Maltraitance institutionnelle en EHPAD (vidéo Sud Radio 18mn)

8 septembre 2019

Les per­son­nes âgées mal­trai­tées dans les EHPAD ? Débat du 06.09.19 sur "Sud Radio", avec les invi­tés de Patrick Roger et Cécile de Ménibus :
 Thierry Amouroux (porte-parole du syn­di­cat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers SNPI CFE-CGC)
 Romain Gizolme (direc­teur de l’AD-PA, asso­cia­tion des direc­teurs)

https://youtu.be/P43boBeIujM

En France, dans les EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), il y a seu­le­ment 0,6 agent pour un rési­dent (y com­pris cui­si­nier, jar­di­nier, admi­nis­tra­tif, etc.), tandis que le ratio est déjà de 1 à 1,2 agents par rési­dent en Suisse ou au Danemark.

Le plan Grand âge 2008-2012 pré­co­ni­sait un agent pour un rési­dent. Au vu des effec­tifs dans les pays euro­péens pré­cé­dem­ment cités, la France a bien un retard. L’Allemagne est à 1,2 agents, le double de la France, alors que la part des per­son­nes âgées est plus impor­tante : pour­quoi ne pas suivre le "modèle alle­mand" cette fois ?

Des rési­dents plus âgés et plus dépen­dants

Les rési­dents décè­dent 6 mois plus tard qu’en 2011, soit à 89 ans. Dans le même temps, nous cons­ta­tons une entrée en ins­ti­tu­tion plus tar­dive, 85 ans et 8 mois contre 84 ans et 9 mois en 2011 avec une dépen­dance accrue. (GMP de 840 contre 790 en 2011). Le GMP ou Groupe Iso-res­source Moyen Pondéré est une échelle per­met­tant de mesu­rer la dépen­dance. Plus le GMP est près de 1000, plus la dépen­dance est impor­tante.

Les rési­dents néces­si­tent plus de temps dans leur prise en charge au vue de l’aug­men­ta­tion de leur dépen­dance. Il y a moins de temps à consa­crer à chacun car les effec­tifs ne sui­vent pas. Une aide-soi­gnante témoi­gnait avoir 3 minu­tes et 41 secondes pour “cou­cher” un rési­dent. Ces situa­tions amè­nent à des glis­se­ments de tâches où des agents hos­pi­ta­liers font “fai­sant fonc­tion” d’aide-soi­gnant.
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Jugement-en-EHPAD-les-ASH-ne.html

Pour le Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC, ces situa­tions, inad­mis­si­bles, mon­trent à quel point les auto­ri­tés négli­gent les com­pé­ten­ces des pro­fes­sion­nels diplô­més et man­quent de dignité envers nos aînés !

De sur­croît, les pro­fes­sion­nels se sen­tent dému­nis face au manque de for­ma­tion en géron­to­lo­gie. Celle-ci serait d’autant plus béné­fi­que qu’une patho­lo­gie démen­tielle a été diag­nos­ti­quée pour près de la moitié des rési­dents.

Perte de sens, mal­trai­tance ins­ti­tu­tion­nelle

Face au malaise infir­mier, à la perte de sens au tra­vail, à l’épuisement pro­fes­sion­nel, l’admi­nis­tra­tion n’apporte aucune réponse concrète à l’absence de reconnais­sance, de reva­lo­ri­sa­tion, de moyens pour accom­pa­gner les trans­for­ma­tions, de prise en compte des solu­tions pro­po­sées par les pro­fes­sion­nels infir­miers.

D’autre part, l’absence d’une infir­mière 24h/24h aug­mente la pro­ba­bi­lité de décé­der à l’hôpi­tal. La per­sonne âgée, néces­si­tant des soins la nuit, est trans­fé­rée à l’hôpi­tal en l’absence d’infir­mière. Ce trans­fert change l’envi­ron­ne­ment du rési­dent et aug­mente le risque d’infec­tion noso­co­miale. L’expé­ri­men­ta­tion menée par l’ARS Ile-de-France a montré une dimi­nu­tion du nombre de jours d’hos­pi­ta­li­sa­tion des rési­dents d’EHPAD où il y avait une infir­mière de nuit. Tandis que les hos­pi­ta­li­sa­tions, via un pas­sage aux urgen­ces, ont été divi­sées par 3 ! De quoi par­tiel­le­ment sou­la­ger les ser­vi­ces d’urgen­ces eux-mêmes engor­gés.
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Mutualisation-une-infir­miere-de-nuit-pour-3-EHPAD-soit-300-resi­dents.html

Face à la dépen­dance qui aug­mente, la manu­ten­tion par les pro­fes­sion­nels est plus impor­tante et les acci­dents du tra­vail sont 2 fois plus fré­quents en maison de retraite qu’en France en géné­ral.

Les pro­fes­sion­nels n’ont plus le temps d’adop­ter les bons gestes et bonnes pra­ti­ques, de s’adap­ter aux habi­tu­des de vies de chacun, de pren­dre soin d’un rési­dent comme d’une per­sonne unique, non pas comme un corps à laver et faire manger. Ils ne peu­vent que cons­ta­ter la dégra­da­tion de l’auto­no­mie des rési­dents, en ayant un sen­ti­ment de culpa­bi­lité. L’aug­men­ta­tion de la cadence ne permet plus l’entraide et les temps infor­mels. En consé­quence, les rela­tions au sein de l’équipe soi­gnante, essen­tiel­les pour une bonne prise en charge, se dégra­dent.

En EHPAD, avec l’absence de pré­­sence médi­­cale conti­­nue, l’infir­­mière peut donner la pleine mesure de ses com­­pé­­ten­­ces, en auto­­no­­mie ou sur pres­­crip­­tion médi­­cale.
Hélas, c’est aussi un lieu où des grou­­pes finan­­ciers recher­­chent du profit, et favo­­ri­­sent glis­­se­­ment de tâches et sous-effec­­tif, aux dépens des rési­­dents. Les soi­­gnants en souf­­france en d’autant plus de méri­­tes.
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/EHPAD-les-com­pe­ten­ces-soi­gnan­tes-confron­tees-a-la-logi­que-comp­ta­ble.html

Face à ces contrain­tes et à la non reconnais­sance sala­riale, des établissements se retrou­vent dans des dif­fi­cultés de recru­te­ment de méde­cins coor­don­na­teurs, d’aides-soi­gnants et d’infir­miers. Ceci est d’autant plus vrai dans les grou­pes privés lucra­tifs où l’emploi est assez pré­caire et les condi­tions de prise en charge sont encore plus dégra­dées. Dans ces der­niers, les prix sont plus élevés alors que les effec­tifs sont plus fai­bles, notam­ment chez les soi­gnants. Comment est-il pos­si­ble de bien pren­dre en charge les rési­dents avec moins d’infir­miers, moins d’aides-soi­gnants ?

Cerise sur le gros gâteau, la réforme du finan­ce­ment des EHPAD retire 200 mil­lions d’€ aux établissements publics au profit des établissements privés. Or 5 fon­da­teurs de grou­pes d’EHPAD privés font partie des plus gran­des for­tu­nes de France.

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