, santé, territoires ».

Cette décla­ra­tion com­mune contient des pro­po­si­tions :
 sur l’accès de tous à des soins de qua­lité, en ville et à l’hôpi­tal,
 sur l’orga­ni­sa­tion des soins de pre­mier recours,
 sur la gou­ver­nance du sys­tème et le rôle des dif­fé­rents acteurs concer­nés.

Les orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les confé­dé­ra­les CFDT - CFTC - CFE-CGC - CGT - UNSA et la Mutualité Française font des pro­po­si­tions

Lors de l’examen du projet de Loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST) par le Conseil de la
CNAMTS,
nous avons émis un avis défa­vo­ra­ble sur le texte qui nous était soumis.
Nous renou­ve­lons notre désac­cord avec le projet de Loi actuel. Nous enten­dons inter­ve­nir dans la dis­cus­sion de ce projet en déve­lop­pant des pro­po­si­tions qui nous sont com­mu­nes.

1 - L’ACCES A LA SANTE

L’accès à la santé est un droit pour chaque indi­vidu dans notre société au même titre que le droit à l’éducation, au loge­ment, à l’énergie... bref à tout ce qui est néces­saire pour vivre et se déve­lop­per.

Mais c’est aussi un devoir pour tous que de l’assu­rer à tous. Et puis­que c’est à la Nation, tout entière, d’assu­rer cet accès à la santé, c’est à son émanation démo­cra­ti­que, l’Etat, qu’il revient de garan­tir à chaque indi­vidu, quels que soient ses moyens finan­ciers, son lieu de rési­dence et son ori­gine, l’accès à des soins de qua­lité dans le cadre de la soli­da­rité natio­nale qui est le socle fon­da­men­tal de la Sécurité Sociale. L’Etat élabore, dans le cadre d’un véri­ta­ble débat démo­cra­ti­que, en coor­di­na­tion avec la Sécurité Sociale, en par­ti­cu­lier l’Assurance Maladie, une poli­ti­que natio­nale de santé.

La santé au tra­vail, tout en étant un élément struc­tu­rant de la santé publi­que, doit conser­ver sa spé­ci­fi­cité d’orga­ni­sa­tion et de ges­tion.

Les établissements de santé

Il s’agit de déve­lop­per un véri­ta­ble Service Public de Santé ancré sur la réponse aux besoins de la popu­la­tion. Il doit béné­fi­cier de moyens bud­gé­tai­res adap­tés et d’emplois qua­li­fiés en nombre suf­fi­sant pour assu­rer le bon fonc­tion­ne­ment des struc­tu­res de santé.

L’acces­si­bi­lité au sys­tème hos­pi­ta­lier doit donc res­pec­ter le prin­cipe d’égalité d’accès aux soins. En ce sens, la délé­ga­tion des mis­sions de ser­vice public au sec­teur privé lucra­tif ne doit pas s’étendre.
Là où elle existe, elle doit être enca­drée afin que les patients puis­sent béné­fi­cier des tarifs oppo­sa­bles pour la tota­lité des soins.

Cette ques­tion revêt une impor­tance par­ti­cu­lière dans les zones géo­gra­phi­ques où le sec­teur privé lucra­tif se retrouve en situa­tion de mono­pole de l’offre de soins, notam­ment en ce qui concerne les acti­vi­tés chi­rur­gi­ca­les. Dans tous les cas, le socle des obli­ga­tions doit être stric­te­ment défini et contrôlé afin de garan­tir une offre de soins aux tarifs oppo­sa­bles, avec des délais de prise en charge com­pa­ti­bles avec les règles de bonne pra­ti­que.
Un dis­po­si­tif de sanc­tions dis­sua­si­ves en cas de non res­pect du contrat doit accom­pa­gner ce méca­nisme de délé­ga­tion de ser­vice public.

Les établissements de santé sans but lucra­tif, actuel­le­ment Participant au Service Public Hospitalier, qui res­pec­tent toutes les garan­ties pour les patients atta­chées aux mis­sions de ser­vice public, de la même manière qu’un établissement public de santé, doi­vent conser­ver un statut spé­ci­fi­que.

