Loi HPST : avis du Conseil Constitutionnel

9 août 2009

Décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009 sur laLoi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

1. Considérant que les dépu­tés et séna­teurs requé­rants défè­rent au Conseil cons­ti­tu­tion­nel la loi por­tant réforme de l’hôpi­tal et rela­tive aux patients, à la santé et aux ter­ri­toi­res ; qu’ils met­tent en cause la confor­mité à la Constitution de dis­po­si­tions de ses arti­cles 1er, 10, 23, 84, 91 et 133 ; qu’ils font également valoir que le Parlement aurait adopté des dis­po­si­tions n’ayant pas leur place dans la loi défé­rée ; qu’en outre, les séna­teurs contes­tent ses arti­cles 11 et 129 ;

 SUR LA PARTICIPATION DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ PRIVÉS À L’ACCOMPLISSEMENT DE MISSIONS DE SERVICE PUBLIC :

2. Considérant qu’en vertu de l’arti­cle L. 6112-1 du code de la santé publi­que, tel qu’il résulte de l’arti­cle 1er de la loi, les établissements de santé, publics ou privés, peu­vent être appe­lés à assu­rer, en tout ou partie, une ou plu­sieurs des qua­torze mis­sions de ser­vice public énumérées par cet arti­cle ; qu’en vertu de son arti­cle L. 6112-2, les mis­sions de ser­vice public qui sont confiées à un établissement sont ins­cri­tes dans le contrat d’objec­tifs et de moyens passé avec l’agence régio­nale de santé ; qu’aux termes des quatre pre­miers ali­néas de l’arti­cle L. 6112-3 : " L’établissement de santé, ou toute per­sonne char­gée d’une ou plu­sieurs des mis­sions de ser­vice public défi­nies à l’arti­cle L. 6112-1, garan­tit à tout patient accueilli dans le cadre de ces mis­sions : - 1° L’égal accès à des soins de qua­lité ;- 2° La per­ma­nence de l’accueil et de la prise en charge, ou l’orien­ta­tion vers un autre établissement ou une autre ins­ti­tu­tion, dans le cadre défini par l’agence régio­nale de santé ; - 3° La prise en charge aux tarifs fixés par l’auto­rité admi­nis­tra­tive ou aux tarifs des hono­rai­res prévus au 1° du I de l’arti­cle L. 162-14-1 du code de la sécu­rité sociale " ; qu’enfin, aux termes des deux pre­miers ali­néas de l’arti­cle L. 6112-3-1 : " Tout patient d’un établissement public de santé béné­fi­cie des garan­ties défi­nies aux 1° et 2° de l’arti­cle L. 6112-3. - Les établissements publics de santé appli­quent aux assu­rés sociaux les tarifs prévus aux arti­cles L. 162-20 et L. 162-26 du code de la sécu­rité sociale " ;

3. Considérant que, selon les requé­rants, en choi­sis­sant " d’inté­grer des établissements privés pour exer­cer des mis­sions de ser­vice public... tout en leur lais­sant la pos­si­bi­lité de choi­sir à la carte les mis­sions effec­ti­ves qu’ils enten­dent assu­rer ", la loi n’offri­rait pas les garan­ties léga­les suf­fi­san­tes pour que " l’exi­gence cons­ti­tu­tion­nelle du droit à la santé pour tous et son corol­laire qu’est l’égalité d’accès aux soins soient plei­ne­ment satis­faits " ;

4. Considérant, en pre­mier lieu, qu’aucune exi­gence cons­ti­tu­tion­nelle n’impose aux établissements de santé privés exer­çant des mis­sions de ser­vice public d’assu­rer toutes les mis­sions de ser­vice public sus­cep­ti­bles d’être confiées à un établissement de santé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des dis­po­si­tions pré­ci­tées que les établissements de santé privés exer­çant des mis­sions de ser­vice public seront tenus, pour l’accom­plis­se­ment de ces mis­sions, de garan­tir l’égal accès de tous à des soins de qua­lité et d’en assu­rer la prise en charge aux tarifs et hono­rai­res régle­men­tés ; que, dès lors, les dis­po­si­tions cri­ti­quées ne por­tent pas atteinte au prin­cipe d’égalité devant le ser­vice public qui résulte de l’arti­cle 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

