Vaccination : les infirmières en première ligne, dans le monde entier

29 octobre 2025

Du Rwanda au Canada, de la Finlande à l’Australie, la vac­ci­na­tion repose avant tout sur les infir­miè­res. Ce sont elles qui orga­ni­sent, expli­quent, ras­su­rent et pro­tè­gent. Dans la plu­part des pays, elles ne se conten­tent pas d’admi­nis­trer les doses : elles pres­cri­vent, pla­ni­fient et sui­vent les cam­pa­gnes de vac­ci­na­tion. Et pour cause : sans elles, aucun pro­gramme vac­ci­nal ne tient dans la durée.

Selon l’Organisation mon­diale de la santé, plus de 60 % des actes de vac­ci­na­tion dans le monde sont réa­li­sés par des infir­miers. Ce sont sou­vent les seuls pro­fes­sion­nels de santé acces­si­bles dans les zones rura­les ou iso­lées. Là où la vac­ci­na­tion atteint les taux de cou­ver­ture les plus élevés, c’est tou­jours parce que les infir­miè­res ont été pla­cées au centre de la stra­té­gie de santé publi­que. Les infir­miè­res sont en pre­mière ligne, du vil­lage isolé aux gran­des métro­po­les.

En Europe : la confiance et la proxi­mité

En Finlande ou en Suède, les “public health nurses” tien­nent la clé du succès : elles gèrent les cli­ni­ques de santé de l’enfant et assu­rent le suivi vac­ci­nal à l’école. Leur rôle ne se limite pas à injec­ter, mais à éduquer, évaluer et conseiller. Résultat : plus de 95 % de cou­ver­ture vac­ci­nale pédia­tri­que, un record euro­péen, et une adhé­sion élevée des parents grâce à la rela­tion de confiance ins­tau­rée.

Aux Pays-Bas, les “youth health nurses” du ser­vice public Jeugdgezondheidszorg convo­quent les enfants, véri­fient les car­nets et admi­nis­trent les vac­cins. Le pro­ces­sus est entiè­re­ment inté­gré dans le sys­tème de santé publi­que, avec une tra­ça­bi­lité numé­ri­que natio­nale.

Au Royaume-Uni, les “prac­tice nurses” et “school immu­ni­sers” sont for­mées et auto­ri­sées à vac­ci­ner en auto­no­mie, sous pro­to­co­les vali­dés. La stra­té­gie “call/recall” garan­tit le suivi des rap­pels. C’est une orga­ni­sa­tion rigou­reuse, mais avant tout humaine, cen­trée sur la confiance.

Et en France ?
Depuis août 2023, les infir­miè­res peu­vent pres­crire et admi­nis­trer l’ensem­ble des vac­cins du calen­drier vac­ci­nal chez les per­son­nes de 11 ans et plus, à l’excep­tion des vac­cins vivants chez les patients immu­no­dé­pri­més.
Elles peu­vent également vac­ci­ner contre la grippe sai­son­nière et la Covid-19 dès 5 ans.
Cette évolution, atten­due depuis vingt ans, fait enfin de la France un pays aligné sur les stan­dards euro­péens. Reste à orga­ni­ser concrè­te­ment cette com­pé­tence : consul­ta­tions vac­ci­na­les, tra­ça­bi­lité, coor­di­na­tion ter­ri­to­riale.

En Afrique : la vac­ci­na­tion, pilier du soin infir­mier

Sur le conti­nent afri­cain, les cam­pa­gnes de vac­ci­na­tion sont menées depuis des décen­nies par les infir­miè­res com­mu­nau­tai­res. Au Rwanda, chaque centre de santé dis­pose d’un “nurse in charge of immu­ni­za­tions”, res­pon­sa­ble du regis­tre électronique, du suivi logis­ti­que et de la for­ma­tion des pairs. Au Ghana, les “com­mu­nity health nurses” assu­rent la vac­ci­na­tion dans les vil­la­ges, via le pro­gramme CHPS, véri­ta­ble maillage sani­taire de proxi­mité.

Ces pro­fes­sion­nel­les sont le visage de la santé publi­que : elles mar­chent des kilo­mè­tres pour attein­dre les famil­les iso­lées, garan­tis­sent la chaîne du froid et gèrent les réac­tions indé­si­ra­bles. L’OMS Afrique les qua­li­fie de “colonne ver­té­brale du Programme élargi de vac­ci­na­tion (PEV)”.

En Amérique du Nord : l’orga­ni­sa­tion et la confiance

Au Canada, les infir­miè­res de santé publi­que coor­don­nent la majo­rité des cli­ni­ques sco­lai­res, com­mu­nau­tai­res et mobi­les. Elles pla­ni­fient les rap­pels, véri­fient les sta­tuts vac­ci­naux et for­ment les étudiants en santé. Elles inter­vien­nent aussi dans les cam­pa­gnes de rat­tra­page pour les popu­la­tions mar­gi­na­li­sées.
La PHAC (Public Health Agency of Canada) a publié des guides détaillant les com­pé­ten­ces néces­sai­res : com­mu­ni­ca­tion, sécu­rité, ges­tion des effets indé­si­ra­bles. C’est une appro­che basée sur la com­pé­tence et la confiance, sou­te­nue par la société tout entière.

Aux États-Unis, les “regis­te­red nurses” sont habi­li­tées à vac­ci­ner sans pres­crip­tion indi­vi­duelle, grâce aux “stan­ding orders” approu­vés par les auto­ri­tés sani­tai­res (CDC, ACIP). Les résul­tats sont clairs : l’auto­no­mie infir­mière a permis d’attein­dre des mil­lions de patients dans les phar­ma­cies, écoles et cen­tres com­mu­nau­tai­res.