L’accès de tous à des soins de qua­lité

Le projet de loi HPST, dans son titre II défi­nit le contenu des soins de pre­mier recours et les mis­sions du méde­cin géné­ra­liste de pre­mier recours. Pour la pre­mière fois ceux-ci sont ins­crits dans le Code de la santé publi­que, ce qui donne une nou­velle dimen­sion à l’enjeu que cons­ti­tue l’orga­ni­sa­tion des soins ambu­la­toi­res.

Cependant le projet de loi ne favo­rise pas suf­fi­sam­ment, en l’état, une véri­ta­ble réor­ga­ni­sa­tion des soins de pre­mier recours. Il ne répond ni à l’urgence, ni à l’ampleur de cette réor­ga­ni­sa­tion rendue néces­saire non seu­le­ment par l’évolution de la démo­gra­phie médi­cale, mais aussi et sur­tout pour des rai­sons sani­tai­res. Il s’agit notam­ment de la place que les mala­dies chro­ni­ques occu­pent désor­mais dans le recours aux soins et des exi­gen­ces par­ti­cu­liè­res de leur suivi, ainsi que de l’inté­gra­tion réelle de la pré­ven­tion aux soins.

Fondamentalement, il s’agit de ne plus seu­le­ment répon­dre aux besoins de soins ponc­tuels d’un patient qui se rend dans un cabi­net médi­cal, mais de pren­dre en charge la santé d’une popu­la­tion dans le temps et sur un ter­ri­toire, de contri­buer ainsi à réduire les iné­ga­li­tés d’accès à la pré­ven­tion et à des soins de qua­lité.

L’orga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale des soins de pre­mier recours

La liberté d’ins­tal­la­tion ne peut pas s’exer­cer au détri­ment du patient. En ce sens, l’ins­tal­la­tion des pro­fes­sion­nels doit être enca­drée.
Les mesu­res inci­ta­ti­ves visant à favo­ri­ser une meilleure répar­ti­tion des méde­cins et autres pro­fes­sion­nels de santé sur le ter­ri­toire sont utiles mais ne peu­vent suf­fire.
Des dis­po­si­tions sont néces­sai­res pour cor­ri­ger réel­le­ment les désé­qui­li­bres en veillant à ce qu’elles s’appli­quent non seu­le­ment aux pro­fes­sion­nels qui s’ins­tal­lent, mais également à ceux qui sont déjà ins­tal­lés.
Des mesu­res désin­ci­ta­ti­ves, péna­li­san­tes finan­ciè­re­ment ou condi­tion­nant le conven­tion­ne­ment dans les zones sur­do­tées doi­vent être mises en place.

Pour remé­dier aux pro­blè­mes exis­tants, ce sont les formes d’exer­cice qu’il faut également faire évoluer.
L’objec­tif est de sortir d’un exer­cice isolé en favo­ri­sant sys­té­ma­ti­que­ment le regrou­pe­ment des méde­cins entre eux et avec des pro­fes­sion­nels para-médi­caux, voire sociaux.
Ces équipes peu­vent pren­dre des formes diver­si­fiées, parmi les­quel­les les mai­sons de santé et les cen­tres de santé.

Les regrou­pe­ments répon­dent à l’inté­rêt des usa­gers mais également à celui des pro­fes­sion­nels de santé et notam­ment des méde­cins qui aspi­rent, de plus en plus nom­breux, à tra­vailler autre­ment. Ils per­met­tent en effet de moder­ni­ser les cabi­nets, de mieux par­ta­ger les tâches, d’assu­mer plei­ne­ment les mis­sions cor­res­pon­dant aux soins de pre­mier recours.
Ces regrou­pe­ments doi­vent donc être encou­ra­gés sur tout le ter­ri­toire, pas seu­le­ment là où les pro­blè­mes de démo­gra­phie médi­cale sont les plus aigus et où les popu­la­tions connais­sent le plus de dif­fi­cultés socia­les.

Le modèle économique des soins de pre­mier recours

Les Centres de santé qui pra­ti­quent le tiers payant et res­pec­tent les tarifs oppo­sa­bles méri­tent de voir leur rôle plei­ne­ment reconnu dans la loi. Les pro­fes­sion­nels qui y exer­cent sont sala­riés mais les cen­tres de santé ne repré­sen­tent qu’une part très modeste de l’offre de soins.

