Les femmes en sciences sont invisibilisées. Les infirmières, encore plus. Jean Watson a changé la donne

10 février 2025

Quand on parle de science, on ima­gine des labo­ra­toi­res, des éprouvettes, des équations com­plexes sur des tableaux blancs. On pense aux phy­si­cien­nes, aux bio­lo­gis­tes, aux mathé­ma­ti­cien­nes. Mais qui pense aux infir­miè­res ?

Elles sont pour­tant au cœur du sys­tème de soins, manient des connais­san­ces poin­tues en phy­sio­pa­tho­lo­gie, en phar­ma­co­lo­gie, en psy­cho­lo­gie et en éthique. Elles obser­vent, ana­ly­sent, adap­tent leurs pra­ti­ques en fonc­tion des patients, des évolutions médi­ca­les, des nou­vel­les recher­ches. Pourtant, leur savoir est encore perçu comme une com­pé­tence douce, un don natu­rel du soin, un ins­tinct plutôt qu’une science.

Jean Watson a brisé ce mythe. Infirmière et cher­cheuse amé­ri­caine, Jean Watson a consa­cré sa car­rière à démon­trer que soi­gner est bien plus qu’une série de gestes tech­ni­ques : c’est une dis­ci­pline scien­ti­fi­que, fondée sur la rela­tion humaine et le savoir infir­mier. Son modèle du Caring repose sur une appro­che glo­bale du patient, inté­grant la psy­cho­lo­gie, l’écoute et le res­pect des valeurs indi­vi­duel­les.

Cette vision s’oppose fron­ta­le­ment à une méde­cine qui réduit par­fois le patient à une patho­lo­gie ou à une série d’indi­ca­teurs bio­lo­gi­ques. Jean Watson rap­pelle une évidence sou­vent oubliée : la gué­ri­son ne se résume pas aux trai­te­ments. Elle passe par la qua­lité du lien soi­gnant-soigné, par la confiance, par le res­pect de l’indi­vi­dua­lité du patient.

Ses tra­vaux ont marqué un tour­nant dans les scien­ces infir­miè­res. En déve­lop­pant une appro­che métho­di­que et rigou­reuse du Caring, elle a démon­tré que la rela­tion de soin pou­vait être étudiée, ensei­gnée et amé­lio­rée. Son influence s’étend bien au-delà des hôpi­taux : elle a ins­piré les soins pal­lia­tifs, la for­ma­tion des soi­gnants et la manière dont les établissements conçoi­vent la prise en soins des patients.

Jean Watson, pro­fes­seur émérite de l’École des scien­ces infir­miè­res de l’Université du Colorado, dont elle a été la doyenne de 1984 à 1990, est la fon­da­trice du Center for Human Caring. Dix doc­to­rats hono­ri­fi­ques, dont huit inter­na­tio­naux, reconnais­sent l’ampleur de son tra­vail. Pourtant, elle reste méconnue en dehors du cercle des scien­ces infir­miè­res. Pourquoi ? Parce que le soin, lorsqu’il est réa­lisé par des infir­miè­res, n’est tou­jours pas reconnu comme une dis­ci­pline scien­ti­fi­que à part entière.

Le 11 février 2025 marque le 10e anni­ver­saire de la Journée inter­na­tio­nale des femmes et des filles de science. L’égalité des sexes dans les scien­ces est essen­tielle pour cons­truire un avenir meilleur pour tous, mais les femmes et les filles conti­nuent de se heur­ter à des obs­ta­cles et à des pré­ju­gés sys­té­mi­ques dans la pour­suite de leurs car­riè­res scien­ti­fi­ques. Pour com­bler le fossé entre les hommes et les femmes dans le domaine des scien­ces, il faut tout d’abord briser les sté­réo­ty­pes, pro­mou­voir des modè­les qui puis­sent servir d’ins­pi­ra­tion aux filles, sou­te­nir l’avan­ce­ment des femmes.

Pourquoi Jean Watson ?

"Il existe d’autres infir­miè­res scien­ti­fi­ques, cer­tai­nes plus média­ti­sées, d’autres fran­co­pho­nes. Alors pour­quoi ai-je choisi de rendre hom­mage à Jean Watson pour la Journée inter­na­tio­nale des femmes et des filles de science ? Parce que son œuvre a une réso­nance par­ti­cu­lière pour moi. Son livre le plus connu en France a été tra­duit par Josiane Bonnet, une infir­mière et cher­cheuse pas­sion­née, une mili­tante du soin et de la science infir­mière.

Josiane Bonnet n’était pas qu’une tra­duc­trice. Elle était une péda­go­gue, une for­ma­trice, une femme qui trans­met­tait avec convic­tion la place du soin rela­tion­nel dans la pra­ti­que infir­mière. Son tra­vail a accom­pa­gné ma propre for­ma­tion uni­ver­si­taire, nos échanges ont nourri ma réflexion sur la pro­fes­sion et son avenir," pré­cise Thierry Amouroux, le porte parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI.

C’était mon amie. Je l’ai aussi accom­pa­gnée dans son der­nier combat, lorsqu’elle a été hos­pi­ta­li­sée dans mon hôpi­tal. Elle nous a quit­tés avant l’explo­sion d’Internet, lais­sant der­rière elle une empreinte bien trop faible sur le web. Aujourd’hui, ce livre est épuisé, et pour­tant il reste une réfé­rence pour celles et ceux qui s’inté­res­sent au Caring.

En met­tant Jean Watson en lumière, c’est aussi un hom­mage à Josiane Bonnet que je rends. Elle qui défen­dait cette vision du soin, qui croyait en la néces­sité de reconnaî­tre l’apport scien­ti­fi­que des infir­miè­res. À tra­vers cet arti­cle, elle revit dans l’esprit de ceux qui la liront, comme Jean Watson conti­nue d’influen­cer chaque soi­gnant qui com­prend que le geste tech­ni­que ne suffit pas : c’est la rela­tion qui soigne."

Pourquoi conti­nuer à relé­guer les scien­ces infir­miè­res au second plan, à en nier la rigueur, à mini­mi­ser son apport ? Pourquoi consi­dère-t-on encore que le savoir des infir­miè­res relève plus de l’intui­tion que de la recher­che ? Pourquoi faut-il encore jus­ti­fier que la rela­tion de soin est une science, au même titre que la bio­lo­gie ou la chimie ?

Jean Watson a changé la manière dont nous conce­vons le soin. Mais avons-nous vrai­ment tiré toutes les leçons de son tra­vail ?

#Wo­me­nInS­cien­ce­Day

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