6. Considérant, en troi­sième lieu, qu’en vertu du 2° de l’arti­cle L. 6112-3, ces établissements de santé privés garan­ti­ront la per­ma­nence de l’accueil et la prise en charge ou l’orien­ta­tion vers un autre établissement ou une autre ins­ti­tu­tion " dans le cadre défini par l’agence régio­nale de santé " ; qu’il appar­tien­dra à cette der­nière, en défi­nis­sant les moda­li­tés de cette par­ti­ci­pa­tion et en la coor­don­nant avec l’acti­vité des établissements publics de santé, de veiller à ce que soit assuré l’exer­cice continu des mis­sions du ser­vice public hos­pi­ta­lier pris dans son ensem­ble ; que, sous cette réserve, ces dis­po­si­tions ne méconnais­sent ni les exi­gen­ces du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 rela­ti­ves à la pro­tec­tion de la santé, ni le prin­cipe de conti­nuité du ser­vice public ;

 SUR LA GOUVERNANCE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE SANTÉ :

7. Considérant que les arti­cles 10, 11 et 23 de la loi défé­rée modi­fient le code de la santé publi­que et la loi du 9 jan­vier 1986 sus­vi­sée qui ont trait au statut et à la gou­ver­nance des établissements publics de santé ;

8. Considérant que, selon les requé­rants, les pou­voirs confé­rés à l’agence régio­nale de santé sur les établissements publics de santé limi­te­raient l’auto­no­mie de ces der­niers en méconnais­sance des exi­gen­ces cons­ti­tu­tion­nel­les en matière de liberté contrac­tuelle, en par­ti­cu­lier pour la signa­ture du contrat plu­rian­nuel d’objec­tifs et de moyens avec l’agence régio­nale de santé et pour la conclu­sion de conven­tions de coo­pé­ra­tion entre plu­sieurs établissements ; que seraient contrai­res à la Constitution les dis­po­si­tions de l’arti­cle L. 6143-7-2 du code de la santé publi­que ainsi que celles de l’arti­cle 3 de la loi du 9 jan­vier 1986, qui pré­voient que les direc­teurs d’établissement sont nommés, selon le cas, par le direc­teur géné­ral de l’agence régio­nale de santé ou sur sa pro­po­si­tion ; que seraient également contrai­res à la Constitution les dis­po­si­tions de l’arti­cle L. 6131-2 du code de la santé publi­que qui per­met­tent au direc­teur géné­ral de l’agence régio­nale de santé de deman­der aux établissements publics de santé de conclure une conven­tion condui­sant à la coo­pé­ra­tion ou au rap­pro­che­ment entre établissements et, si cette demande n’est pas suivie d’effet, l’auto­ri­sent à réduire les dota­tions finan­ciè­res ; qu’ils sou­tien­nent, enfin, que la " tutelle hié­rar­chi­que " des agen­ces régio­na­les de santé sur les établissements publics de santé " évacue l’exis­tence de vrais contre-pou­voirs sani­tai­res dont le rôle aurait été de nature à pré­ve­nir des ris­ques graves " ;

9. Considérant qu’aucune exi­gence cons­ti­tu­tion­nelle ne garan­tit l’auto­no­mie de ges­tion des établissements publics de santé ; qu’en outre, les pou­voirs de l’agence régio­nale de santé ne por­tent, par eux-mêmes, aucune atteinte à la liberté de contrac­ter de ces établissements ; que, dès lors, les griefs invo­qués man­quent en fait ;

 SUR LA NOMINATION DE PERSONNES N’AYANT PAS LA QUALITÉ DE FONCTIONNAIRE DANS LES EMPLOIS DE DIRECTEUR D’ÉTABLISSEMENT PUBLIC :

10. Considérant que le 1° du I de l’arti­cle 11 de la loi défé­rée modi­fie l’arti­cle 3 de la loi du 9 jan­vier 1986 sus­vi­sée rela­tive à la fonc­tion publi­que hos­pi­ta­lière ; qu’il permet, par déro­ga­tion à l’arti­cle 3 du titre Ier du statut géné­ral des fonc­tion­nai­res, que des per­son­nes n’ayant pas la qua­lité de fonc­tion­naire soient nom­mées dans les emplois de direc­teurs d’établissements publics de santé ou d’établissements sociaux ou médico-sociaux ;

11. Considérant que, selon les séna­teurs requé­rants, la pos­si­bi­lité de telles nomi­na­tions en l’absence de tout cri­tère précis quant aux talents et aux com­pé­ten­ces des per­son­nes nom­mées méconnaî­trait le prin­cipe d’égal accès aux emplois publics ;