L’exer­cice libé­ral est le sys­tème pré­do­mi­nant. Il reste essen­tiel­le­ment fondé sur la rému­né­ra­tion à l’acte. Bien qu’elle ne soit plus exclu­sive, celle-ci déter­mine le modèle économique actuel des soins de pre­miers recours.

Un nou­veau mode de rému­né­ra­tion des méde­cins libé­raux, ou plutôt des cabi­nets, est indis­pen­sa­ble car il condi­tionne l’exer­cice de cer­tai­nes mis­sions telles que la per­ma­nence des soins, le déve­lop­pe­ment de la pré­ven­tion, de l’éducation thé­ra­peu­ti­que, le suivi dans le temps des mala­dies chro­ni­ques...Ce nou­veau mode de rému­né­ra­tion doit repo­ser notam­ment sur des for­faits et sur l’atteinte des objec­tifs de santé publi­que.
Cette der­nière forme de rému­né­ra­tion doit inci­ter à la qua­lité de la pra­ti­que, et non à des économies immé­dia­tes, à une res­tric­tion des soins.

Les économies doi­vent résul­ter notam­ment d’une meilleure prise en charge des patho­lo­gies chro­ni­ques ou de l’accès le plus large pos­si­ble à la pré­ven­tion.
La diver­si­fi­ca­tion réelle des modes de rému­né­ra­tion doit fonder un nou­veau modèle économique des soins de pre­mier recours favo­ri­sant l’oppo­sa­bi­lité des tarifs.

2 - POUR QUELLES EVOLUTIONS DE LA GOUVERNANCE ?

L’orga­ni­sa­tion de l’offre des soins est loin d’être opti­male du fait sur­tout d’une appro­che et d’un pilo­tage cloi­son­nés entre l’hôpi­tal, la ville et le médico-social. Cloisonnement auquel s’ajoute également l’exis­tence d’une dua­lité de l’offre hos­pi­ta­lière, publi­que et privée sans les mêmes contrain­tes.

La sécu­rité sociale a beau­coup changé dans son orga­ni­sa­tion et sa prise en charge. Avec les com­plé­men­tai­res, elle ne couvre plus à pro­pre­ment parler un risque mais prend en charge des pres­ta­tions de plus en plus com­plexes et finance un sys­tème d’acti­vité économique.

Le défi de la gou­ver­nance

Pour garan­tir l’accès aux soins de qua­lité pour tous sur tout le ter­ri­toire avec une orga­ni­sa­tion effi­ciente par une prise en charge soli­daire, trois fonc­tions sont déter­mi­nan­tes :
 Nous avons besoin d’orien­ta­tions clai­res issues à la fois de la repré­sen­ta­tion natio­nale et des ter­ri­toi­res. Cette fonc­tion doit être de la res­pon­sa­bi­lité de l’Etat, de la puis­sance publi­que.
 Ces orien­ta­tions doi­vent trou­ver les moyens de se mettre en œuvre de façon cohé­rente, tant au niveau natio­nal que sur les ter­ri­toi­res, pour répon­dre aux prin­ci­pes qui fon­dent notre sys­tème.
 Les orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les et la mutua­lité, doi­vent obli­ga­toi­re­ment avoir leur place dans le dis­po­si­tif pour non seu­le­ment contri­buer à l’élaboration des orien­ta­tions stra­té­gi­ques mais aussi assu­rer des fonc­tions de contrôle, de suivi et d’évaluation des poli­ti­ques, dans le res­pect d’une démo­cra­tie sani­taire et sociale.

Enfin, il faut ren­for­cer le rôle et les mis­sions des confé­ren­ces régio­na­les de santé dans le cadre notam­ment de la défi­ni­tion des besoins des popu­la­tions au niveau des ter­ri­toi­res.

La mise en place d’une struc­ture régio­nale doit rele­ver d’une cohé­rence des poli­ti­ques de santé et d’une orga­ni­sa­tion de l’acti­vité hos­pi­ta­lière, ambu­la­toire et médico-sociale par une mise en syner­gie des acteurs, à un niveau qui garan­tit la ges­tion du risque par l’Assurance Maladie, dans le cadre de la poli­ti­que de santé publi­que.

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