Propositions infirmières pour faire face aux impacts du changement climatique sur la santé

25 janvier 2024

Global Nurses United est une fédé­ra­tion de syn­di­cats d’infir­miè­res de 30 pays (le SNPI y repré­sente la France), qui se réu­nis­sent pour lutter pour les droits du tra­vail des infir­miè­res, la pro­tec­tion de la santé et de la sécu­rité sur le lieu de tra­vail, une infra­struc­ture de santé publi­que solide et pour des soins sûrs pour les patients et les com­mu­nau­tés.

Les infir­miè­res et leurs syn­di­cats sont en pre­mière ligne pour répon­dre aux impacts sani­tai­res du chan­ge­ment cli­ma­ti­que dans le monde. Il est clair pour nous que nos sys­tè­mes et infra­struc­tu­res de soins de santé ne sont pas actuel­le­ment pré­pa­rés à répon­dre adé­qua­te­ment aux défis sani­tai­res qui résul­te­ront du chan­ge­ment cli­ma­ti­que.

Les infir­miè­res savent que les effets du chan­ge­ment cli­ma­ti­que se font déjà sentir dans nos pays et nos com­mu­nau­tés – depuis les vagues de cha­leur, les séche­res­ses et les incen­dies de forêt jusqu’à l’élévation du niveau de la mer, les inon­da­tions et autres catas­tro­phes. Le chan­ge­ment cli­ma­ti­que accé­lère déjà la trans­mis­sion des mala­dies, la pol­lu­tion de l’air, les pertes de récol­tes et les migra­tions mon­dia­les, à mesure que les popu­la­tions quit­tent des régions qui devien­nent inhos­pi­ta­liè­res pour la survie humaine. La hausse des tem­pé­ra­tu­res et les événements météo­ro­lo­gi­ques extrê­mes ont déjà de pro­fonds effets sur la santé publi­que, entraî­nant une aug­men­ta­tion des ris­ques de coup de cha­leur, de bles­su­res phy­si­ques, de mal­nu­tri­tion, d’expo­si­tion à des mala­dies infec­tieu­ses et d’impacts sur la santé liés aux dépla­ce­ments et à l’expo­si­tion aux conflits.

Un rap­port de l’Organisation mon­diale de la santé de 2023 estime que si notre tra­jec­toire d’émissions mon­dia­les se pour­suit, neuf mil­lions de per­son­nes mour­ront chaque année de causes liées au climat d’ici la fin du siècle, à moins que des mesu­res gou­ver­ne­men­ta­les sérieu­ses ne soient prises pour faire face aux impacts du chan­ge­ment cli­ma­ti­que sur la santé.

L’Accord de Paris de 2015 a invo­qué le « droit à la santé » comme prin­cipe fon­da­men­tal de l’action cli­ma­ti­que, et les pres­ta­tai­res de soins de santé du monde entier ont tou­jours su que la santé de notre pla­nète et celle de nos popu­la­tions sont étroitement liées. Afin de pro­té­ger la santé publi­que, les gou­ver­ne­ments doi­vent inves­tir dans les infra­struc­tu­res, la pré­pa­ra­tion en matière de santé publi­que et les pro­tec­tions en matière de santé et de sécu­rité qui sont néces­sai­res à la survie humaine et à la lutte pour la jus­tice cli­ma­ti­que.

Pour la toute pre­mière fois, les négo­cia­tions inter­na­tio­na­les sur le climat lors de la COP28 orga­ni­sées par les Émirats arabes unis com­pren­nent une « Journée de la santé » offi­cielle et une réu­nion minis­té­rielle de la santé. Global Nurses United se féli­cite de l’inclu­sion offi­cielle des soins de santé dans les négo­cia­tions sur le climat, et nous exhor­tons tous les pays à pro­fi­ter de cette réu­nion pour pren­dre des enga­ge­ments qui inves­ti­ront dans une com­bi­nai­son de mesu­res de santé publi­que et de pré­pa­ra­tion au climat qui pro­té­ge­ront les com­mu­nau­tés.