12. Considérant qu’en vertu de l’arti­cle 6 de la Déclaration de 1789, tous les citoyens " sont également admis­si­bles à toutes digni­tés, places et emplois publics, selon leur capa­cité, et sans autre dis­tinc­tion que celle de leurs vertus et de leurs talents " ; que le prin­cipe d’égal accès aux emplois publics n’inter­dit pas au légis­la­teur de pré­voir que des per­son­nes n’ayant pas la qua­lité de fonc­tion­naire puis­sent être nom­mées à des emplois per­ma­nents de direc­tion d’établissement public qui sont en prin­cipe occu­pés par des fonc­tion­nai­res ; que, tou­te­fois, ces dis­po­si­tions ne sau­raient être inter­pré­tées comme per­met­tant de pro­cé­der à des mesu­res de recru­te­ment en méconnais­sance de l’arti­cle 6 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, d’une part, il appar­tien­dra au pou­voir régle­men­taire, chargé de pren­dre les mesu­res d’appli­ca­tion, de fixer les règles de nature à garan­tir l’égal accès des can­di­dats à ces emplois et de pré­ci­ser les moda­li­tés selon les­quel­les leurs apti­tu­des seront exa­mi­nées ; que, d’autre part, il appar­tien­dra aux auto­ri­tés com­pé­ten­tes de fonder leur déci­sion de nomi­na­tion sur la capa­cité des inté­res­sés à rem­plir leur mis­sion ; que, sous cette double réserve, ces dis­po­si­tions ne méconnais­sent pas le prin­cipe de l’égal accès aux emplois publics ;

 SUR LA PARTICIPATION D’ENTREPRISES PRIVÉES AUX ACTIONS ET PROGRAMMES D’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE :

13. Considérant que la seconde phrase de l’arti­cle L. 1161-4 du code de la santé publi­que, tel qu’il résulte de l’arti­cle 84 de la loi défé­rée, permet que des entre­pri­ses se livrant à l’exploi­ta­tion d’un médi­ca­ment, des per­son­nes res­pon­sa­bles de la mise sur le marché d’un dis­po­si­tif médi­cal ou d’un dis­po­si­tif médi­cal de diag­nos­tic in vitro ou des entre­pri­ses pro­po­sant des pres­ta­tions en lien avec la santé pren­nent part aux actions ou pro­gram­mes d’éducation thé­ra­peu­ti­que des patients, notam­ment pour leur finan­ce­ment, dès lors que ces pro­gram­mes ou actions sont élaborés et mis en œuvre par des pro­fes­sion­nels de santé et des asso­cia­tions agréées repré­sen­tant les usa­gers du sys­tème de santé ;

14. Considérant que, selon les requé­rants, en per­met­tant aux entre­pri­ses d’indus­trie et de dis­tri­bu­tion phar­ma­ceu­ti­ques de par­ti­ci­per aux actions ou pro­gram­mes d’éducation thé­ra­peu­ti­que des patients, l’arti­cle L. 1161-4 du code de la santé publi­que méconnaî­trait le droit à la pro­tec­tion de la santé ;

15. Considérant, tou­te­fois, que les dis­po­si­tions contes­tées se bor­nent à pré­voir la contri­bu­tion directe ou indi­recte des entre­pri­ses pri­vées au finan­ce­ment d’une action ou d’un pro­gramme d’éducation thé­ra­peu­ti­que des patients et sont sou­mi­ses aux condi­tions fixées par les arti­cles L. 1161-1 à L. 1161-4 du code de la santé publi­que ; qu’elles ne sont pas contrai­res aux exi­gen­ces du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 rela­ti­ves à la pro­tec­tion de la santé ; que, dès lors, le grief doit être écarté ;

 SUR LA FORMATION DES PSYCHOTHÉRAPEUTES :

16. Considérant que l’arti­cle 91 de la loi défé­rée, rela­tif à l’usage du titre de psy­cho­thé­ra­peute, modi­fie l’arti­cle 52 de la loi du 9 août 2004 sus­vi­sée ; qu’il pré­voit notam­ment que l’accès à la for­ma­tion théo­ri­que et pra­ti­que en psy­cho­pa­tho­lo­gie cli­ni­que que doi­vent avoir suivie les pro­fes­sion­nels sou­hai­tant s’ins­crire au regis­tre natio­nal des psy­cho­thé­ra­peu­tes est " réservé aux titu­lai­res d’un diplôme de niveau doc­to­rat don­nant le droit d’exer­cer la méde­cine en France ou d’un diplôme de niveau master dont la spé­cia­lité ou la men­tion est la psy­cho­lo­gie ou la psy­cha­na­lyse " ;

