Contribution CNPI sur l’enseignement de la santé mentale et de la Psychiatrie et aux stages professionnalisants s’y rapportant

Contribution CNPI sur l'enseignement de la santé mentale et de la Psychiatrie et aux stages professionnalisants s'y rapportant

31 mars 2024

Dans le cadre de la refonte des activités/compétences infirmières et de la formation initiale, en appui des expériences professionnelles dans ces champs d’exercice, le CNPI est force de propositions.
Réunissant les principales organisations infirmières (dont le SNPI), le Conseil National Professionnel Infirmier CNPI a pour but d’apporter la meilleure réponse possible aux besoins de santé de la population ainsi que des personnes dans une vision structurante et innovante de la profession infirmière.

Les besoins de soins en Santé men­tale (englo­bant à la fois la santé men­tale posi­tive, la détresse psy­cho­lo­gi­que réac­tion­nelle et les trou­bles psy­chia­tri­ques) se majo­rent année après année. Comme pré­co­nisé par le récent rap­port du Conseil International des Infirmières « Lignes direc­tri­ces sur les soins infir­miers en santé men­tale (CII,2024) », de nom­breux pays ont adopté un par­cours de pro­fes­sion­na­li­sa­tion avec une for­ma­tion ini­tiale com­mune à toutes les pra­ti­ques, une année de spé­cia­li­sa­tion en santé men­tale et le déve­lop­pe­ment d’une pra­ti­que avan­cée infir­mière en santé men­tale.

« Investir dans le déve­lop­pe­ment et le main­tien de la main-d’œuvre infir­mière en santé men­tale, de son domaine de pra­ti­que et de ses com­pé­ten­ces, ainsi que dans le bien-être des infir­miè­res concer­nées : il s’agit aussi d’une néces­sité pour bâtir un sys­tème de santé rési­lient et des com­mu­nau­tés en bonne santé » (CII, 2024).

Le réfé­ren­tiel de for­ma­tion 2009 exige un mini­mum d’un stage de 5 semai­nes dans le domaine de la psy­chia­trie OU de la santé men­tale. Sous cette déno­mi­na­tion, il existe une grande variété de lieux de stages selon les dif­fé­rents lieux de for­ma­tion. Ainsi, cer­tains étudiants IDE arri­vent à la diplo­ma­tion sans jamais avoir pu ren­contrer des per­son­nes pré­sen­tant des trou­bles psy­chia­tri­ques et accom­pa­gnés spé­ci­fi­que­ment sur ces trou­bles. Pourtant, les per­son­nes souf­frant de trou­bles psy­chia­tri­ques sont sui­vies à près de 80% en ville ; elles peu­vent avoir des comor­bi­di­tés soma­ti­ques ; Chaque pro­fes­sion­nel de santé est sus­cep­ti­ble de pren­dre en soins ce type de popu­la­tion. En l’état, les étudiants IDE doi­vent se former aux tech­ni­ques de soins uti­li­sées dans les prises en charge spé­ci­fi­ques de Psychiatrie.

Dans le cadre de la refonte des acti­vi­tés/com­pé­ten­ces infir­miè­res et de la for­ma­tion ini­tiale, en appui des expé­rien­ces pro­fes­sion­nel­les dans ces champs d’exer­cice, le CNPI est force de pro­po­si­tions.

1ère pro­po­si­tion : Penser de manière dis­so­ciée la santé men­tale et la psy­chia­trie

Il convient de penser de manière dis­so­ciée la santé men­tale et la psy­chia­trie dans la for­ma­tion ini­tiale infir­mière. L’amal­game voire la confu­sion actuelle entre ces deux domai­nes peut conduire à ce que l’un des deux soit davan­tage ensei­gné au détri­ment de l’autre.
-  La santé men­tale se défi­nit de manière posi­tive comme un « état de bien-être qui permet à chacun de réa­li­ser son poten­tiel, de faire face aux dif­fi­cultés nor­ma­les de la vie, de tra­vailler avec succès et de manière pro­duc­tive, et d’être en mesure d’appor­ter une contri­bu­tion à la com­mu­nauté » (OMS, s.d.). La santé men­tale concerne l’ensem­ble des indi­vi­dus, à tous les âges de leur exis­tence. Nécessitant une cons­tance adap­ta­tion, les évènements de vie et des fac­teurs indi­vi­duels peu­vent géné­rer de la détresse psy­cho­lo­gi­que réac­tion­nelle, sans que celle-ci ne se mani­feste for­cé­ment par un trou­ble psy­chia­tri­que.
-  La psy­chia­trie, elle, dési­gne la prise en soins des trou­bles psy­chia­tri­ques aigus ou chro­ni­ques qui com­pro­met­tent la santé men­tale ainsi que d’autres dimen­sions de l’indi­vidu, trou­bles qui sup­po­sent des soins spé­cia­li­sés. Les trou­bles psy­chia­tri­ques peu­vent entrai­ner une souf­france, des rup­tu­res de par­cours de vie, des han­di­caps, des décès pré­ma­tu­rés, de la stig­ma­ti­sa­tion et de l’exclu­sion.