Les infir­miè­res se consa­crent à pro­té­ger la santé publi­que de nos com­mu­nau­tés. Nous appe­lons les gou­ver­ne­ments à s’enga­ger sur les pro­po­si­tions sui­van­tes afin d’ atté­nuer la crise cli­ma­ti­que et d’amé­lio­rer la pré­pa­ra­tion des sys­tè­mes de santé :

1. Atténuer la crise cli­ma­ti­que en sup­pri­mant pro­gres­si­ve­ment la pro­duc­tion et la consom­ma­tion de com­bus­ti­bles fos­si­les et en rédui­sant rapi­de­ment les émissions mon­dia­les de car­bone.
Malgré la néces­sité offi­ciel­le­ment reconnue de s’éloigner rapi­de­ment des com­bus­ti­bles fos­si­les, de nou­veaux pro­jets d’infra­struc­tu­res liés aux com­bus­ti­bles fos­si­les sont soit en cons­truc­tion, soit au stade de pla­ni­fi­ca­tion dans de nom­breux pays du monde. Pour par­ve­nir à un avenir sans émissions, nous devons arrê­ter de pro­duire et de consom­mer des com­bus­ti­bles fos­si­les.
À l’échelle mon­diale, le sys­tème de santé est res­pon­sa­ble de près de 5 % des émissions de gaz à effet de serre, pro­ve­nant à la fois des infra­struc­tu­res hos­pi­ta­liè­res et des chaî­nes d’appro­vi­sion­ne­ment en biens et ser­vi­ces de santé. Il est essen­tiel que les pays s’effor­cent de décar­bo­ner les infra­struc­tu­res de soins inten­sifs et pous­sent les orga­ni­sa­tions de soins de santé à se désen­ga­ger des com­bus­ti­bles fos­si­les afin d’endi­guer l’aug­men­ta­tion des émissions mon­dia­les asso­ciées à la com­bus­tion de com­bus­ti­bles fos­si­les.

2. Renforcer les infra­struc­tu­res de santé et d’urgence en garan­tis­sant que tous les hôpi­taux et établissements de soins de santé conti­nue­ront de fonc­tion­ner face aux catas­tro­phes cli­ma­ti­ques et seront rési­lients aux futurs événements météo­ro­lo­gi­ques extrê­mes.
Les infir­miè­res du monde entier ont connu d’immen­ses per­tur­ba­tions dans les soins qu’elles sont en mesure de pro­di­guer en raison des événements cli­ma­ti­ques. Ces événements météo­ro­lo­gi­ques extrê­mes sont sus­cep­ti­bles d’aug­men­ter à la fois en fré­quence et en gra­vité, tandis que dans le même temps, les ser­vi­ces médi­caux ris­quent d’être assié­gés par des épidémies impré­vues de mala­dies infec­tieu­ses comme la dengue et le zika.
Il est essen­tiel que les gou­ver­ne­ments inves­tis­sent dans les efforts de rési­lience, de dura­bi­lité et d’atté­nua­tion des catas­tro­phes pour les infra­struc­tu­res de soins de santé afin de garan­tir que les patients puis­sent conti­nuer à rece­voir des soins. Les gou­ver­ne­ments doi­vent également veiller à ce que les chaî­nes d’appro­vi­sion­ne­ment médi­cal soient rési­lien­tes, trans­pa­ren­tes et dura­bles face au nombre crois­sant d’urgen­ces météo­ro­lo­gi­ques extrê­mes liées au climat.

3. Protéger la santé publi­que mon­diale face à la hausse des tem­pé­ra­tu­res et à l’aug­men­ta­tion de la trans­mis­sion des mala­dies en pro­té­geant le public des impacts sani­tai­res du chan­ge­ment cli­ma­ti­que.
Tout au long de la pan­dé­mie de Covid-19, nous avons vu la com­mu­nauté inter­na­tio­nale échouer à conte­nir un virus qui se pro­page rapi­de­ment et des mil­lions de per­son­nes sont mortes, y com­pris un nombre impor­tant de tra­vailleurs de la santé.
Il est essen­tiel que les pays et les régions pla­ni­fient l’avenir de manière à pro­té­ger au mieux les popu­la­tions vul­né­ra­bles, notam­ment en garan­tis­sant des soins de santé et des ser­vi­ces publics de haute qua­lité pour tous. Cela inclut la néces­sité de four­nir un accès à l’eau pota­ble et à un assai­nis­se­ment amé­lioré, ainsi que d’amé­lio­rer l’accès à l’éducation et à l’infor­ma­tion sani­tai­res, ainsi qu’aux ser­vi­ces de santé essen­tiels, y com­pris la vac­ci­na­tion.
Afin de garan­tir que les pays à faible revenu soient équipés pour inves­tir dans les infra­struc­tu­res de santé publi­que essen­tiel­les, les gou­ver­ne­ments et les ins­ti­tu­tions finan­ciè­res mul­ti­la­té­ra­les inter­na­tio­na­les doi­vent accor­der un allé­ge­ment de la dette et mettre à jour les cadres de réso­lu­tion de la dette pour les pays à faible revenu du Sud. Les inves­tis­se­ments dans les mesu­res de santé publi­que mon­diale et d’adap­ta­tion au climat sont des biens publics et amé­lio­rent la vie de tous les citoyens.

