Un an de plus pour sauver des vies : l’évidence que les sénateurs doivent voter

3 mars 2025

Former les infir­miè­res plus long­temps, c’est réduire les erreurs, les infec­tions et les décès évitables. Le 5 mai, lors du vote de la "loi infir­mière" par la Commission des Affaires Sociales du Sénat, les séna­teurs vont pou­voir enfin voter cette évidence, pour sauver des vies.

Depuis 1979, la for­ma­tion des infir­miè­res fran­çai­ses dure trois ans. Chez nos voi­sins, en Belgique, en Espagne, au Portugal, elle s’étend sur quatre ans. La dif­fé­rence ? Moins de com­pli­ca­tions, moins d’hos­pi­ta­li­sa­tions évitables, moins de décès.

C’est un fait démon­tré par des décen­nies de recher­che. Une durée de for­ma­tion plus longue est asso­ciée à une réduc­tion signi­fi­ca­tive de la mor­ta­lité hos­pi­ta­lière. L’étude d’Aiken et al. (2014) l’a prouvé : une aug­men­ta­tion de 10 % du nombre d’infir­miè­res for­mées sur quatre ans dimi­nue la mor­ta­lité de 7 %. The Lancet, le New England Journal of Medicine et d’autres tra­vaux conver­gent tous vers la même conclu­sion : le niveau de for­ma­tion infir­mière impacte direc­te­ment la survie des patients. Pourtant, la France s’entête à igno­rer ces résul­tats.

1. Un lien sta­tis­ti­que­ment prouvé entre for­ma­tion et mor­ta­lité hos­pi­ta­lière

Former les infir­miè­res plus long­temps, c’est leur donner les moyens d’anti­ci­per, de pré­ve­nir, d’agir avant que la situa­tion ne bas­cule. Les chif­fres par­lent d’eux-mêmes :
Aiken et al. (2003) - JAMA ont montré que les hôpi­taux avec plus de 70 % d’infir­miè­res diplô­mées sur quatre ans affi­chent des taux de mor­ta­lité plus bas.
Tourangeau et al. (2007) - Nursing Research ont démon­tré que la mor­ta­lité à 30 jours après hos­pi­ta­li­sa­tion est signi­fi­ca­ti­ve­ment réduite dans les établissements où la for­ma­tion infir­mière est plus longue.
Kutney-Lee et al. (2013) - Health Affairs ont prouvé que l’aug­men­ta­tion du nombre d’infir­miè­res diplô­mées en quatre ans entraîne une meilleure sécu­rité des patients et de meilleurs taux de survie.

Ces don­nées ne sont pas iso­lées. Elles se répè­tent, étude après étude, pays après pays. Pourtant, en France, la durée de for­ma­tion reste figée depuis près de cin­quante ans.

2. Une meilleure capa­cité d’ana­lyse cli­ni­que

L’un des rôles fon­da­men­taux des infir­miè­res est d’iden­ti­fier les signes pré­co­ces de com­pli­ca­tions. Une for­ma­tion plus appro­fon­die leur permet d’aigui­ser leur juge­ment cli­ni­que, de repé­rer des dété­rio­ra­tions sub­ti­les. En clair, d’éviter que des situa­tions géra­bles ne devien­nent des urgen­ces vita­les.

Aujourd’hui, en trois ans, la for­ma­tion est trop conden­sée. Résultat ? Moins de prise de recul, et des déci­sions retar­dées. À l’inverse, les études mon­trent que les infir­miè­res ayant béné­fi­cié d’une for­ma­tion plus longue sont plus auto­no­mes dans leur réflexion cli­ni­que et leur ges­tion des ris­ques.

Blegen et al. (2013) ont com­paré la qua­lité des soins entre des ser­vi­ces comp­tant une majo­rité d’infir­miè­res for­mées sur quatre ans et d’autres avec une majo­rité formée sur trois ans. Verdict ? Moins d’infec­tions noso­co­mia­les, moins d’ulcè­res de pres­sion, moins de com­pli­ca­tions évitables.

3. Une prise en charge plus sécu­ri­sée des patients

Chaque année, en France, des mil­liers de patients subis­sent les consé­quen­ces d’une erreur médi­ca­men­teuse, d’une infec­tion noso­co­miale ou d’une chute évitable. Et si l’on pou­vait éviter une grande partie de ces événements ?

Une for­ma­tion plus longue amé­liore la pré­ci­sion des soins et dimi­nue les erreurs de dosage. Une capa­cité accrue d’évaluation des ris­ques pré­vient les chutes, les escar­res, et amé­liore la récu­pé­ra­tion des patients post-opé­ra­toi­res.

Ce sont des gains humains majeurs. Mais aussi économiques. Une hos­pi­ta­li­sa­tion pro­lon­gée pour cause de com­pli­ca­tions évitables coûte cher au sys­tème de santé. Investir dans la for­ma­tion, c’est inves­tir dans une meilleure effi­cience des soins.

4. Un impact reconnu au niveau inter­na­tio­nal

La France fait figure d’excep­tion. Belgique, Espagne, Finlande, Grèce, Irlande, Islande, Norvège, Portugal, Suède : tous ces pays ont opté pour une for­ma­tion infir­mière en quatre ans. Pourquoi ? Parce que les résul­tats sont là.

L’OCDE l’a confirmé en 2019 : les pays avec une for­ma­tion infir­mière plus longue obtien­nent de meilleurs indi­ca­teurs de qua­lité des soins. Moins de décès évitables. Moins d’hos­pi­ta­li­sa­tions pro­lon­gées. Meilleure satis­fac­tion des patients.

Le cons­tat est lim­pide. Et pour­tant, en France, rien ne bouge. On évoque les coûts, la lour­deur admi­nis­tra­tive, les résis­tan­ces ins­ti­tu­tion­nel­les ou cor­po­ra­tis­tes. Mais com­bien coûte une sep­ti­cé­mie évitable ? Combien coûte une erreur médi­ca­men­teuse qui envoie un patient en réa­ni­ma­tion ?

La vraie ques­tion : pour­quoi refuse-t-on encore d’agir ?

L’équation est simple : plus de for­ma­tion = plus de com­pé­ten­ces = plus de vies sau­vées. Mais depuis des décen­nies, ce choix évident est repoussé par le minis­tère. Alors com­bien de temps faudra-t-il encore avant que la France rejoi­gne enfin les stan­dards inter­na­tio­naux ? Combien de vies sup­plé­men­tai­res seront-elles mises en danger avant qu’une réforme néces­saire ne voie enfin le jour ?

Le 5 mai, les séna­teurs peu­vent déci­der de sauver ces vies !

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