Hôpitaux : 30 infirmiers agressés chaque jour !

Violence hôpitaux : 30 infirmiers agressés chaque jour

6 avril 2019

Selon l’Observatoire natio­­nal des vio­­len­­ces en santé (ONVS), dans son rap­­port 2018 sur les vio­­len­­ces en milieu hos­­pi­­ta­­lier, 10.835 infir­miers ont été vic­ti­mes d’agres­sions à l’hôpi­tal (8569 femmes, 2266 hommes). C’est également le cas pour 2309 méde­cins.

La répar­ti­tion en fonc­tion du sexe montre le pour­cen­tage très élevé de femmes vic­ti­mes dans les deux caté­go­ries « infir­miè­res » et « autres per­son­nels soi­gnants ». Le taux de fémi­ni­sa­tion, toutes spé­cia­li­tés et modes d’exer­cice confon­dus est de près de 45% pour les méde­cins, de près de 87 % pour les infir­miè­res et de 89 % pour les aides-soi­gnan­tes. Assez de souf­france infir­mière !

En psy­chia­trie, l’aug­men­ta­tion des vio­len­ces appa­raît quand l’effec­tif est réduit car la sur­veillance y est amoin­drie. Aux urgen­ces, l’ONVS note une aug­men­ta­tion des vio­len­ces en fin de jour­née, par­ti­cu­liè­re­ment le wee­kend avec des patients alcoo­li­sés/ayant uti­lisé des pro­duits stu­pé­fiants.

L’ONVS a recensé 23 551 attein­tes aux per­son­nes et aux biens répar­ties ainsi :
- 18 996 attein­tes aux per­son­nes
- 4 555 attein­tes aux biens
https://soli­da­ri­tes-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_onvs_rap­port_2018_don­nees_2017_2.pdf

Dans son rap­port 2014, l’ONVS avait comp­­ta­­bi­­lisé 11.835 auteurs de vio­­len­­ces aux per­­son­­nes, avec 15 infir­miers agres­sés chaque jour : 4 ans après, ce nombre a doublé, avec 30 infir­miers agres­sés chaque jour !
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Hopitaux-15-infir­miers-agres­ses.html

Toutes vic­ti­mes confon­dues, les attein­tes aux per­son­nes ont généré :
- 4 725 jours d’arrêt de tra­vail sur 2 062 signa­le­ments men­tion­nant les arrêts de tra­vail,
- 513 jours d’inca­pa­cité totale de tra­vail (ITT) sur 1 614 signa­le­ments men­tion­nant l’ITT.

Le bilan social des établissements publics de santé sociaux et médico-sociaux men­tionne que la 4e cause d’arrêt de tra­vail rap­por­tée par les établissements est due au contact avec un malade agité.
(Bilan social des établissements publics de santé sociaux et médico-sociaux, p. 79
http://soli­da­ri­tes-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rap­port_bilan_social_2014_-_vf.pdf)

Le rap­port 2018 de l’Observatoire natio­nal des vio­len­ces en milieu de santé
(ONVS) prend en compte les signa­le­ments effec­tués par les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux du public et du privé sur la base du volon­ta­riat. Ainsi, 446 établissements ont déclaré 22.048 signa­le­ments.

La pré­ven­tion et la lutte contre les vio­len­ces et les inci­vi­li­tés ne sau­raient se dépar­tir d’une appro­che asso­ciant néces­sai­re­ment l’amé­lio­ra­tion de la qua­lité de la vie au tra­vail et, par contre coup, l’amé­lio­ra­tion de la qua­lité des soins dis­pen­sés.

Il n’est pas admis­si­ble que des per­son­nels de santé soient insul­tés et mal­trai­tés. En réac­tion, diver­ses options exis­tent : atti­tude ferme, reca­drage verbal, médi­cal, psy­cho­lo­gi­que, lettre de mise en garde, main cou­rante, plainte abou­tis­sant à une mesure alter­na­tive aux pour­sui­tes ou à une condam­na­tion devant une juri­dic­tion pénale et au paie­ment de dom­ma­ges-inté­rêts à la suite d’une cons­ti­tu­tion de partie civile.

D’où vien­nent les signa­le­ments ?

Les vio­len­ces com­mi­ses en raison d’une patho­lo­gie sont iden­ti­fiées. En psy­chia­trie ou de géria­trie, cela relève plus de la prise en charge médi­cale que d’une pré­ven­tion situa­tion­nelle (TPN : Trouble psy­chi­que ou neu­ro­psy­chi­que) :
- 20% de psy­chia­trie (65% non TPN)
- 16% des urgen­ces (+3%) (95% non TPN)
- 11% des EHPAD/USLD (59% non TPN)
- 8% des ser­vi­ces de méde­cine et unités de soins ( 81% non TPN)

Seulement 1/3 des établissements publics et 4 % des struc­tu­res pri­vées font des décla­ra­tions. Il y a donc clai­re­ment une volonté de mas­quer les faits, pour pré­ser­ver l’image de leur établissement.

