État d’exception en Psychiatrie : la démocratie enchaînée

16 mai 2011

Communiqué du 14 mai 2011 du "Collectif des 39"

A l’appel du Collectif des 39, asso­cié avec de nom­breu­ses orga­ni­sa­tions, une mani­fes­ta­tion s’est tenue devant le Sénat le mardi 10 mai 2011 où était débattu le projet de loi rela­tif "à la pro­tec­tion des per­son­nes fai­sant l’objet de soins psy­chia­tri­ques"

Plusieurs cen­tai­nes de pro­fes­sion­nels, patients, famil­les, artis­tes, citoyens, mais aussi des repré­sen­tants de partis poli­ti­ques et de syn­di­cats ont crié leur oppo­si­tion déter­mi­née à la mise en œuvre d’une loi qui porte gra­ve­ment atteinte à la dignité et à la liberté des per­son­nes et qui déna­ture le concept même de soin.

Chacun doit se sentir concerné car si cette loi est appli­quée, qui sait si, demain, l’enfant dit « hyper­ac­tif », la per­sonne dépri­mée, l’ado­les­cent en souf­france ne pour­ront pas, eux aussi, se voir contraints à des "soins sans consen­te­ment", et cela d’autant plus faci­le­ment qu’ils auront lieu en dehors de l’hôpi­tal, pour des rai­sons à la fois sécu­ri­tai­res et économiques.

La pos­si­bi­lité pour chaque « soigné » de se dépla­cer libre­ment se verra stric­te­ment enca­drée par un "pro­to­cole de soins" - renommé « pro­gramme de soins » mais tou­jours décidé en Conseil d’Etat - qui fixera les lieux, le contenu et la pério­di­cité des rendez-vous médi­caux avec la menace de se voir hos­pi­ta­lisé si un élément du pro­to­cole n’est pas stric­te­ment appli­qué.

Cette loi empê­che donc acti­ve­ment l’ins­tau­ra­tion d’une rela­tion de confiance, élément pour­tant cen­tral du soin en psy­chia­trie et risque de pous­ser les patients à des actes déses­pé­rés plutôt que de les en pro­té­ger.

Qui peut croire que cette loi va dans le sens des "droits et d’une meilleure pro­tec­tion des per­son­nes" alors qu’elle détruit toute pos­si­bi­lité de soins ?

Qui peut croire que les famil­les seront enten­dues dans leur demande d’aide alors que les patients seront mis en danger et fra­gi­li­sés par cette loi ?

C’est la raison pour laquelle des séna­teurs de la com­mis­sion des affai­res socia­les, tous bords poli­ti­ques confon­dus ont demandé dans un pre­mier temps le retrait des « soins » sans consen­te­ment en ambu­la­toire. Mais dans l’hémi­cy­cle, les cen­tris­tes n’ont pas mis leurs actes en accord avec leurs décla­ra­tions.

Cette loi qui est en passe d’être votée, puisqu’elle repas­sera en deuxième lec­ture le 18 mai à l’Assemblée Nationale et le 16 juin au Sénat, est une loi contre les soins, contre les patients, contre les famil­les, contre les citoyens, contre les soi­gnants.

C’est une loi qui détruit cette psy­chia­trie que nous vou­lons hos­pi­ta­lière pour la folie.

C’est une loi qui va dans le sens de la révi­sion géné­rale des poli­ti­ques publi­ques (RGPP) et des rava­ges qu’elle cause (non rem­pla­ce­ment d’un fonc­tion­naire sur deux, désen­ga­ge­ment de l’Etat dans le domaine de la pro­tec­tion sociale etc…).

C’est une loi qui enté­rine la des­truc­tion du tra­vail de sec­teur.

C’est pour­tant une loi cohé­rente et « res­pon­sa­ble » pour nos gou­ver­nants, excluant les plus dému­nis d’entre nous, ceux qui « ne rap­por­tent rien », ceux qui « coû­tent trop chers ».

Nous n’en sommes plus à une « dérai­son d’Etat » mais à l’appli­ca­tion métho­di­que d’un plan qui économise et qui place 500000 mala­des men­taux en otages d’un plan de ration­ne­ment et d’une cam­pa­gne électorale dou­teuse. Pour cela tous les moyens sont bons : énonciation de contre-véri­tés, pres­sions exer­cées sur les repré­sen­tants syn­di­caux, sur les repré­sen­tants élus etc.

L’appli­ca­tion de ce projet de loi a d’ores et déjà com­mencé avec l’ins­tau­ra­tion de dis­po­si­tifs Justice/ARS/méde­cins chefs de pôle/direc­teurs d’hôpi­taux au nom du "réa­lisme". C’est bafouer le prin­cipe même de la loi que de l’appli­quer avant même qu’elle soit votée !

Le col­lec­tif des 39 refuse de par­ti­ci­per à l’ins­tal­la­tion de ces dis­po­si­tifs, cons­truits avant même que la loi ne soit votée, et vous invite à faire de même.

Nous res­tons mobi­li­sés, patients, famil­les, pro­fes­sion­nels, syn­di­cats, partis poli­ti­ques, avec l’appui de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme pour exiger que ce texte ne puisse s’appli­quer car il signe un recul sans pré­cé­dent des liber­tés démo­cra­ti­ques et des fon­de­ments même du pacte répu­bli­cain.

Le col­lec­tif des 39 contre la nuit sécu­ri­taire

www.col­lec­tif­psy­chia­trie.fr

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Duplomb : une loi toxique pour la démocratie, l’environnement et la santé

Une fois encore, la santé publique est reléguée au second plan. La loi Duplomb, votée le 8 (…)

Consultation infirmière : des réalités de terrain à la reconnaissance

Chaque jour, dans l’ombre des cabinets, des services ou des domiciles, les infirmières mènent (…)

Malades et précaires : cibles prioritaires du plan d’économies Bayrou

Franchises doublées, ALD rabotées, arrêts maladie dans le viseur : le SNPI dénonce un projet (…)

Soignants pressurés : travailler plus sans gagner plus, encore une fois

Travailler plus, sans être mieux payé. C’est la logique brutale qui se cache derrière la (…)

Protection sociale : les exonérations creusent le déficit, pas les soins

Le déficit de la Sécurité sociale existe, oui. Mais il est faible. Ce qui est grave, ce sont les (…)

Infirmières reléguées, soins déshumanisés : la vision inquiétante du MEDEF

Déficits, vieillissement de la population, explosion des maladies chroniques  : les constats du (…)