4. Soutenez les infir­miè­res de pre­mière ligne et les autres tra­vailleurs de la santé face aux catas­tro­phes en veillant à ce qu’ils soient prêts à faire face aux événements météo­ro­lo­gi­ques extrê­mes et à soi­gner les patients tou­chés par un réchauf­fe­ment cli­ma­ti­que rapide.
La hausse des tem­pé­ra­tu­res pré­sente des ris­ques phy­si­ques, men­taux et émotionnels impor­tants pour les tra­vailleurs de la santé, et les gou­ver­ne­ments ont la res­pon­sa­bi­lité d’encou­ra­ger des inves­tis­se­ments accrus dans la for­ma­tion cli­ni­que liée aux catas­tro­phes cli­ma­ti­ques afin de garan­tir que notre per­son­nel de santé est prêt à faire face aux impacts sani­tai­res d’un réchauf­fe­ment rapide de la pla­nète.
Les établissements de soins de santé doi­vent mettre en place un per­son­nel sûr, des pro­tec­tions sur le lieu de tra­vail et une prime de risque lors­que les pro­tec­tions ne sont pas pos­si­bles, pour les infir­miè­res et autres tra­vailleurs de la santé en cas de per­tur­ba­tions cli­ma­ti­ques. Les gou­ver­ne­ments doi­vent res­pec­ter le droit des infir­miè­res et autres tra­vailleurs de la santé de s’orga­ni­ser et de négo­cier col­lec­ti­ve­ment.

5. Veiller à ce que toutes les par­ties pre­nan­tes concer­nées soient consul­tées lors de l’élaboration de pro­gram­mes de pré­pa­ra­tion au climat et aux soins de santé.
Pour garan­tir que les mesu­res prises en matière de santé publi­que et de pré­pa­ra­tion au chan­ge­ment cli­ma­ti­que soient équitables et dura­bles pour tous, il est impé­ra­tif que les gou­ver­ne­ments consul­tent un éventail large et diver­si­fié de par­ties pre­nan­tes.
Le chan­ge­ment cli­ma­ti­que exa­cerbe l’injus­tice raciale et l’injus­tice de genre, en partie parce que les impacts sani­tai­res les plus graves du chan­ge­ment cli­ma­ti­que tou­chent des popu­la­tions déjà vul­né­ra­bles aux iné­ga­li­tés en matière de santé. Les com­mu­nau­tés autoch­to­nes, les femmes et les per­son­nes oppri­mées par leur genre, les per­son­nes de cou­leur et les com­mu­nau­tés à faible revenu sont en pre­mière ligne de la crise sani­taire et cli­ma­ti­que étroitement liée.
Pour lutter de manière proac­tive contre les mena­ces du chan­ge­ment cli­ma­ti­que sur la jus­tice raciale et la jus­tice de genre, les gou­ver­ne­ments doi­vent tenir compte des impacts racia­li­sés et sexis­tes des pro­gram­mes de pré­pa­ra­tion au climat et aux soins de santé.
Cela doit inclure la consul­ta­tion des infir­miè­res, des autres tra­vailleurs de la santé et de nos syn­di­cats. Cela doit également inclure une consul­ta­tion signi­fi­ca­tive avec les diri­geants des Premières Nations et des com­mu­nau­tés autoch­to­nes, sou­vent parmi les pre­miè­res tou­chées par le chan­ge­ment cli­ma­ti­que, qui doi­vent avoir leur place à la table des efforts de pré­pa­ra­tion en matière de soins de santé.

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