Les DG de CHU veulent supprimer le décret d’actes infirmiers !
6 janvier 2009
Maintenant que la ministre a calmé la DHOS, ce sont les Directeurs Généraux de CHU qui veulent faire sauter le décret d’actes infirmiers pour faire émerger de nouveaux métiers.
En tant qu’IDE, nous n’avons pas d’opinion sur la manière d’organiser la formation des directeurs à l’école de Rennes. Nous souhaiterions qu’ils aient la même décence en ce qui concerne leurs capacités à décider de l’articulation de notre profession et des transferts de compétences.
Mais ces "supers directeurs" estiment qu’il convient de "Supprimer les décrets d’actes des professions paramédicales et privilégier la notion de mission, permettant un système de rémunération attractif". En quelques lignes, ils nous font un joyeux mélange entre « collaboration entre professionnels », « délégation de compétence » et "délégation des tâches". Et pas plus de détails sur le "système de rémunération attractif", dont on ne voit pas trop ce qu’il vient faire la dedans (mais nous n’avons qu’un petit cerveau d’IDE).
Dans la mesure où 29 CHU sur 31 sont en déficit (à hauteur de 350 millions d’euros en 2007 et de 450 en 2008) avec pour conséquence la division par deux de leur capacité d’investissement (680 millions d’euros en 2006, 350 en 2008), on pourrait croire que ces "gestionnaires de qualité" ont autres choses à faire que de s’occuper de leur petit personnel (car au passage la profession d’infirmière est réduite à sa dimension "d’auxiliaire médicale").
Nous avons particulièrement apprécié le discours de la Ministre au Salon Infirmier (novembre 2008), lorsqu’elle a tranché dans le conflit qui opposait les professionnels infirmiers à la DHOS en stipulant "votre décret de compétences restera un décret en conseil d’Etat". Il aura fallu plus de 12.000 pétitions "Touche pas à notre décret" pour être entendu.
En effet, le projet de texte proposé par la DHOS, Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins, le 11 juillet 2008, et refusé par l’ensemble des organisations consultées, avait été repris de manière identique par la Mission Bressand en octobre 2008 (ce qui montre la volonté réelle de la concertation) avec en particulier l’ouverture à la déqualification car l’infirmière “accomplit ses missions en relation avec les autres professionnels, notamment dans le secteur de la santé, le secteur social et médico-social et le secteur éducatif.”, ce qui autoriserait toutes les dérives, en particulier l’introduction en gériatrie des “assistants de gérontologie” (sur le modèle de l’auxiliaire de vie, travailleur social formé en trois mois, mais autorisé à distribuer des médicaments, sans une seule minute de formation en pharmacologie).
D’ailleurs nos directeurs devraient relire le projet de loi HPST, car les "pratiques avancées" sont déjà traitées par l’article 17 du projet de loi HPST, avec une logique de mission qui encadre les expérimentations Berland et permet les transferts de compétences entre professions de santé réglementées.
Pour plus de détails sur la bataille du décret :
– Décret d’acte infirmiers : manoeuvres du Ministère !
– appel de Paris
– mobilisation intersyndicale
Voici le texte de nos "bons directeurs" :
Les XIèmes Assises hospitalo-universitaires se sont déroulées à Lille les 11 et 12 décembre 2008 alors que se finalise la loi Hôpital Patients Santé Territoires (HPST) et que le Pr Jacques Marescaux a reçu la lettre de mission du Président de la République lui demandant de réfléchir aux différents aspects d’une réforme des CHU « aussi ambitieuse et pionnière que celle de l’ordonnance DEBRE »
A travers 11 recommandations, les CHU anticipent la prochaine réforme :
Le nouveau management des CHU
– 1 : Créer des directoires interrégionaux comprenant DG, présidents de CME et doyens pour les Unions hospitalo-universitaires interrégionales.
– 2 : Reconnaître le rôle du CHU dans toute la région tant pour le soin (recours) que pour l’enseignement et la recherche en faisant participer les CHU à la gouvernance de chacune des communautés hospitalières de territoire régional.
Les nouveaux métiers
Pour connaître les vrais besoins, les situations les plus urgentes, les nouveaux métiers à créer, les CHU préconisent :
– 3 : D’analyser l’évolution de la démographie médicale en tenant compte de la réorganisation du secteur hospitalier et des effets d’une meilleure répartition des médecins sur le territoire.
