Ratio patients soignants : augmenter le nombre d’infirmiers sauve des vies et permet d’importantes économies

16 janvier 2022

Le per­son­nel infir­mier joue un rôle essen­tiel dans la pres­ta­tion des soins de santé de qua­lité. Pourtant en France le nombre d’infir­miers par patient n’est pas suf­fi­sant tant leurs tâches sont nom­breu­ses. Une étude aus­tra­lienne publiée dans la pres­ti­gieuse revue médi­cale "The Lancet" démon­tre qu’embau­cher plus de per­son­nel infir­mier sauve des vies et permet de d’impor­tan­tes économies à moyen et long terme.

L’étude aus­tra­lienne a été menée entre 2016 et 2018 sur plus de 400.000 patients et 17 000 infir­miers dans 55 hôpi­taux du Queensland, un Etat aus­tra­lien situé au nord-est du pays. Dans les 27 établissements où le ratio d’un pro­fes­sion­nel pour quatre patients a été res­pecté - au lieu d’un pour cinq aupa­ra­vant, pas­sant à un pour sept la nuit - et com­paré aux 28 autres (à un pour six), le risque de décès jusqu’à 30 jours après la sortie et de réad­mis­sion dans les sept jours a chuté de 7%. La durée du séjour a dimi­nué de 3%.

Augmenter le nombre d’infir­miè­res par patient a permis d’éviter 145 décès, 255 réad­mis­sions et près de 30.000 jours d’hos­pi­ta­li­sa­tion. Le manque d’infir­miè­res pro­vo­que des com­pli­ca­tions chez les patients, prin­ci­pa­le­ment des com­pli­ca­tions infec­tieu­ses comme des infec­tions noso­co­mia­les, des com­pli­ca­tions de plaies opé­ra­toi­res, ou des escar­res quand on mobi­lise moins les patients. Finalement, les patients res­tent plus long­temps à cause de ces com­pli­ca­tions, et revien­nent à l’hôpi­tal.

Dans l’étude, les cher­cheurs se ren­dent compte que le coût des réad­mis­sions et de cette durée de séjour aug­men­tée revient à 69 mil­lions de dol­lars. Alors qu’enga­ger un nombre suf­fi­sant d’infir­miè­res repré­sente moins de la moitié, à savoir 33 mil­lions de dol­lars.

La même étude a été réa­li­sée en Irlande. Les résul­tats sont simi­lai­res. Les cher­cheurs ont estimé que le manque d’infir­miers coûte 31,3 mil­lions d’euros pour l’ensem­ble du sys­tème de santé de l’Irlande. Si enga­ger plus d’infir­miers coûte cher à court terme, cela dimi­nue le nombre de réad­mis­sions et les durées du séjour hos­pi­ta­lier. Donc à moyen et long terme, c’est effi­cace économiquement d’aug­men­ter le nombre du per­son­nel soi­gnant.
https://www.lex­press.fr/actua­lite/societe/sante/hopi­taux-l-etude-qui-montre-qu-embau­cher-plus-d-infir­miers-sauve-des-vies-et-plus-encore_2150634.html

Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC alerte régu­liè­re­ment sur le dou­ble­ment de la charge de tra­vail infir­mier depuis 10 ans : "le tra­vail s’est den­si­fié, au regard de la crois­sance et de la modi­fi­ca­tion de l’acti­vité, carac­té­ri­sée par un virage ambu­la­toire, une aug­men­ta­tion de la sévé­rité des séjours et de l’âge moyen des patients en hos­pi­ta­li­sa­tion com­plète et une contrac­tion de la durée moyenne de séjour."

"Les per­son­nels infir­miers font part d’un sen­ti­ment d’alour­dis­se­ment de la charge de tra­vail et de den­si­fi­ca­tion du temps de tra­vail, sen­ti­ment que les don­nées d’acti­vité per­met­tent d’objec­ti­ver."

"Le report d’une partie de l’acti­vité d’hos­pi­ta­li­sa­tion com­plète vers l’ambu­la­toire a pour consé­quence l’aug­men­ta­tion de la sévé­rité des cas trai­tés en hos­pi­ta­li­sa­tion com­plète : si les séjours de sévé­rité « une » dimi­nuent de 5 %, ceux de sévé­rité « deux » et « trois » aug­men­tent res­pec­ti­ve­ment de 16,5 % et 13,4 % sur la période, la hausse attei­gnant 46,1 % pour les séjours de sévé­rité « quatre ». "

" L’alour­dis­se­ment du poids moyen du cas traité tient également au vieillis­se­ment de la patien­tèle, marqué sur les sévé­rité trois et quatre, lequel accroît la pro­ba­bi­lité de comor­bi­di­tés et le temps néces­saire aux soins. En effet, les patients plus âgés appel­lent en moyenne non seu­le­ment des soins plus tech­ni­ques mais aussi, à patho­lo­gie équivalente, davan­tage de soins de nur­sing.

