Loi Bachelot : pataquès ministériel !
17 septembre 2008
Difficile de suivre un texte aussi évolutif que cet avant-projet de loi Bachelot “hôpital, patients, santé et territoires” (HPST) qui change de nom et de contenu régulièrement !
Rien que pour l’article sur la “coopération entre professionnels de santé”, on assiste à un sérieux pataquès :
– dans la version 1 de fin août : ce texte faisait l’objet de l’article 12
– dans la version 2 du 2 septembre : ce texte disparait de la loi HPST, pour être transféré dans le PLFSS (loi de finance de la sécurité sociale)
– dans la version 3 du 8 septembre : le texte de la V1 est reproduit à l’identique, mais à l’article 17 (pages 56 et 57)
Mais visiblement le texte doit encore évoluer, puisqu’une phase de concertation sur l’avant-projet de loi doit se dérouler du 15 au 30 septembre. Concertation symbolique, puisque la version 4 de l’avant-projet de loi devrait être transmis ces jours-ci au Conseil d’Etat, qui devrait rendre son avis fin septembre.
Le projet de loi “hôpital, patients, santé et territoires” (HPST) devrait être présenté en conseil des ministres mercredi 8 octobre et passer à l’Assemblée nationale début décembre, puis au Sénat.
Le gouvernement envisage de déclarer l’urgence sur le texte, ce qui réduirait la discussion à une seule lecture dans chaque chambre, suivie d’une commission mixte paritaire (CMP). Comme le Conseil National de l’Ordre des Infirmiers ne sera élu que le 25 novembre, le temps de prévenir tous les élus et de fixer une date, sa première réunion ne pourra que prendre acte du texte voté quelques jours avant...
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Texte de l’Article 17 (de la version 3), intitulé “Principe général de coopération entre professionnels de santé”.
Texte d’argumentation du ministère :
La collaboration entre professionnels de santé est nécessaire pour mieux répondre aux besoins de santé de la population. Sa mise en œuvre doit être facilitée pour mieux s’adapter aux pratiques des professionnels tout en garantissant un très haut niveau de sécurité et de qualité.
L’objet de la mesure vise à étendre le principe des coopérations entre professionnels de santé en les sortant du cadre expérimental. Il s’agit de favoriser de nouvelles organisations des soins et de prise en charge ou des modes d’exercice partagé qui répondent à des besoins de santé.
La sécurité des soins aux patients restera une exigence garantie de quatre façons :
– les transferts d’actes ne devront concerner que les professionnels de santé (médicaux/paramédicaux),
– le professionnel ne pourra intervenir dans les domaines qui dépassent ses connaissances et son expérience,
– les coopérations seront encadrées par des protocoles nationaux élaborés par la HAS (définissant et précisant des formes de coopérations, les disciplines, les pathologies, actes...). Pour ne pas freiner une dynamique du terrain, des projets de protocole préparés directement par les professionnels pourront être validés par la HAS pour être applicables,
– les établissements de santé, structures de soins telles que les maisons de santé ou les professionnels à titre individuel qui souhaiteront appliquer ces protocoles devront les déclarer auprès de l’agence régionale de santé.
Un arrêté précisera les domaines dans lesquels ces coopérations devront en priorité intervenir (cancérologie, maladies chroniques, ...) [et les formes de coopération possibles : prescriptions, suivi des patients au cours d’une consultation, actes techniques...]
Texte de loi :
I.- Dans la quatrième partie du code de la santé publique il est inséré un livre préliminaire intitulé : « coopération entre professionnels de santé » ainsi rédigé :
« Livre préliminaire
« Coopération entre professionnels de santé
Titre unique
Chapitre unique
« Art. L. 4011-1. - Par dérogation aux articles L. 4111-1, L. 4161-1, L. 4161-3, L. 4161-5, L. 4311-1, L. 4321-1, L. 4331-1, L. 4332-1, L. 4341-1, L. 4342-1, L. 4351-1, L. 4361-1, L. 4362-1, L.4364-1et L. 4371-1, les professionnels de santé qui s’engagent dans une démarche de coopération visant à réorganiser les modes d’intervention pour que la prise en charge d’un patient n’interviennent que dans les limites de leurs connaissances, expériences et compétences.
« Leur intervention s’inscrit obligatoirement dans le cadre des protocoles élaborés par la Haute autorité de santé dans ce domaine et approuvés par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Art. L. 4011-2. - Les professionnels de santé peuvent également soumettre à la Haute autorité de santé, des protocoles de coopération répondant à un besoin de santé constaté au niveau régional et attesté par l’Agence régionale de santé. Sont applicables les protocoles validés par la Haute autorité de santé et approuvés par arrêté du directeur de l’Agence régionale de santé.
« Les protocoles précisent le cadre de la coopération, notamment les disciplines ou les pathologies concernées et le champ d’intervention des professionnels de santé concernés.
« Les professionnels qui s’engagent à appliquer ces protocoles doivent faire une déclaration auprès de l’Agence régionale de santé du lieu d’exercice.
« Art. L. 4011-3 Les modalités d’application du présent chapitre précisant notamment les domaines ou pathologies pour lesquels des protocoles de coopération doivent être appliqués de façon prioritaire et les conditions dans lesquelles ces protocoles sont rendus opposables sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de la haute autorité de santé.
II- L’article 131 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est abrogé.
Nos premiers commentaires :
– pour l’instant, il n’est question que de “professionnels de santé”, alors que le document précédent (DHOS, 11 juillet 2008) stipulait l’IDE “accomplit ses missions en relation avec les autres professionnels, notamment dans le secteur de la santé, le secteur social et médico-social et le secteur éducatif.”, ce qui autorisait toutes les dérives, en particulier l’introduction en gériatrie des “assistants de gérontologie” (type auxiliaires de vie formées en 3 mois et autorisées à distribuer les médicaments en extra-hospitalier), au bloc des “techniciens de blocs opératoires” (à la place des IBODE), etc.
– reste à voir le texte final, avec en particulier la Mission Bressand qui doit rendre son rapport dans un mois (pendant le débat au Parlement, ce qui peut déboucher sur un amendement parlementaire réintroduisant les auxiliaires de vie).
– Pourquoi modifier le texte fondamental de la profession infirmière à la veille de la mise en place du Conseil National de l’Ordre Infirmier ? Il n’y a aucune urgence sanitaire à tout modifier juste avant, à moins d’une volonté politique de court-circuiter l’Ordre National des Infirmiers ?
– D’ailleurs, ce texte ignore l’Ordre des Infirmiers, car pour les protocoles il ne parle que la Haute Autorité de Santé HAS et des Agences Régionales de Santé ARS : encore une fois les bureaucrates souhaitent gérer notre profession à notre place.
Pour information, texte de l’Article 131 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 :
Des expérimentations relatives à la coopération entre professionnels de santé et aux possibilités de transfert de compétences entre professions médicales et d’autres professions de santé peuvent être prévues par dérogation aux articles L. 4111-1, L. 4161-1, L. 4161-3, L. 4161-5, L. 4311-1, L. 4321-1, L. 4331-1, L. 4332-1, L. 4341-1, L. 4342-1, L. 4351-1, L. 4361-1, L. 4362-1, L. 4371-1 du code de la santé publique, par arrêté du ministre chargé de la santé. Cet arrêté fixe les modalités précises de ces expérimentations, et notamment la nature et la liste des actes, la durée de l’expérimentation, les établissements et services qui en sont chargés, les conditions de mise en oeuvre, ainsi que les modalités de son évaluation.