Le même cons­tat est fait pour les établissements médico-sociaux alors que les vio­len­ces sont tout aussi pré­sen­tes. Alors que 20% des signa­le­ments vien­nent de psy­chia­trie, peu sont faits en CMP alors que la 80% des patients de sec­teurs psy­chia­tri­ques sont suivis en ambu­la­toire. Selon l’ONVS, l’iso­le­ment géo­gra­phi­que appa­raît comme un fac­teur anxio­gène pour le per­son­nel.

Quels types de vio­len­ces ?

Les attein­tes sont clas­sés selon une échelle de gra­vité de 1 à 4 basée sur le code pénal. Cela va des inju­res aux vio­len­ces avec armes, pour les attein­tes aux per­son­nes, et du vol sans effrac­tion à l’incen­die volon­taire pour les attein­tes aux biens. Il est à sou­li­gner qu’1/3 des vio­len­ces ayant lieu en unités de soins sont phy­si­ques. Les vio­len­ces volon­tai­res vont de celles à mains nues (bous­cu­lade, gifle, coups de poings et de pieds) à celles avec armes.

Pour les attein­tes aux per­son­nes, on dénom­bre :
- 166 vio­len­ces avec arme
- 11091 insul­tes
- 1126 mena­ces de mort
- 23 viols

Pour les attein­tes aux biens :
- 2384 Vols avec/sans effrac­tion
- 2354 dégra­da­tions
- 86 Incendies volon­tai­res

Les motifs :
- Le repro­che dans une prise en charge repré­sente + de 50% des motifs d’attein­tes contre 13% pour le temps d’attente et 12% pour l’alcoo­li­sa­tion.
- Le per­son­nel subit les pres­sions afin d’obte­nir satis­fac­tion ou pour se plain­dre d’une erreur.
- Dans les USLD et EHPAD, le per­son­nel se retrouve aussi confronté à des conflits intra­fa­mi­liaux.
- Le manque de res­pect élémentaire, de savoir-vivre, et de com­pré­hen­sion de l’orga­ni­sa­tion (prio­rité selon la gra­vité) sont for­te­ment res­sen­tis aux urgen­ces.

En psy­chia­trie, les avis sont par­ta­gés parmi les per­son­nels. À côté de ceux qui accor­dent de toute façon une irres­pon­sa­bi­lité pénale aux patients ou de ceux qui pen­sent que ça ne sert à rien de dépo­ser plainte, d’autres expri­ment une peur réelle ou sup­po­sée de repré­sailles s’ils dépo­sent plainte, d’autres consi­dè­rent encore que c’est à partir du moment où le patient s’en prend à leur vie privée qu’ils seront fondés à dépo­ser plainte pour se pro­té­ger (ex. : délire érotomaniaque, har­cè­le­ment du soi­gnant…), voire pro­té­ger leur famille.

Les suites don­nées : manque de sou­tien

Les signa­le­ments de vio­lence par les établissements ont donné lieu à 2 050 plain­tes et à 255 mains-cou­ran­tes, dont seu­le­ment 510 plain­tes et 66 mains cou­ran­tes dépo­sées par les établissements eux-mêmes !

Sur les 181 plain­tes dont les déci­sions de jus­tice sont connues, on compte :
-  29 condam­na­tions à des peines d’empri­son­ne­ment dont 26 pour des attein­tes aux per­son­nes,
-  7 condam­na­tions à des peines d’amende,
-  4 rap­pels à la loi.

Violence à l’hôpi­tal : les atten­tes du SNPI

"La sécu­rité au tra­vail doit être garan­tie à tous les per­son­nels hos­pi­ta­liers pré­cise Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI CFE-CGC) Les direc­tions d’établissements doi­vent tout mettre en œuvre pour sanc­tua­ri­ser l’hôpi­tal. Elles sont res­pon­sa­bles d’orga­ni­ser les condi­tions d’un exer­cice pro­fes­sion­nel serein."

Les salles d’attente des urgen­ces sont par défi­ni­tion des lieux dans les­quels la ten­sion peut vite monter et où des pas­sa­ges à l’acte (verbal ou phy­si­que) sont pos­si­bles. Il faut donc réflé­chir avec le per­son­nel à l’orga­ni­sa­tion maté­rielle des salles d’attente (cir­cuit des patients et des accom­pa­gnants, télé­vi­seurs, dif­fu­sion d’infor­ma­tions, indi­ca­tion des temps d’attente, etc.). Une affi­che doit infor­mer les usa­gers des consé­quen­ces d’un com­por­te­ment déviant.