Ces patients deman­dent également plus de temps consa­cré à leur expli­quer les soins et à les ras­su­rer selon ce qu’indi­quent les équipes soi­gnan­tes. Les patients plus âgés pren­nent en outre davan­tage de trai­te­ments (anté­rieurs à l’hos­pi­ta­li­sa­tion), d’où une ges­tion plus déli­cate des effets médi­ca­men­teux. Les équipes soi­gnan­tes sou­li­gnent également la fré­quence accrue de situa­tions socia­les dégra­dées com­pli­quant la prise en charge, à patho­lo­gie équivalente"

"Le res­senti des per­son­nels infir­miers repose donc sur une réelle den­si­fi­ca­tion de leur tra­vail, lié à un fac­teur exo­gène, à savoir le vieillis­se­ment de la popu­la­tion, au déve­lop­pe­ment de l’ambu­la­toire pour les niveaux de sévé­rité les plus fai­bles et à l’orga­ni­sa­tion des soins pour les niveaux de sévé­rité plus élevés."

Le nombre de patients par infir­mière impacte la qua­lité et la sécu­rité des soins, mais les exem­ples étrangers mon­trent que c’est aussi ren­ta­ble économiquement ! Aussi le SNPI se demande pour­quoi la France est-elle en train de sabor­der les établissements hos­pi­ta­liers ? Voir https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Ameliorer-les-ratios-infir-miere-patients-est-aussi-ren­ta­ble.html

Exemples étrangers : quand qua­­­lité rime avec ren­­­ta­­­bi­­­lité

Des solu­­­tions ont été mises en oeuvre en Californie et en Australie, où le per­­­son­­­nel infir­­­mier a réussi à faire pres­­­sion et obte­­­nir des ratios infir­­­mière-patients pres­­­crits par la loi et les conven­­­tions col­­­lec­­­ti­­­ves. De tels ratios limi­­­tent le nombre de patients dont doit s’occu­­­per l’infir­­­mière. Par exem­­­ple, en Californie, un ratio de 1 pour 4 est pres­­­crit par la loi.

À New South Wales, en Australie, les ratios ont été déter­­­mi­­­nés en fonc­­­tion d’une for­­­mule d’heures mini­­­mum de soins infir­­­miers, par patient, par jour. Cette for­­­mule peut varier selon les clas­­­si­­­fi­­­ca­­­tions au sein de l’hôpi­­­tal mais, géné­­­ra­­­le­­­ment, les ratios cor­­­res­­­pon­­­dent à 1 pour 4 de jour. La dota­­­tion en per­­­son­­­nel peut être gérée au niveau de l’unité de soins.

Les études démon­­­trent une amé­­­lio­­­ra­­­tion des résul­­­tats des patients à la suite de la mise en place de ratios pres­­­crits. Des études sur l’expé­­­rience aus­­­tra­­­lienne démon­­­trent une dimi­­­nu­­­tion de la fré­­­quence des inci­­­dents direc­­­te­­­ment liés aux soins infir­­­miers (indi­­­ca­­­teurs de résul­­­tats liés aux soins infir­­­miers), y com­­­pris dimi­­­nu­­­tion du taux de mor­­­ta­­­lité, des com­­­pli­­­ca­­­tions du sys­­­tème ner­­­veux cen­­­tral, des ulcè­­­res, des gas­­­tri­­­tes, des sai­­­gne­­­ments duo­­­dé­­­naux, des sep­­­ti­­­cé­­­mies, des plaies de pres­­­sion, et de la durée du séjour à l’hôpi­­­tal. Les études sur l’expé­­­rience cali­­­for­­­nienne révè­­­lent des résul­­­tats simi­­­lai­­­res par rap­­­port au taux de mor­­­ta­­­lité.