17. Considérant que, selon les requé­rants, en impo­sant de telles condi­tions de diplôme et en ne pré­voyant aucun dis­po­si­tif per­met­tant d’accé­der au titre de psy­cho­thé­ra­peute sur la base d’une for­ma­tion ini­tiale en psy­cho­thé­ra­pie ou dans le cadre de la vali­da­tion des acquis de l’expé­rience, ces dis­po­si­tions méconnais­sent le prin­cipe d’égalité devant la loi ;

18. Considérant qu’il est loi­si­ble au légis­la­teur d’appor­ter à la liberté d’entre­pren­dre, qui découle de l’arti­cle 4 de la Déclaration de 1789, des limi­ta­tions liées à des exi­gen­ces cons­ti­tu­tion­nel­les ou jus­ti­fiées par l’inté­rêt géné­ral, à la condi­tion qu’il n’en résulte pas d’attein­tes dis­pro­por­tion­nées au regard de l’objec­tif pour­suivi ; qu’en outre, le prin­cipe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le légis­la­teur règle de façon dif­fé­rente des situa­tions dif­fé­ren­tes pourvu que la dif­fé­rence de trai­te­ment qui en résulte soit en rap­port direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

19. Considérant qu’en réser­vant l’accès à la for­ma­tion ouvrant droit à l’usage du titre de psy­cho­thé­ra­peute aux per­son­nes titu­lai­res d’un doc­to­rat en méde­cine ou d’un master en psy­cho­lo­gie ou en psy­cha­na­lyse, le légis­la­teur a assuré entre la liberté d’entre­pren­dre et les exi­gen­ces du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 rela­ti­ves à la pro­tec­tion de la santé une conci­lia­tion qui n’est pas dis­pro­por­tion­née et n’a pas méconnu le prin­cipe d’égalité ;

 SUR LA MISE EN COHÉRENCE PAR ORDONNANCES DES DISPOSITIONS EN VIGUEUR :

20. Considérant que l’arti­cle 133 de la loi défé­rée auto­rise le Gouvernement à pro­cé­der par ordon­nan­ces à la modi­fi­ca­tion des par­ties légis­la­ti­ves des codes et des dis­po­si­tions non codi­fiées afin, d’une part, d’assu­rer leur cohé­rence avec ladite loi et le res­pect de la hié­rar­chie des normes et, d’autre part, d’abro­ger les dis­po­si­tions deve­nues sans objet ; que cette auto­ri­sa­tion est donnée pour une durée de neuf mois ; qu’un projet de loi de rati­fi­ca­tion devra être déposé dans les trois mois de la publi­ca­tion de l’ordon­nance ;

21. Considérant que, selon les requé­rants, en habi­li­tant le Gouvernement à mettre en cohé­rence les dis­po­si­tions légis­la­ti­ves en vigueur avec celles de la loi défé­rée, le Parlement n’aurait pas épuisé sa com­pé­tence ; que, dès lors, il aurait méconnu l’objec­tif d’intel­li­gi­bi­lité et d’acces­si­bi­lité de la loi ;

22. Considérant qu’en vertu de l’arti­cle 38 de la Constitution le Gouvernement peut, pour l’exé­cu­tion de son pro­gramme, deman­der au Parlement l’auto­ri­sa­tion de pren­dre, par voie d’ordon­nan­ces, pen­dant un délai limité et dans les condi­tions pré­vues par son deuxième alinéa, des mesu­res qui sont nor­ma­le­ment du domaine de la loi ; qu’il doit, en consé­quence, indi­quer avec pré­ci­sion au Parlement, afin de jus­ti­fier la demande qu’il pré­sente, la fina­lité des mesu­res qu’il se pro­pose de pren­dre par voie d’ordon­nan­ces ainsi que leur domaine d’inter­ven­tion ;

23. Considérant que, comme il res­sort des tra­vaux par­le­men­tai­res, en adop­tant l’arti­cle 133 de la loi défé­rée, le légis­la­teur a seu­le­ment entendu auto­ri­ser le Gouvernement à tirer les consé­quen­ces, par ordon­nan­ces, de la loi qu’il a adop­tée et assu­rer ainsi la coor­di­na­tion des dis­po­si­tions légis­la­ti­ves en vigueur avec celles de cette loi ; que, dès lors, les griefs invo­qués doi­vent être écartés ;

