Hôpitaux : des infractions aux secrets de la vie privée

CISS

6 octobre 2013

Communiqué de presse du CISS le 04.10.13

Bien coder pour être bien payé

Les dépar­te­ments d’infor­ma­tion médi­cale (DIM) sont des ser­vi­ces clés dans chaque hôpi­tal. C’est là que les actes médi­caux font l’objet d’un codage. Ces ser­vi­ces trai­tant des don­nées cru­cia­les, et ultra confi­den­tiel­les concer­nant les patients, sont ainsi diri­gés par un méde­cin, seul habi­lité à accé­der aux dos­siers médi­caux com­por­tant des infor­ma­tions per­son­nel­les. C’est dans le DIM, sous la res­pon­sa­bi­lité du méde­cin, que doi­vent d’une part être rendus ano­ny­mes les dos­siers des patients et d’autre part codées les consul­ta­tions et les inter­ven­tions chi­rur­gi­ca­les qui per­met­tent à l’hôpi­tal de rece­voir ses finan­ce­ments.

Mais pour opti­mi­ser le codage, c’est à dire faire la chasse aux actes qui ont été « oubliés » (et donc pas payés), cer­tains hôpi­taux, comme celui de Saint-Malo, font appel à des socié­tés pri­vées. Ainsi, pour cet hôpi­tal, la société Altao a étudié, de décem­bre 2012 à août 2013, pas moins de 1 500 dos­siers per­met­tant à cet hôpi­tal un gain de 2 mil­lions d’euros.

Des infrac­tions aux secrets de la vie privée

La Commission natio­nale de l’infor­ma­ti­que et des liber­tés (CNIL) a déli­vré des auto­ri­sa­tions à ces socié­tés pour qu’elles puis­sent consul­ter ce que l’on appelle les « résu­més de séjour », sans le nom des patients. Mais la ten­ta­tion, ou la faci­lité, d’aller consul­ter les dos­siers sur place, l’a emporté sur la force des prin­ci­pes, de sorte que les socié­tés inter­ve­nant pour le compte des hôpi­taux, Altao et bien d’autres, accè­dent en rou­tine à des don­nées nomi­na­ti­ves à l’insu des patients : selon des sour­ces syn­di­ca­les, 15 000 dos­siers auraient été visi­tés dans 150 hôpi­taux en France.

Ce fai­sant, les socié­tés pri­vées et les hôpi­taux com­pli­ces com­met­tent une triple infrac­tion :
- la vio­la­tion du consen­te­ment du patient au trai­te­ment et, peut-être à l’héber­ge­ment, de ses don­nées de santé ;
- la vio­la­tion du droit à la confi­den­tia­lité des don­nées de santé ;
- la vio­la­tion des auto­ri­sa­tions don­nées par la CNIL.

Quelques ques­tions
- La sous-trai­tance du codage va-t-elle dans le sens de l’inté­rêt col­lec­tif ou abou­tit-elle à des sur­fac­tu­ra­tions à l’Assurance mala­die ? On aime­rait le savoir.
- Les orga­nis­mes de tutelle et de régu­la­tion sont-ils aux abon­nés absents ? Tout cela est bien connu des res­pon­sa­bles publics puis­que des méde­cins res­pon­sa­bles de DIM l’ont publi­que­ment dénoncé. La CNIL a également fait l’objet d’une sai­sine. Et l’on en parle dans les cou­loirs de l’Assemblée natio­nale, comme le 23 mars der­nier lors d’un débat public sur les don­nées de santé. Aucune réac­tion. Silence, on décode…
- Quelle confiance accor­der à un régime des consen­te­ments à la col­lecte, au trai­te­ment et à l’héber­ge­ment des don­nées de santé de plus en plus illi­si­ble pour le patient et dont le cadre régle­men­taire n’est pas res­pecté par les acteurs concer­nés, ni défendu par les auto­ri­tés char­gées de véri­fier son appli­ca­tion ?

Pour l’accès aux don­nées ano­ny­mes, de beaux esprits se cris­pent et s’oppo­sent même à l’Open data…

Pour les don­nées nomi­na­ti­ves, on aime­rait autant de fougue, d’impé­tuo­sité, et sur­tout que chacun fasse son tra­vail. Car pour tout dire, on n’avait pas prévu que nos secrets médi­caux seraient gardés par des inté­rêts privés. Inacceptable !

Communiqué de presse du CISS le 04.10.13

Partager l'article