– 4 : De définir les pré-requis aux transferts de compétences pour garantir la qualité des soins.
Préférant la « collaboration entre professionnels » à la « délégation de compétence » car elle implique une travail d’équipe entre personnes issues de formations et de compétences différentes, dans un objectif d’attractivité et de fidélisation, les responsables recommandent de :
– 5 : Supprimer les décrets d’actes des professions paramédicales et privilégier la notion de mission, permettant un système de rémunération attractif.
– 6 : Universitariser les formations paramédicales.
Les nouveaux outils de formation
– 7 : Développer dans le CH et U des plateformes d’apprentissage par simulation orientées vers la formation initiale et continue, et vers l’évaluation des pratiques professionnelles.
– 8 : Maintenir l’apprentissage par tutorat.
– 9 : "Développer les outils de télématique de santé et la domotique médicale pour assurer les soins sur l’ensemble du territoire à partir d’équipes médicales regroupées".
– 10 : N’envisager la « labellisation HU » des équipes des établissements privés qu’en cas de carence des possibilités d’accueil au sein des établissements publics de l’espace interrégional.
– 11 : Définir les conditions d’accueil des étudiants dans le secteur privé, en particulier en évaluant les capacités pédagogiques et les activités de recherche de la structure d’accueil.
Source :
http://web.reseau-chu.org/articleview.do?id=1863&mode=1
Plus de détails, dans la page 9 du dossier de presse :
http://web.reseau-chu.org/docs/1863/DOSSIER_DE_PRESSE_ASSISES.pdf
Les nouveaux métiers
La mission confiée au Professeur Yvon Berland depuis 2003 a eu pour objectif de définir un cadre réglementaire et de lancer des expérimentations quant à la répartition des rôles entre médecins et professionnels paramédicaux. Les Assises sont l’occasion de faire des propositions concrètes sur l’évolution des métiers.
A. La bonne utilisation du temps médical
Force est de constater que la densité médicale doit diminuer à horizon 2020. De ce fait, le vrai problème à venir est celui de l’adéquation du besoin de soins et du service rendu par chaque médecin en termes d’actes dits « utiles ».
Dans ce contexte, il apparaît important :
– d’obtenir une répartition plus homogène de toutes les disciplines sur le territoire, en fonction de l’âge moyen des populations ;
– d’imaginer des solutions permettant d’optimiser l’utilisation du temps médical ; elles doivent être motivantes pour inciter les médecins à l’activité (et non à l’acte) et à la performance. Cette performance sera synonyme de meilleure rentabilité pour l’hôpital, mais surtout de qualité pour le malade.
B. De la nécessité d’une évolution des structures et des métiers
Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, l’un des enjeux majeurs des prochaines années est de développer des structures alternatives à l’hospitalisation classique (HAD, hôpitaux de jour et de semaine, chirurgie ambulatoire...), notamment pour gérer au mieux les pathologies chroniques ou dues au vieillissement.
Cela doit s’accompagner d’une réflexion concernant les professionnels de santé.
De nombreux jeunes se détournent des établissements publics faute d’attractivité des métiers existants. Il faut les revaloriser. Il est aussi important de développer de nouveaux métiers en prenant en compte la formation des personnels et la gestion de leurs compétences. Ces métiers pourraient être logistiques, tels que coordonnateurs de prise en charge, chargés d’affaires en recherche clinique, logisticiens en bloc opératoire...
C. Propositions
La délégation des tâches à certaines professions paramédicales existant déjà, on pourrait envisager que les médecins délèguent à l’avenir certaines prescriptions dans un cadre bien défini. Cela serait possible en revoyant le cadre juridique de l’exercice des dites professions, tout en gardant à l’esprit qu’il puisse y avoir un danger d’installation d’une médecine à 2 vitesses, voire des dérives inhérentes à ce système (concurrence déloyale des auxiliaires médicaux, augmentation des erreurs thérapeutiques ou de diagnostic...).
Pour pallier ces risques, la proposition est faite de définir un cadre régissant :
– l’obligation pour l’auxiliaire médical de faire valider son examen par le médecin responsable
– la nécessité d’une proximité avec le médecin lors des soins apportés par l’auxiliaire médical
– le contrôle de la bonne justification des actes réalisés par les organismes de contrôle institutionnel.
En conclusion, comme ses homologues européens, la France se doit d’avoir des « métiers intermédiaires » entre le médecin et le personnel paramédical.