 SUR LES AFFECTATIONS DE PERSONNELS AUX AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ :

24. Considérant que le II de l’arti­cle 129 de la loi défé­rée fixe les moda­li­tés d’affec­ta­tion aux agen­ces régio­na­les de santé des fonc­tion­nai­res d’État, fonc­tion­nai­res hos­pi­ta­liers ou ter­ri­to­riaux, pra­ti­ciens hos­pi­ta­liers, agents contrac­tuels de droit public ou de droit privé exer­çant les fonc­tions trans­fé­rées à ces agen­ces à la date de ce trans­fert ;

25. Considérant que, selon les séna­teurs requé­rants, cette dis­po­si­tion méconnaî­trait le prin­cipe d’égalité dans la mesure où la loi pré­voit des trans­ferts auto­ma­ti­ques de cer­tains per­son­nels en inter­di­sant aux autres de béné­fi­cier de cette pos­si­bi­lité ;

26. Considérant que ni le prin­cipe d’égal accès aux emplois publics ni le prin­cipe de l’égalité de trai­te­ment dans le dérou­le­ment de la car­rière des agents publics ne s’oppo­sent à ce que soient appli­qués des trai­te­ments dif­fé­rents à des can­di­dats ou agents se trou­vant dans des situa­tions dif­fé­ren­tes dès lors que cette dif­fé­rence de situa­tion pré­sente un carac­tère objec­tif et qu’elle est moti­vée par l’inté­rêt qui s’atta­che à la conti­nuité du ser­vice public ;

27. Considérant que les per­son­nels exer­çant leurs fonc­tions dans des ser­vi­ces dont l’acti­vité est trans­fé­rée aux agen­ces régio­na­les de santé à la date de ce trans­fert sont dans une situa­tion dif­fé­rente de celle des autres per­son­nels ; que le légis­la­teur a donc pu, sans méconnaî­tre le prin­cipe d’égalité, pré­voir leur affec­ta­tion dans ces agen­ces sans modi­fier leur situa­tion sta­tu­taire ou contrac­tuelle anté­rieure ;

28. Considérant qu’il s’ensuit que l’arti­cle 129 de la loi défé­rée n’est pas contraire à la Constitution ;

 SUR LA CERTIFICATION DES COMPTES DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE SANTÉ :

29. Considérant que l’arti­cle 17 de la loi défé­rée, qui donne une nou­velle rédac­tion de l’arti­cle L. 6145-16 du code de la santé publi­que, pré­voit que les comp­tes des établissements publics de santé défi­nis par décret sont cer­ti­fiés par un com­mis­saire aux comp­tes ou par la Cour des comp­tes ; qu’il pré­cise que les moda­li­tés de cette cer­ti­fi­ca­tion sont " coor­don­nées par cette der­nière " et fixées par voie régle­men­taire ;

30. Considérant qu’il incombe au légis­la­teur d’exer­cer plei­ne­ment la com­pé­tence que lui confie la Constitution et, en par­ti­cu­lier, son arti­cle 34 ; que l’objec­tif de valeur cons­ti­tu­tion­nelle d’intel­li­gi­bi­lité et d’acces­si­bi­lité de la loi, qui découle des arti­cles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui impose d’adop­ter des dis­po­si­tions suf­fi­sam­ment pré­ci­ses et des for­mu­les non équivoques ;

31. Considérant qu’il res­sort des tra­vaux par­le­men­tai­res que le légis­la­teur a entendu confier aux com­mis­sai­res aux comp­tes ou à la Cour des comp­tes la cer­ti­fi­ca­tion des comp­tes d’établissements publics de santé et ren­voyer au pou­voir régle­men­taire le soin de fixer les cri­tè­res de leurs inter­ven­tions res­pec­ti­ves ainsi que les pro­cé­du­res com­mu­nes à celles-ci ; que, tou­te­fois, en confé­rant à la Cour des comp­tes le pou­voir de coor­don­ner les moda­li­tés des cer­ti­fi­ca­tions par les com­mis­sai­res aux comp­tes, sans fixer l’étendue et les limi­tes de ce pou­voir, le légis­la­teur a méconnu l’étendue de sa com­pé­tence ; que, par suite, les mots " coor­don­nées par cette der­nière et " doi­vent être décla­rés contrai­res à la Constitution ;

