ACT : quand les places manquent, la rue devient l’hôpital des oubliés

8 janvier 2025
Les appartements de coordination thérapeutique (ACT) sont une bouée de sauvetage pour des milliers de malades en grande précarité. Ces structures, qui allient hébergement et accompagnement médical, accueillent temporairement des personnes atteintes de maladies chroniques, souvent en situation de précarité extrême, où l’isolement social et la souffrance psychologique aggravent leur état. Créés à l’origine pour répondre à la crise du sida, les ACT ont su évoluer pour prendre en charge une diversité de pathologies, allant des cancers aux troubles psychiatriques.
Mais ce système, pensé pour protéger les plus vulnérables, est aujourd’hui saturé. En 2023, ce sont près de 3 000 malades en grande précarité qui se sont vu refuser l’accès à un ACT, simplement par manque de places. Ces refus s’ajoutent aux 2 851 enregistrés l’année précédente, illustrant une tendance inquiétante. Derrière ces chiffres, il y a des réalités humaines : des personnes déjà fragilisées, souvent sans-abri ou vivant dans des conditions indignes, condamnées à naviguer entre les urgences hospitalières et les rues.
Ce problème dépasse le cadre individuel et interpelle sur un enjeu majeur de santé publique. Laisser des malades sans solution d’hébergement et de soins, c’est accroître les risques de complications médicales, de rechutes et d’hospitalisations d’urgence, avec des coûts financiers et humains considérables. Selon la Fédération Santé Habitat, avant leur admission en ACT, plus de 90 % des bénéficiaires vivaient dans des conditions précaires ou sans hébergement. À leur sortie, près de 70 % parviennent à accéder à un logement stable et durable. Ces chiffres témoignent du rôle fondamental des ACT dans la prévention des ruptures de parcours de soins et dans la reconstruction sociale des individus.
Pourtant, malgré leur efficacité avérée, les financements ne suivent pas. Les 3 700 places actuellement disponibles sont loin de répondre à la demande croissante. Au regard des besoins, des milliers de places supplémentaires sont indispensables.
Les ACT ne sont pas qu’une réponse humanitaire : ils désengorgent les hôpitaux. En permettant à des patients stabilisés de quitter les services hospitaliers tout en continuant à bénéficier de soins adaptés, ces structures libèrent des lits, allègent les urgences, et assurent une transition essentielle vers une vie plus stable. C’est une bonne alternative pour des patients stabilisés qui n’ont plus leur place dans un lit hospitalier mais ne peuvent être livrés à eux-mêmes.
La situation actuelle est révélatrice d’une impasse plus large, où la précarité croissante rencontre une gestion budgétaire restrictive. Les associations, qui sont en première ligne, peinent à maintenir leurs actions face à des budgets fragiles. Cette pression financière, combinée à une augmentation des besoins, crée un cercle vicieux où les plus vulnérables paient le prix fort.
L’enjeu n’est pas seulement médical, mais aussi social. Refuser à des malades chroniques une place en ACT, c’est perpétuer leur isolement, exposer leur santé à de nouveaux risques et, in fine, fragiliser encore davantage notre cohésion sociale. Les ACT sont une preuve concrète qu’un accompagnement adapté peut transformer des parcours de vie.
Dans un contexte où la précarité s’installe, y compris parmi les classes moyennes, ces refus symbolisent un effondrement plus large. Associations, soignants, et malades sont pris au piège d’un système qui peine à concilier économie et humanité. Chaque patient refusé est un échec collectif, un rappel brutal des choix politiques faits ou évités.
Comment justifier que des vies déjà brisées se heurtent à un mur administratif et financier ? Combien de temps encore la rue sera-t-elle la seule réponse offerte à ceux qui ont besoin d’être soignés et protégés ?