Il convient de répon­dre au plus près des dif­fé­rents besoins popu­la­tion­nels obser­vés, à savoir : déve­lop­per la consi­dé­ra­tion de la santé men­tale dans la prise en soin glo­bale de la per­sonne et amé­lio­rer la for­ma­tion infir­mière afin d’opti­mi­ser le déve­lop­pe­ment de connais­san­ces et de com­pé­ten­ces spé­ci­fi­ques asso­ciant les dif­fé­ren­tes appro­ches contri­bu­ti­ves (notam­ment bio­mé­di­ca­les, psy­cho­so­cia­les et com­mu­nau­tai­res).

2/- Propositions pour l’ensei­gne­ment de la santé men­tale

-  Enseignement devant faire l’objet d’une appro­che trans­ver­sale, au cours de l’ensem­ble de la for­ma­tion (dis­so­ciée de la psy­chia­trie), à côté d’autres concepts fon­da­men­taux comme la santé, les réac­tions humai­nes d’adap­ta­tion, la dou­leur ou l’auto­no­mie.
-  Santé men­tale abor­dée comme un élément incontour­na­ble dans toute démar­che de soin et en tout lieu de soin.
-  Santé men­tale appro­fon­die notam­ment dans des UE telles que la psy­cho­lo­gie, les soins rela­tion­nels (avec des scé­na­rii de simu­la­tion ad hoc), le ser­vice sani­taire (UE de santé publi­que), ainsi que dans toute UE rele­vant des scien­ces médi­ca­les, puis­que toute affec­tion de santé sup­pose une adap­ta­tion de la per­sonne, entraî­nant une réac­tion au niveau de la santé men­tale.
-  Santé men­tale en tant qu’objec­tif d’acqui­si­tion réflexive dans chaque stage : besoins de la per­sonne soi­gnée, stra­té­gies d’adap­ta­tion obser­vées, émotions pré­sen­tes, capa­ci­tés à faire face ; en regard, typo­lo­gies d’inter­ven­tions (notam­ment dif­fé­rents types d’entre­tiens dont rela­tion d’aide,...), pour tout public auprès duquel l’ESI aurait alors à mener un tra­vail spé­ci­fi­que rela­tif à la santé men­tale, notam­ment dans une visée éducative et pré­ven­tive.

Cette appro­che pourra également avoir pour avan­tage d’amé­lio­rer la prise en charge de la santé men­tale en soins pri­mai­res, dans tous les lieux de pra­ti­ques afin d’orien­ter les per­son­nes qui le néces­si­tent vers les soins spé­cia­li­sés.

L’enga­ge­ment de la for­ma­tion dans cette dimen­sion pourra également per­met­tre :
-  aux ESI d’être plus atten­tifs à leur propre santé men­tale dans un contexte de pro­fes­sion­na­li­sa­tion expo­sant,
-  une fois diplô­més, d’appré­hen­der de manière glo­bale l’axe 4 de la cer­ti­fi­ca­tion pério­di­que « Santé per­son­nelle du pro­fes­sion­nel » (cf. réfé­ren­tiel de cer­ti­fi­ca­tion pério­di­que des pro­fes­sion­nels de santé à ordres, 2014).

3/- Propositions pour l’ensei­gne­ment de la Psychiatrie et les moda­li­tés de stages pro­fes­sion­na­li­sants

L’arti­cu­la­tion et le contenu des ensei­gne­ments dédiés à la Psychiatrie pour­raient
-  être ensei­gnés au cours des trois années de for­ma­tion (contrai­re­ment à la for­ma­tion actuelle où elle est ensei­gnée en S2 et S5),
-  être davan­tage abor­dés en lien avec les soins infir­miers spé­ci­fi­ques, en com­plé­ment des patho­lo­gies, de la phar­ma­co­lo­gie et de l’orga­ni­sa­tion des offres de soins spé­ci­fi­ques.

