L’évolution des dispositifs de soins psychiatriques en Allemagne, Angleterre, France et Italie : similitudes et divergences

3 février 2013

Questions d’économie de la santé Irdes n° 180. 2012/10

La prise en charge des trou­bles psy­chi­ques, qui concer­nent un indi­vidu sur quatre en Europe, est deve­nue une prio­rité des poli­ti­ques de santé après l’impul­sion donnée en 2005 par le plan d’action en santé men­tale en Europe de l’Organisation mon­diale de la santé. Ce plan encou­rage un meilleur équilibre entre prise en charge ambu­la­toire et hos­pi­ta­lière, et le déve­lop­pe­ment des ser­vi­ces de proxi­mité.

Depuis les années 1970, la plu­part des pays euro­péens sont passés d’une prise en charge dans de gran­des ins­ti­tu­tions à l’inté­gra­tion du patient dans son envi­ron­ne­ment à l’aide de soins et de ser­vi­ces de proxi­mité.

Après avoir montré com­ment le pro­ces­sus de désins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion des soins psy­chia­tri­ques s’est opéré à des vites­ses et moda­li­tés dis­tinc­tes en Allemagne, Angleterre, France et Italie, sont étudiés l’offre de ser­vi­ces, les struc­tu­res et modes de prise en charge actuels dans ces quatre pays.

Ces pre­miers éléments de com­pa­rai­son met­tent en évidence, outre la dif­fi­culté de dis­po­ser de don­nées de qua­lité com­pa­ra­bles entre les pays, l’inégal achè­ve­ment des poli­ti­ques de désins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion psy­chia­tri­que. Ils poin­tent également le retard de la France en matière d’inté­gra­tion de la psy­chia­trie à l’hôpi­tal géné­ral, mais aussi de déve­lop­pe­ment des struc­tu­res et ser­vi­ces d’accom­pa­gne­ment des per­son­nes à l’exté­rieur de l’hôpi­tal.

Cette pre­mière ana­lyse de l’évolution
des dis­po­si­tifs de soins psy­chia­tri­ques en
Allemagne, Angleterre, France et Italie
cons­ti­tue une clé de lec­ture des dif­fé­ren­ces
actuel­les d’orga­ni­sa­tion des soins.
Les contex­tes poli­ti­ques et sociaux, les
calen­driers de mise en oeuvre, les orien­ta­tions
thé­ra­peu­ti­ques ainsi que l’achè­ve­ment
du pro­ces­sus de désins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion
dif­fè­rent selon les pays.

Au
regard de ses voi­sins euro­péens, la situa­tion
fran­çaise pré­sente un cer­tain retard
en matière d’inté­gra­tion de la psy­chia­trie
à l’hôpi­tal géné­ral, mais aussi et
sur­tout en matière de déve­lop­pe­ment
des struc­tu­res d’héber­ge­ment et ser­vi­ces
d’accom­pa­gne­ment de la per­sonne
souf­frant de trou­bles psy­chi­ques dans sa
vie quo­ti­dienne. La prise en charge de
la mala­die men­tale en France a long­temps
été gérée essen­tiel­le­ment par le
sec­teur de psy­chia­trie, avec une vision
sou­vent « tota­li­sante » de ses mis­sions.

L’arti­cu­la­tion avec le sec­teur social et
l’appro­che glo­bale de la prise en charge
avec les autres acteurs du champ sani­taire
et social (méde­cine de ville, établissements
de santé privés, ser­vi­ces d’accom­pa­gne­ment
social et médico-social)
y res­tent insuf­fi­sam­ment déve­lop­pées.
L’impli­ca­tion des usa­gers et de leurs
pro­ches dans le projet thé­ra­peu­ti­que, à
tra­vers notam­ment les concepts de réta­blis­se­ment
et d’empo­wer­ment ou de res­pon­sa­bi­li­sa­tion,
comme dans l’exem­ple
anglais, demeure embryon­naire en
France. Pensée en termes sani­tai­res,
la prise en charge fran­çaise de la santé
men­tale ne tient pas assez compte des
dif­fé­ren­tes dimen­sions de la vie quo­ti­dienne
(héber­ge­ment, accès à l’emploi, à
la for­ma­tion, notam­ment) alors qu’elles
par­ti­ci­pent for­te­ment à la qua­lité de vie
et au main­tien ou à l’inté­gra­tion sociale
des per­son­nes confron­tées à un trou­ble
psy­chi­que (Greacen, Jouet, 2012).

Des dif­fé­ren­ces cultu­rel­les mais aussi le
mode de finan­ce­ment de la santé et de
ses dif­fé­ren­tes com­po­san­tes (ambu­la­toire,
hos­pi­ta­lier, sani­taire, social) sem­blent
jouer un rôle impor­tant dans l’orga­ni­sa­tion
des soins et le déve­lop­pe­ment
des soins ambu­la­toi­res de proxi­mité ainsi
que des struc­tu­res et ser­vi­ces d’accom­pa­gne­ment
social et médico-social.

Par ailleurs, dans les quatre pays étudiés,
l’offre publi­que côtoie une offre privée à
but lucra­tif ou non, dont la pro­por­tion
est varia­ble : plutôt faible en Allemagne
et en France (8 et 35 %), l’offre privée
est majo­ri­taire en Angleterre comme en
Italie puisqu’elle repré­sente près de la
moitié du total des lits psy­chia­tri­ques
(de Girolamo, 2007 ; Boyle, 2011). Dans
ces deux pays, ce trans­fert d’une partie
impor­tante des patients dans les établissements
privés est dis­cuté, notam­ment
en termes de qua­lité de la conti­nuité
du suivi des soins avec les équipes psy­chia­tri­ques
d’ori­gine. La place du sec­teur
privé dans la prise en charge des
soins psy­chia­tri­ques est peu docu­men­tée
et méri­te­rait de plus amples déve­lop­pe­ments.

Plus géné­ra­le­ment, cette
syn­thèse néces­site d’être pour­sui­vie et
enri­chie par des tra­vaux sur la qua­lité
des ser­vi­ces offerts à la popu­la­tion dans
chacun de ces pays et sur l’amé­lio­ra­tion
de la qua­lité de vie des patients souf­frant
de trou­bles psy­chi­ques.

Pour plus de détails : http://www.irdes.fr/EspaceRecherche/Qes/Qes180.htm

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