Il est impor­­­tant de sou­­­li­­­gner que le coût lié à une aug­­­men­­­ta­­­tion de la dota­­­tion infir­­­mière peut être lar­­­ge­­­ment, voire même entiè­­­re­­­ment, récu­­­péré par l’établissement. Cela s’expli­­­que par le lien confirmé entre une aug­­­men­­­ta­­­tion de la dota­­­tion infir­­­mière et la dimi­­­nu­­­tion de la durée du séjour, des réad­­­mis­­­sions, de la mor­­­bi­­­dité, des erreurs médi­­­ca­­­les et du rou­­­le­­­ment du per­­­son­­­nel infir­­­mier.

Sources des études :
 Clarke, S. P. et Donaldson, N. E. (2008). Nurse Staffing and Patient Care Quality and Safety. Dans R. G. Hughes (dir.), Patient Safety and Quality : An Evidence-Based Handbook for Nurses. Rockville, Maryland : Agency for Healthcare Research and Quality (US).
 D’Amour, D., Dubois, C.-A., Tchouaket, E., Clarke, S. et Blais, R. (2014). The occur­rence of adverse events poten­tially attri­bu­ta­ble to nur­sing care in medi­cal units : Cross sec­tio­nal record review. International Journal of Nursing Studies, 51(6), 882–891. doi : 10.1016/j.ijnurstu.2013.10.017
 Kalisch, B. J., Tschannen, D. et Lee, K. H. (2012). Missed nur­sing care, staf­fing, and patient falls. Journal of nur­sing care qua­lity, 27(1), 6-12. doi : 10.1097/NCQ.0b013e318225aa23
 Pappas, S. H. (2008). The cost of nurse-sen­si­tive adverse events. Journal of Nursing Administration, 38(5), 230-236. doi : 10.1097/01. NNA.0000312770.19481.ce
 Schreuders, L. W., Bremner, A. P., Geelhoed, E. et Finn, J. (2014). The rela­tion­ship bet­ween nurse staf­fing and inpa­tient com­pli­ca­tions. Journal of advan­ced nur­sing. doi : 10.1111/jan.12572
 Berry, L. et Curry, P. (2012). Charge de tra­vail du per­son­nel infir­mier et soins aux patients. Comprendre la valeur du per­son­nel infir­mier, les réper­cus­sions des char­ges de tra­vail exces­si­ves, et com­ment les ratios infir­mière-patients et les modè­les dyna­mi­ques de dota­tion peu­vent aider. Ottawa, Ontario : Fédération cana­dienne des syn­di­cats d’infir­miè­res et infir­miers.
 Canadian Nursing Advisory Committee (2002). Our Health, Our Future Creating Quality Workplaces for Canadian Nurses. Advisory Committee of Human Health Resources.
 OMS INDICATEURS DES BESOINS EN PERSONNEL DE SANTÉ PAR RAPPORT À LA CHARGE DE TRAVAIL (WISN) : L’EXPÉRIENCE DE LA MISE EN ŒUVRE DANS PLUSIEURS PAYS https://apps.who.int/iris/bits­tream/handle/10665/254280/9789242510058-fre.pdf

Plus de détails :
 Infirmiers sur­char­gés, patients en danger http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Infirmiers-sur­char­ges-patients-en.html
 Lien entre mor­ta­lité et charge de tra­vail infir­mière http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Lien-entre-mor­ta­lite-et-charge-de-tra­vail-infir­miere.html
 Déranger une infir­mière aug­mente de plus de 12 % les ris­ques d’erreur http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Deranger-une-infir­miere-aug­mente.html
 Les patients paient le prix du manque de per­son­nel et des sur­char­ges de tra­vail http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Les-patients-paient-le-prix-du
 L’épuisement des infir­miers aug­men­tent les mala­dies noso­co­mia­les http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/L-epui­se­ment-des-infir­miers.html
 Danger : nos condi­tions de tra­vail aug­men­tent le risque d’erreurs de soins http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Nos-condi­tions-de-tra­vail.html
 Majoration du risque d’erreurs de soins avec la pénu­­rie
http://www.syn­­di­­cat-infir­­mier.com/Majoration-du-risque-d-erreurs-de.html
 Les erreurs de médi­ca­tion http://www.syn­­di­­cat-infir­­mier.com/Les-erreurs-de-medi­­ca­­tion-une,
 Augmenter le nombre d’infir­miers et infir­miè­res sauve des vies... et permet d’impor­tan­tes économies https://www.rtbf.be/info/societe/detail_aug­men­ter-le-nombre-d-infir­miers-et-infir­miere-sauve-des-vies-et-permet-d-impor­tan­tes-eco­no­mies?id=10762435

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