Le stage en psy­chia­trie permet la décou­verte d’un domaine méconnu, objet de pré­ju­gés poten­tiel­le­ment défa­vo­ra­bles. Le stage de psy­chia­trie agit à la fois comme un outil de décou­verte mais également de déstig­ma­ti­sa­tion.

Pour que le stage soit pro­fes­sion­na­li­sant dans le domaine de la psy­chia­trie :
-  L’ESI doit ren­contrer des per­son­nes soi­gnées qui ont un trou­ble psy­chi­que et qui béné­fi­cient de soins psy­chia­tri­ques adap­tés à leurs besoins. Pour cela, ce stage est à réa­li­ser auprès d’une équipe plu­ri­dis­ci­pli­naire mobi­li­sant les res­sour­ces théo­ri­ques, les thé­ra­peu­ti­ques médi­ca­men­teu­ses et les thé­ra­peu­ti­ques non médi­ca­men­teu­ses (diver­ses psy­cho­thé­ra­pies et appro­ches psy­cho­cor­po­rel­les, rela­tion d’aide thé­ra­peu­ti­que, …) rele­vant du soin en psy­chia­trie telles que recom­man­dées par les don­nées pro­ban­tes.
-  Les savoirs en psy­chia­trie doi­vent faire l’objet d’une appro­che spé­ci­fi­que. En com­plé­ment des apports cen­trés sur les patho­lo­gies et la phar­ma­co­lo­gie, les appro­ches thé­ra­peu­ti­ques autres que médi­ca­men­teu­ses ainsi que les inter­ven­tions des pro­fes­sion­nels de ter­rain expé­ri­men­tés en exer­cice psy­chia­tri­que sont à déve­lop­per dans la for­ma­tion ini­tiale.
-  Les dimen­sions des soins infir­miers en psy­chia­trie et les inter­ven­tions infir­miè­res issues notam­ment des com­pé­ten­ces du rôle propre doi­vent être iden­ti­fiées et ensei­gnées afin de pro­mou­voir l’auto­no­mie des futurs pro­fes­sion­nels. Les com­pé­ten­ces « cœur de métier » en psy­chia­trie doi­vent pou­voir être trans­mi­ses et modé­li­sées lors des stages en psy­chia­trie, en lien avec leur niveau de com­plexité.
-  Les stages de psy­chia­trie doi­vent per­met­tre l’acqui­si­tion de connais­san­ces, des bases du soin rela­tion­nel et de la rela­tion d’aide dis­pen­sées auprès de per­son­nes pré­sen­tant des trou­bles psy­chia­tri­ques, ainsi que la com­pré­hen­sion des dif­fé­ren­tes thé­ra­peu­ti­ques (médi­ca­men­teu­ses, non médi­ca­men­teu­ses).
-  L’expé­ri­men­ta­tion par l’ESI du par­cours de soin d’une per­sonne concer­née est également un élément impor­tant de la com­pré­hen­sion du soin en psy­chia­trie. Il est fré­quent que le par­cours de soins pour un même patient se déploie selon ses besoins en santé sur les dif­fé­ren­tes moda­li­tés de l’offre de soin : hos­pi­ta­li­sa­tion com­plète, hos­pi­ta­li­sa­tion à temps par­tiel, suivi ambu­la­toire, suivi au domi­cile du patient. Dans ce par­cours de soin, la pré­ven­tion et la réha­bi­li­ta­tion psy­cho­so­ciale ont toute leur impor­tance.
-  L’ESI doit pou­voir appré­hen­der la psy­chia­trie dans la cons­truc­tion his­to­ri­que de ce que recou­vre la notion de « sec­teur », c’est-à-dire au-delà d’une unité fonc­tion­nelle mais plutôt à l’échelle d’un ter­ri­toire géo-popu­la­tion­nel tel que le pré­voit la sec­to­ri­sa­tion psy­chia­tri­que. Les notions d’aller vers et d’accueil sont fon­da­men­ta­les. La psy­chia­trie s’ins­crit plei­ne­ment dans toutes les dimen­sions de la pré­ven­tion et de repé­rage pré­coce, la psy­cho­pa­tho­lo­gie pou­vant se déve­lop­per à tous les âges de la vie.
-  Il convient que l’ESI puisse iden­ti­fier tous les par­te­nai­res par­ti­ci­pant au par­cours de soins et de santé de la per­sonne (la per­sonne soi­gnée ; les par­te­nai­res médico-sociaux ; les ser­vi­ces de l’Etat – mairie, police, pom­piers ; les famil­les et pro­ches des patients ; l’éducation natio­nale ; les pro­fes­sion­nels de santé - du sec­teur, ideL, phar­ma­ciens, labo­ra­toire, méde­cins trai­tants, etc….).
-  L’ESI doit pou­voir ren­contrer des situa­tions de soins néces­si­tant une réflexion éthique et de mise en pers­pec­ti­ves des droits des per­son­nes soi­gnées aux­quel­les les pro­fes­sion­nels de psy­chia­trie sont par­ti­cu­liè­re­ment confron­tés afin de pou­voir les appré­hen­der et y par­ti­ci­per (consen­te­ment au soin, libre arbi­tre, …).