En Amérique latine : le lea­der­ship de ter­rain

Dans les pays d’Amérique du Sud, les infir­miè­res de santé publi­que sont les héroï­nes dis­crè­tes des pro­gram­mes de vac­ci­na­tion.

Au Brésil, les “enfer­mei­ras” super­vi­sent les cam­pa­gnes de masse, assu­rent la pla­ni­fi­ca­tion régio­nale et la for­ma­tion des agents com­mu­nau­tai­res.

En Colombie, le minis­tère de la Santé a confié la coor­di­na­tion des cam­pa­gnes à des équipes diri­gées par des infir­miè­res, pour garan­tir la conti­nuité entre pré­ven­tion, suivi et éducation.

L’Organisation pana­mé­ri­caine de la santé (OPS) sou­li­gne que “l’effi­ca­cité vac­ci­nale dépend autant du vaccin que de la confiance envers celles qui le déli­vrent”.

En Asie : la proxi­mité avant tout

En Inde, les Auxiliary Nurse Midwives (ANM) vac­ci­nent les enfants, les femmes encein­tes et les ado­les­cents dans les vil­la­ges les plus recu­lés. Elles assu­rent les séan­ces, le trans­port des doses et la sen­si­bi­li­sa­tion. Sans elles, le pays n’aurait jamais atteint ses taux de cou­ver­ture actuels.

Au Japon, les public health nurses des muni­ci­pa­li­tés super­vi­sent la mise en œuvre de la Loi sur l’immu­ni­sa­tion, orga­ni­sant les cam­pa­gnes loca­les et le suivi électronique.

En Thaïlande, 98 % des cen­tres de soins pri­mai­res sont diri­gés par des infir­miè­res. Elles y condui­sent des séan­ces de vac­ci­na­tion de vil­lage, en lien avec les volon­tai­res com­mu­nau­tai­res.

En Océanie : auto­no­mie

En Australie, les “nurse immu­ni­sers” dis­po­sent d’une for­ma­tion reconnue par les auto­ri­tés sani­tai­res des États et Territoires. Elles peu­vent vac­ci­ner en auto­no­mie, gérer les urgen­ces (ana­phy­laxie, inci­dents) et animer des ses­sions com­mu­nau­tai­res. Cette orga­ni­sa­tion, struc­tu­rée et flexi­ble, garan­tit une cou­ver­ture vac­ci­nale élevée, y com­pris dans les zones rura­les.

En Nouvelle-Zélande, les “vac­ci­na­ting health wor­kers” (infir­miers et infir­miè­res) sui­vent un par­cours de cer­ti­fi­ca­tion natio­nal, sous l’auto­rité de Te Whatu Ora, l’agence de santé publi­que. Leur rôle est essen­tiel pour tou­cher les popu­la­tions mao­ries et iso­lées.

Un socle commun : la confiance, la com­pé­tence, la pré­sence

Partout dans le monde, la vac­ci­na­tion réus­sit quand elle repose sur trois piliers :
 La confiance, celle que les patients accor­dent aux infir­miè­res, pre­mier contact du soin.
 La com­pé­tence, fondée sur la for­ma­tion, la super­vi­sion et la tra­ça­bi­lité.
 La pré­sence, dans les écoles, les vil­la­ges, les entre­pri­ses, les domi­ci­les.

C’est cette pré­sence quo­ti­dienne, enra­ci­née dans le réel, qui trans­forme une injec­tion en acte de santé publi­que dura­ble.

En France, le cadre légis­la­tif est enfin à la hau­teur de ce que la pro­fes­sion atten­dait.
Reste à mettre en œuvre cette com­pé­tence sur le ter­rain :
– créer des consul­ta­tions vac­ci­na­les infir­miè­res en ville, en EHPAD, dans les MSP et les cen­tres muni­ci­paux ;
– déployer des pro­gram­mes de for­ma­tion conti­nue sur la pres­crip­tion vac­ci­nale ;
– assu­rer la tra­ça­bi­lité électronique (Mon espace santé, DMP) pour suivre les rap­pels et sécu­ri­ser les par­cours. Aujourd’hui peu d’adul­tes connais­sent leur statut vac­ci­nal, faute de suivi.

C’est une évolution logi­que, effi­cace et économique. Car ce n’est pas seu­le­ment le vaccin qui pro­tège, c’est la rela­tion de soin qui le rend pos­si­ble. L’Etat doit donner aux soi­gnants les moyens de tra­vailler et d’assu­rer la santé publi­que. Nous devons déve­lop­per "l’aller vers". Médecins et infir­miè­res doi­vent avoir des vac­cins dans leurs frigos, avec eux, pour vac­ci­ner plus faci­le­ment, sans perte de temps.

La vac­ci­na­tion n’est pas un geste tech­ni­que, c’est un acte de confiance. Et cette confiance, dans le monde entier, porte un visage fami­lier : celui de l’infir­mière.
C’est elle qui entre dans les écoles, les mai­sons, les dis­pen­sai­res, les entre­pri­ses.
C’est elle qui expli­que, ras­sure, observe, docu­mente.
C’est elle qui fait vivre le droit à la pré­ven­tion, au plus près de chacun.

Là où les infir­miè­res vac­ci­nent, les popu­la­tions se por­tent mieux. Et là où on leur fait confiance, la santé publi­que avance.

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