Quand les soignants deviennent les premiers patients à protéger

24 avril 2025

Le désert médi­cal s’étend. Mais à côté du manque de méde­cins géné­ra­lis­tes, un autre désert gagne du ter­rain en silence : celui de la santé men­tale des soi­gnants. Épuisement, arrêts mala­die, aban­don en cours de for­ma­tion, fuite de pro­fes­sion­nels broyés par le sys­tème, effon­dre­ment du sens… Le soin craque de l’inté­rieur. Et pen­dant que les struc­tu­res s’effor­cent de recru­ter, c’est la rela­tion de soin elle-même qui s’abîme.

Ce que vivent aujourd’hui beau­coup d’infir­miè­res ou d’étudiants en soins infir­miers, ce n’est pas seu­le­ment la pénu­rie : c’est une perte de lien, de reconnais­sance, de res­pi­ra­tion. Quand on ne tient plus que sur la tech­ni­que, le cœur du métier se fige. Et les chif­fres ne racontent pas tout. Ce sont les mots des soi­gnants qui aler­tent : « mal­trai­tance ins­ti­tu­tion­nelle », « impos­si­bi­lité de faire du bon tra­vail », « soli­tude à deux pas du patient ».

Il y a pour­tant des outils pour répa­rer, pour retis­ser, pour tenir. Des outils sim­ples, puis­sants, concrets : les com­pé­ten­ces psy­cho­so­cia­les #CPS. Santé Publique France en a fait un réfé­ren­tiel en 2022. Vingt-et-une com­pé­ten­ces qui per­met­tent de mieux se connaî­tre, de gérer ses émotions, de déci­der en cons­cience, d’entrer en rela­tion de manière cons­truc­tive. Rien de super­flu. Juste ce qu’il faut pour que le soin reste humain.

Prenons une infir­mière confron­tée à un conflit avec une famille en détresse. Ou un étudiant en stage, sidéré par sa pre­mière situa­tion de mort. Les CPS ne trans­for­ment pas les événements. Elles chan­gent notre manière de les tra­ver­ser.

Il ne s’agit pas d’ajou­ter une couche de théo­rie. Mais de trans­met­tre des capa­ci­tés ancrées dans le réel :
• Identifier et régu­ler ses émotions, pour ne pas se lais­ser sub­mer­ger.
• Exercer son esprit cri­ti­que, pour ne pas céder à la pres­sion ou aux auto­ma­tis­mes.
• Développer l’écoute empa­thi­que, pour que l’autre se sente vu, entendu, reconnu.
• Exprimer un refus avec asser­ti­vité, pour pro­té­ger ses limi­tes sans agres­ser.
• Demander de l’aide, sans que cela soit vécu comme un échec.

Ces 21 com­pé­ten­ces psy­cho­so­cia­les sont autant de clés pour tenir, pour relier, pour retrou­ver du sens. Elles sont indis­pen­sa­bles dans les métiers du soin :
• Pour gérer ses émotions dans les contex­tes à forte charge affec­tive.
• Pour pren­dre des déci­sions com­plexes de façon éthique et éclairée.
• Pour entre­te­nir une rela­tion bien­veillante et ajus­tée avec les patients, les pro­ches et l’équipe.
• Pour pré­ve­nir l’usure pro­fes­sion­nelle et le bur­nout.
• Pour aider les patients à déve­lop­per leurs pro­pres com­pé­ten­ces psy­cho­so­cia­les.

Les 21 #CPS sont orga­ni­sées en trois famil­les, trois leviers essen­tiels dans le soin.

Les 8 com­pé­ten­ces cog­ni­ti­ves, utiles pour l’ana­lyse cli­ni­que, pour pren­dre du recul, déci­der avec jus­tesse, agir en cons­cience, pren­dre des déci­sions éthiques, adap­tées à la per­sonne, dans des contex­tes par­fois com­plexes.

Les 6 com­pé­ten­ces émotionnelles, indis­pen­sa­bles pour main­te­nir l’équilibre face aux émotions des patients et aux char­ges émotionnelles de notre exer­cice, pour régu­ler ses affects, rester dis­po­ni­ble, trans­met­tre une sécu­rité émotionnelle, gérer les émotions en situa­tion de stress aigu (urgence, conflit…).

Les 7 com­pé­ten­ces socia­les, fon­da­men­ta­les pour le lien thé­ra­peu­ti­que, la rela­tion d’aide, le tra­vail en équipe, pour créer des liens soli­des, co-cons­truire avec le patient, accom­pa­gner avec huma­nité, favo­ri­ser le tra­vail d’équipe et la coo­pé­ra­tion inter­pro­fes­sion­nelle.

Face à la souf­france des soi­gnants, cer­tains ont orga­nisé des solu­tions de sou­tien psy­cho­lo­gi­que. Mais si on déci­dait de se donner les moyens de pré­ve­nir plutôt que de guérir ?

C’est le pari du projet Health Desk : créer une pla­te­forme de par­tage entre soi­gnants, fondée sur la trans­mis­sion de ces com­pé­ten­ces psy­cho­so­cia­les. Ni coa­ching, ni super­vi­sion, ni for­ma­tion des­cen­dante. Juste des pairs qui se ren­contrent, qui échangent une heure, qui par­ta­gent ce qu’ils ont appris. Un réseau d’entraide, ano­nyme et hori­zon­tal. Une réponse sobre et puis­sante, née du ter­rain, sou­te­nue par des ins­ti­tu­tions.

L’ambi­tion est simple : que chaque soi­gnant formé devienne res­source pour un autre. Que cette chaîne de confiance, de parole et d’appren­tis­sage irri­gue les ter­ri­toi­res. Que les com­pé­ten­ces psy­cho­so­cia­les devien­nent aussi natu­rel­les que le geste tech­ni­que, aussi essen­tiel­les que la blouse.

Parce qu’en for­mant les soi­gnants à mieux pren­dre soin d’eux-mêmes, on les aide à mieux pren­dre soin des autres.

Parce que l’écoute, l’empa­thie, la régu­la­tion émotionnelle ne sont pas des luxes – elles sont le cœur bat­tant du soin. Les com­pé­ten­ces psy­cho­so­cia­les huma­ni­sent la pra­ti­que, pro­tè­gent les soi­gnants, et per­met­tent d’accom­pa­gner plus jus­te­ment les patients dans leurs par­cours de vie.

Former des soi­gnants, c’est aussi leur trans­met­tre de quoi rester debout dans la tem­pête. Leur donner des outils pour tenir sans se durcir, accom­pa­gner sans s’effa­cer, écouter sans se dis­sou­dre.

Il est temps de consi­dé­rer les com­pé­ten­ces psy­cho­so­cia­les non comme un sup­plé­ment, mais comme un socle. Un socle pour recons­truire le soin de l’inté­rieur. Pour sortir les soi­gnants de l’angle mort. La tech­ni­que soigne, mais c’est la rela­tion qui guérit.

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