IDE et signalement d’actes de maltraitance

5 décembre 2010

L’arti­cle R. 4311-5 CSP inclut le dépis­tage et l’évaluation des ris­ques de mal­trai­tance dans le rôle propre de l’infir­mier. Pour autant, ceci impli­que t-il une obli­ga­tion de signa­le­ment de ces actes ?

Les faits connus à l’occa­sion des acti­vi­tés pro­fes­sion­nel­les sont en prin­cipe soumis au secret (arti­cle 226-13 du Code pénal), sauf déro­ga­tion, notam­ment en matière de pri­va­tions ou de sévi­ces infli­gés soit à un mineur, soit à une per­sonne qui n’est pas en mesure de se pro­té­ger eu égard à son âge ou son état phy­si­que ou psy­cho­lo­gi­que (arti­cle 226-14 CP).

En clair, la loi auto­rise l’infir­mier à infor­mer les auto­ri­tés s’il est amené à cons­ta­ter des actes de mal­trai­tance de la part d’un col­lè­gue, sans ris­quer de sanc­tion au titre d’une vio­la­tion du secret pro­fes­sion­nel. Cette auto­ri­sa­tion n’est pas cepen­dant syno­nyme d’obli­ga­tion. En effet, le code pénal pré­cise qu’il s’agit d’une obli­ga­tion, sauf pour les per­son­nes tenues au secret, parmi les­quel­les les pro­fes­sion­nels de santé (arti­cle 434-3).

Toutefois, la liberté dont dis­pose l’infir­mier pour déci­der de faire un signa­le­ment n’est que rela­tive. En effet, l’arti­cle 223-6 dis­pose que « qui­conque pou­vant empê­cher par son action immé­diate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’inté­grité cor­po­relle de la per­sonne s’abs­tient de le faire est puni de cinq ans d’empri­son­ne­ment et de 75 000 € d’amende. Sera puni des mêmes peines qui­conque s’abs­tient volon­tai­re­ment de porter à une per­sonne en péril l’assis­tance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pou­vait lui prêter soit par son action per­son­nelle, soit en pro­vo­quant un secours ».

Cette non-assis­tance à per­sonne en péril sera appré­ciée de façon beau­coup plus sévère s’il s’agit d’un pro­fes­sion­nel de santé, en raison de son acti­vité. Dès lors, le fait qu’il ne s’agisse que d’une simple faculté de dénon­cia­tion offerte à l’infir­mier ne l’auto­rise pas pour autant à l’indif­fé­rence ou à l’inac­tion.

En pra­ti­que se pose également la ques­tion de savoir si ces faits cons­ti­tuent bien ou non des actes de mal­trai­tance et s’il convient de les signa­ler en tant que tels. La défi­ni­tion de la mal­trai­tance par le Conseil de l’Europe en 1987 apporte cer­tains repè­res. Ainsi, la réponse est assu­ré­ment posi­tive pour des attein­tes sexuel­les ou des vio­len­ces phy­si­ques comme des coups. Elle est également rete­nue, s’agis­sant de mau­vais trai­te­ments psy­cho­lo­gi­ques (mena­ces, irres­pect, insul­tes, humi­lia­tions…), ou encore pour des vio­len­ces médi­ca­men­teu­ses.

Mais les sévi­ces peu­vent aussi rele­ver de l’omis­sion, par exem­ple en cas de carence dans les soins ou dans l’ali­men­ta­tion. L’expé­rience montre qu’il est par­fois dif­fi­cile de savoir où com­mence la mal­trai­tance : chez la per­sonne âgée, quand passe-t-on d’une inci­ta­tion à l’ali­men­ta­tion à une ali­men­ta­tion forcée ? Ou encore à partir de quand peut-on consi­dé­rer qu’un col­lè­gue débordé est négli­gent lorsqu’il « oublie » sys­té­ma­ti­que­ment de chan­ger un patient ? Il n’est pas tou­jours facile de répon­dre à ces ques­tions, car tout est affaire de cir­cons­tan­ces, lais­sées à l’appré­cia­tion des juges.

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