 SUR LES EXPÉRIMENTATIONS :

32. Considérant que l’arti­cle 16 de la loi défé­rée insère dans le code de la santé publi­que un arti­cle L. 6152-7 pré­voyant des expé­ri­men­ta­tions rela­ti­ves à l’annua­li­sa­tion du temps de tra­vail des pra­ti­ciens des hôpi­taux à temps par­tiel et ren­voyant à un arrêté minis­té­riel la fixa­tion de leurs moda­li­tés, et notam­ment de leur durée ;

33. Considérant que le II de l’arti­cle 38 dis­pose : " Une expé­ri­men­ta­tion est menée dans une région connais­sant un taux impor­tant de recours à l’inter­rup­tion volon­taire de gros­sesse ten­dant à auto­ri­ser les phar­ma­ciens d’offi­cine ayant reçu une for­ma­tion spé­ci­fi­que à déli­vrer, pour trois mois et sans renou­vel­le­ment pos­si­ble, une contra­cep­tion œstro­pro­ges­ta­tive aux femmes de plus de quinze ans et de moins de trente-cinq ans, dans des condi­tions défi­nies par voie régle­men­taire " ;

34. Considérant que le III de l’arti­cle 50 insère dans le code de la santé publi­que un arti­cle L. 1111-20 afin que cer­tains béné­fi­ciai­res de l’assu­rance mala­die domi­ci­liés dans cer­tai­nes régions puis­sent rece­voir, à titre expé­ri­men­tal, leur dos­sier médi­cal enre­gis­tré sur un dis­po­si­tif por­ta­ble d’héber­ge­ment de don­nées infor­ma­ti­ques ;

35. Considérant que l’arti­cle 55 insère dans le code de la sécu­rité sociale un arti­cle L. 162-1-18 qui permet aux assu­rés ou ayants droit âgés de seize à vingt-cinq ans de béné­fi­cier chaque année d’une consul­ta­tion de pré­ven­tion, réa­li­sée par un méde­cin géné­ra­liste, pour laquelle ils sont dis­pen­sés de l’avance des frais ; qu’il ren­voie à un décret le soin de fixer le contenu, les moda­li­tés et les condi­tions de mise en œuvre de la visite ; que la seconde phrase du second alinéa de cet arti­cle ajoute : " Ces condi­tions peu­vent pré­voir, pour une période limi­tée, une expé­ri­men­ta­tion au béné­fice d’une partie de la popu­la­tion visée au pre­mier alinéa " ;

36. Considérant que le III de l’arti­cle 86 de la loi défé­rée dis­pose : " Après consul­ta­tion des pro­fes­sion­nels concer­nés sur la pos­si­bi­lité d’étendre aux sages-femmes la pra­ti­que des inter­rup­tions volon­tai­res de gros­sesse par voie médi­ca­men­teuse, une expé­ri­men­ta­tion est menée dans une région connais­sant un taux impor­tant de recours à l’inter­rup­tion volon­taire de gros­sesse. Dans le cadre de cette expé­ri­men­ta­tion, les sages-femmes sont auto­ri­sées à pra­ti­quer ces actes pour les seuls cas où ils sont réa­li­sés par voie médi­ca­men­teuse " ;

37. Considérant que l’arti­cle 118 est rela­tif aux agen­ces régio­na­les de santé ; qu’il intro­duit dans le code de la santé publi­que un arti­cle L. 1432-3 dont le neu­vième alinéa dis­pose : " À titre expé­ri­men­tal, la pré­si­dence du conseil de sur­veillance de l’agence régio­nale de santé peut être confiée à une per­son­na­lité qua­li­fiée dési­gnée par le minis­tre de la santé. Un décret déter­mine la ou les régions où cette expé­ri­men­ta­tion est menée " ;

38. Considérant qu’aux termes de l’arti­cle 37-1 de la Constitution : " La loi et le règle­ment peu­vent com­por­ter, pour un objet et une durée limi­tés, des dis­po­si­tions à carac­tère expé­ri­men­tal " ; que, si, sur le fon­de­ment de cette dis­po­si­tion, le Parlement peut auto­ri­ser, dans la pers­pec­tive de leur éventuelle géné­ra­li­sa­tion, des expé­ri­men­ta­tions déro­geant, pour un objet et une durée limi­tés, au prin­cipe d’égalité devant la loi, il doit en défi­nir de façon suf­fi­sam­ment pré­cise l’objet et les condi­tions et ne pas méconnaî­tre les autres exi­gen­ces de valeur cons­ti­tu­tion­nelle ;