Les per­son­nels, notam­ment fémi­nins, met­tent sou­vent en avant un sen­ti­ment d’insé­cu­rité lorsqu’ils pren­nent ou quit­tent leur poste : il faut donc tra­vailler à l’orga­ni­sa­tion d’une pré­sence de vigi­les aux moments clés d’uti­li­sa­tion des par­kings, à l’aug­men­ta­tion des zones de vidéo­sur­veillance, etc.

Mais la mise en place de dis­po­si­tifs d’alerte, qui peu­vent s’avérer défec­tueux, ou de camé­ras de vidéo­sur­veillance, même s’ils ras­su­rent, ne peu­vent pas régler à eux seuls le pro­blème et sont alors un gadget comme un cou­ver­cle sur une mar­mite.

Les for­ma­tions peu­vent aussi donner des clés aux pro­fes­sion­nels pour faire face aux vio­len­ces ver­ba­les voire phy­si­ques pour se pro­té­ger et accom­pa­gner une déses­ca­lade. Cette com­pé­tence s’acquiert aussi avec la com­pa­gnon­nage, la par­tage d’expé­rience entre pro­fes­sion­nels, comme cela se fait en psy­chia­trie, pour pou­voir exer­cer son métier de soi­gnant en toute auto­no­mie et sécu­rité.

L’inten­sité de la vio­lence ou sa fré­quence use phy­si­que­ment et psy­cho­lo­gi­que­ment les pro­fes­sion­nels, d’où l’impor­tance d’une forte cohé­sion d’équipe, d’un sou­tien psy­cho­lo­gi­que, hié­rar­chi­que…

Beaucoup de pro­fes­sion­nels connais­sent peu ou mal la pro­tec­tion pénale dont ils béné­fi­cient. La notion de perte de temps et de crainte du pro­ces­sus judi­ciaire sont ame­nées. Or une pour­suite judi­ciaire est conseillée même dans le sec­teur de la santé men­tale. En effet, la sanc­tion pénale peut faire partie de la thé­ra­pie et redonne un cadre au patient.

Pour le SNPI, les per­son­nels qui ont subi une agres­sion carac­té­ri­sée doi­vent dépo­ser une plainte le plus rapi­de­ment pos­si­ble auprès des auto­ri­tés de police afin d’obte­nir des pour­sui­tes par le pro­cu­reur de la répu­bli­que. La direc­tion doit également porter plainte, et adres­ser un cour­rier au pro­cu­reur de la République pour mar­quer le sou­tien de l’établissement à la démar­che enga­gée.

En effet, les évènements de vio­lence signa­lés par les établissements ont donné lieu à trop peu de dépôts de plainte, du fait d’un manque d’impli­ca­tion des direc­tions. Le SNPI vous incite à porter plainte, afin d’obte­nir des condam­na­tions :
- Agression au CHU de Nîmes : prison ferme
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Agression-au-CHU-de-Nimes-prison.html
- Violences : huit mois de prison pour avoir frappé l’infir­mière du CHU de Nantes
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Violences-huit-mois-de-prison-pour-avoir-frappe-l-infir­miere-du-CHU-de-Nantes.html
- Sarthe, il gifle l’infir­mière des Urgences : 6 mois de prison ferme plus 4 mois avec sursis
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Il-gifle-l-infir­miere-des-Urgences.html

A rete­nir : La pré­sen­ta­tion des bonnes pra­ti­ques, les éléments tech­ni­ques (dont les « Fiches réflexes et Fiche points clés d’une poli­ti­que de sécu­rité » ONVS/FHF/MACSF), les bonnes pra­ti­ques des établissements ou encore de la régle­men­ta­tion sont inté­grés dans le Guide métho­do­lo­gi­que de l’ONVS « La pré­ven­tion des attein­tes aux per­son­nes et aux biens en milieu de santé ».
http://soli­da­ri­tes-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_onvs_-_pre­ven­tion_attein­tes_aux_per­son­nes_et_aux_biens_2017-04-27.pdf

Voir également :
- https://syn­di­cat-infir­mier.com/Videosurveillance-aux-Urgences-debat-sur-France-Info-avec-le-SNPI-CFE-CGC.html
- https://www.public­se­nat.fr/arti­cle/societe/video­sur­veillance-a-l-hopi­tal-un-gadget-86000

En cas de pro­blème :
- pensez à faire un signa­le­ment à l’Observatoire de la souf­france au tra­vail (OSAT infir­mier) sur le site https://souf­france-infir­miere.fr/
- vous pouvez également vous expri­mer sur les réseaux sociaux avec #souf­fran­ceIn­fir­mière ou https://twit­ter.com/SouffranceIDE

Partager l'article