Migraine : des traitements efficaces, mais réservés aux plus aisés

5 novembre 2024

Chaque jour, des patients pour­raient vivre sans migraine. Mais les trai­te­ments qui les sou­la­gent ne sont pas rem­bour­sés. Comment l’expli­quer ?

Les anti­corps anti-CGRP, une avan­cée thé­ra­peu­ti­que signi­fi­ca­tive, pro­met­tent un sou­la­ge­ment pour les migrai­neux sévè­res qui n’ont trouvé aucune solu­tion dans les trai­te­ments clas­si­ques. Ces médi­ca­ments per­met­tent une réduc­tion nota­ble de la fré­quence et de l’inten­sité des migrai­nes. Pourtant, malgré leur effi­ca­cité reconnue et un profil de tolé­rance favo­ra­ble, leur coût élevé les rend inac­ces­si­bles pour de nom­breux patients, car ils res­tent inté­gra­le­ment à la charge des usa­gers en France.

L’absence de rem­bour­se­ment repose sur une loi res­tric­tive, dite du « com­pa­ra­teur ». Cette règle impose qu’un trai­te­ment ne peut être rem­boursé plus cher qu’un autre consi­déré équivalent, un cri­tère qui pose pro­blème pour les anti­corps anti-CGRP. Ces médi­ca­ments sont le fruit de recher­ches bio­tech­no­lo­gi­ques avan­cées, avec des pro­cé­dés de fabri­ca­tion coû­teux qui ne per­met­tent pas de les pro­po­ser aux mêmes prix que des molé­cu­les plus ancien­nes. Vingt-trois pays euro­péens les rem­bour­sent, mais pas la France, pour qui ces trai­te­ments sont com­pa­rés à des alter­na­ti­ves bien moins coû­teu­ses et jugées « suf­fi­san­tes », malgré l’effi­ca­cité limi­tée de ces der­niè­res chez des patients en échec thé­ra­peu­ti­que.

Pour les patients, le prix de ces médi­ca­ments reste pro­hi­bi­tif, avec un coût avoi­si­nant plu­sieurs mil­liers d’euros par an pour un suivi effi­cace. Cette situa­tion res­treint dras­ti­que­ment l’accès aux patients pour les­quels les trai­te­ments tra­di­tion­nels n’ont apporté aucun répit, creu­sant davan­tage les iné­ga­li­tés en matière de santé. Cette bar­rière économique fait obs­ta­cle à une prise en charge réel­le­ment adap­tée aux besoins.

Des témoi­gna­ges de patients et de neu­ro­lo­gues font état de frus­tra­tions crois­san­tes. Comment com­pren­dre qu’un trai­te­ment validé, qui pour­rait chan­ger la vie de mil­liers de per­son­nes, soit relé­gué à un luxe ina­bor­da­ble ? Un para­doxe qui, pour de nom­breux mala­des, équivaut à igno­rer la spé­ci­fi­cité de leur situa­tion.

Cette impasse pose une ques­tion de fond : au nom de quel prin­cipe un trai­te­ment médi­cal, à l’effi­ca­cité avérée pour des cas par­ti­cu­liers, peut-il être laissé sans cou­ver­ture finan­cière dans un sys­tème de santé censé offrir des soins adap­tés à tous ?

Droits des patients bafoués

Outre l’injus­tice d’une santé à deux vites­ses selon les reve­nus, cette situa­tion va également à l’encontre des droits des patients. Selon l’arti­cle L1110-5 du Code de la santé publi­que, « Toute per­sonne a le droit de rece­voir des soins visant à sou­la­ger sa dou­leur et de béné­fi­cier des thé­ra­peu­ti­ques dont l’effi­ca­cité est reconnue ».

Ce droit fon­da­men­tal de prise en charge de la dou­leur est pour­tant com­pro­mis lors­que les solu­tions les plus adap­tées ne sont pas acces­si­bles à cause de bar­riè­res finan­ciè­res. Pour les patients en situa­tion d’échec thé­ra­peu­ti­que, le recours à des trai­te­ments inno­vants est sou­vent la seule alter­na­tive. Pourtant, faute de rem­bour­se­ment, ces médi­ca­ments demeu­rent hors de portée pour ceux qui ne peu­vent assu­mer leur coût élevé.

Les auto­ri­tés sani­tai­res, en invo­quant des cri­tè­res de com­pa­rai­son bud­gé­taire, impo­sent ainsi une lec­ture res­tric­tive du droit au sou­la­ge­ment de la dou­leur, met­tant en lumière un para­doxe : malgré des avan­cées thé­ra­peu­ti­ques consi­dé­ra­bles, ces médi­ca­ments se trou­vent exclus du champ de rem­bour­se­ment, contre­di­sant le prin­cipe même d’égalité d’accès aux soins.

En défi­ni­tive, au-delà de la ques­tion économique, c’est celle du res­pect des droits fon­da­men­taux des patients qui se pose ici. Peut-on tolé­rer que la ges­tion des migrai­nes sévè­res, pour­tant reconnue comme un pro­blème de santé publi­que, devienne un pri­vi­lège réservé aux plus aisés ?

Voir également :
 Le rem­bour­se­ment des trai­te­ments anti-CGRP en France
https://www.lavoix­des­mi­grai­neux.fr/les-trai­te­ments-de-la-migraine/le-rem­bour­se­ment-des-trai­te­ments-anti-cgrp-en-france/
 Un nouvel anti­mi­grai­neux : au prix fort pour les patients !
https://www.france-assos-sante.org/2023/10/27/un-nouvel-anti­mi­grai­neux-au-prix-fort-pour-les-patients/
 Remboursement des anti­corps mono­clo­naux anti-CGRP dans la lutte contre la migraine
https://www.senat.fr/ques­tions/base/2022/qSE­Q221003326.html
 https://www.lin­ke­din.com/posts/thierry-amou­roux-16482937_migraine-patients-pro­hi­bi­tif-acti­vity-7259530607846735872-wepE?utm_source=share&utm_medium=member_desk­top

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