39. Considérant qu’en adop­tant les dis­po­si­tions pré­ci­tées des arti­cles 16, 38, 50, 55, 86 et 118, le légis­la­teur a auto­risé des expé­ri­men­ta­tions sans en fixer le terme ; qu’ayant décidé lui-même de déro­ger au prin­cipe d’égalité devant la loi, il ne pou­vait, sans méconnaî­tre l’arti­cle 37-1 de la Constitution, ren­voyer au pou­voir régle­men­taire le soin de fixer la durée de cette déro­ga­tion ; qu’il s’ensuit que les dis­po­si­tions pré­ci­tées sont contrai­res à la Constitution ;

 SUR LA PLACE DE CERTAINES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE :

40. Considérant qu’aux termes du pre­mier alinéa de l’arti­cle 45 de la Constitution : " Sans pré­ju­dice de l’appli­ca­tion des arti­cles 40 et 41, tout amen­de­ment est rece­va­ble en pre­mière lec­ture dès lors qu’il pré­sente un lien, même indi­rect, avec le texte déposé ou trans­mis " ;

41. Considérant, en l’espèce, que le projet de loi com­por­tait trente-trois arti­cles lors de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée natio­nale, pre­mière assem­blée saisie ; que, comme le pré­cise l’inti­tulé des quatre titres de la loi, ces dis­po­si­tions ten­daient à moder­ni­ser les établissements de santé, à faci­li­ter l’accès de tous à des soins de qua­lité, à favo­ri­ser la pré­ven­tion et la santé publi­que et, enfin, à modi­fier l’orga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale du sys­tème de santé ;

42. Considérant que l’arti­cle 44, inséré dans le projet de loi par un amen­de­ment adopté en pre­mière lec­ture par le Sénat le 4 juin 2009, modi­fie le code de la sécu­rité sociale pour chan­ger la déno­mi­na­tion de l’École natio­nale supé­rieure de sécu­rité sociale ;

43. Considérant que cette dis­po­si­tion, qui ne pré­sente aucun lien, même indi­rect, avec celles qui figu­raient dans le projet de loi por­tant réforme de l’hôpi­tal et rela­tif aux patients, à la santé et aux ter­ri­toi­res, a été adop­tée selon une pro­cé­dure contraire à la Constitution ; que, par voie de consé­quence, il y a lieu de décla­rer contraire à la Constitution l’arti­cle 44 de la loi défé­rée ;

44. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil cons­ti­tu­tion­nel, de sou­le­ver d’office aucune autre ques­tion de confor­mité à la Constitution,

D É C I D E :

Article pre­mier.- Sont décla­rées contrai­res à la Constitution les dis­po­si­tions sui­van­tes de la loi por­tant réforme de l’hôpi­tal et rela­tive aux patients, à la santé et aux ter­ri­toi­res :
 l’arti­cle 16 ;
 au troi­sième alinéa de l’arti­cle 17, les mots : " coor­don­nées par cette der­nière et " ;
 le II de l’arti­cle 38 ;
 l’arti­cle 44 ;
 le III de l’arti­cle 50 ;
 la seconde phrase du der­nier alinéa de l’arti­cle 55 ;
 le III de l’arti­cle 86 ;
 à l’arti­cle 118, le neu­vième alinéa de l’arti­cle L. 1432-3 du code de la santé publi­que.

Article 2.- Sous les réser­ves énoncées aux consi­dé­rants 6 et 12, les arti­cles L. 6112-1 à L. 6112-3-1du code de la santé publi­que, tels qu’ils résul­tent de l’arti­cle 1er de la loi défé­rée, ainsi que son arti­cle 11 ne sont pas contrai­res à la Constitution.

Article 3.- Les arti­cles L. 1161-4, L. 6131-2 et L. 6143-7-2 du code de la santé publi­que, tels qu’ils résul­tent des arti­cles 10, 23 et 84 de cette même loi, ainsi que ses arti­cles 91 et 129, ne sont pas contrai­res à la Constitution.

Article 4.- La pré­sente déci­sion sera publiée au Journal offi­ciel de la République fran­çaise.

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