Les stages de psy­chia­trie doi­vent avoir lieu dans les établissements publics ayant des sec­teurs de psy­chia­trie ainsi que les établissements privés spé­cia­li­sés dans les soins psy­chia­tri­ques, notam­ment :
o Unités d’hos­pi­ta­li­sa­tion com­plète en psy­chia­trie
o Unités d’hos­pi­ta­li­sa­tion à temps par­tiel (HDJ)
o Unités de soins en ambu­la­toire CMP, CATTP,
o Equipe de psy­chia­trie de liai­son, équipes mobi­les de crise, de réha­bi­li­ta­tion psy­cho­so­ciale
o Service d’urgen­ces psy­chia­tri­ques
o USIP, UD, UHSA
o Appartements thé­ra­peu­ti­ques.

Par ailleurs, les infir­miers débu­tants, à défaut d’une année de spé­cia­li­sa­tion, doi­vent impé­ra­ti­ve­ment béné­fi­cier de manière sys­té­ma­ti­que, lors de leur prise de fonc­tion en psy­chia­trie, d’une conso­li­da­tion de ces savoirs fon­da­men­taux et d’un accom­pa­gne­ment cli­ni­que dans la mise en œuvre opé­ra­tion­nelle de ces der­niers, gages de pro­fes­sion­na­li­sa­tion, d’attrac­ti­vité et de fidé­li­sa­tion. Cet accom­pa­gne­ment peut s’opé­ra­tion­na­li­ser notam­ment en appui avec l’orga­ni­sa­tion du com­pa­gnon­nage infir­mier et du ren­for­ce­ment en for­ma­tion ciblée.

Comme en tout lieu de stage, la fonc­tion tuto­rale revêt une impor­tance par­ti­cu­lière dans ce cadre. C’est une acti­vité infir­mière en soi. Les tuteurs doi­vent être des pro­fes­sion­nels expé­ri­men­tés dans la dis­ci­pline dans laquelle ils exer­cent et spé­ci­fi­que­ment formés à cette fonc­tion péda­go­gi­que. Au niveau ins­ti­tu­tion­nel, cette fonc­tion doit faire l’objet d’une valo­ri­sa­tion et d’un temps dédié. Ces exi­gen­ces doi­vent pou­voir s’appli­quer à toute fonc­tion tuto­rale sur l’ensem­ble des stages de la for­ma­tion en soins infir­miers.

Le ren­for­ce­ment de la col­la­bo­ra­tion entre les for­ma­teurs et les tuteurs est un élément favo­ra­ble à la cohé­rence des par­cours de pro­fes­sion­na­li­sa­tion des ESI.

Source : https://cnp-infir­mier.fr/?-Communiques-

Presse :
- Soins infir­miers : pro­po­si­tions pour l’ensei­gne­ment de la santé men­tale et de la psy­chia­trie
https://www.san­te­men­tale.fr/2024/04/soins-infir­miers-pro­po­si­tions-pour-len­sei­gne­ment-de-la-sante-men­tale-et-de-la-psy­chia­trie/
- Psychiatrie : les pro­po­si­tions du CNPI pour la for­ma­tion des infir­miers
https://www.infir­miers.com/for­ma­tion-pro­fes­sion­nelle/psy­chia­trie-les-pro­po­si­tions-du-cnpi-pour-la-for­ma­tion-des-infir­miers

Voir également :
- Contribution CNPI Accueil, accom­pa­gne­ment, infor­ma­tion et for­ma­tion des appre­nants
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Contribution-CNPI-Accueil-accom­pa­gne­ment-infor­ma­tion-et-for­ma­tion-des.html
- Contribution CNPI stages / fonc­tion tuto­rale en exer­cice libé­ral
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Contribution-CNPI-stages-fonc­tion-tuto­rale-en-exer­cice-libe­ral.html

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