PLFSS 2026 : la solidarité en tension

22 octobre 2025

Alors que le gou­ver­ne­ment défend un projet de loi de finan­ce­ment de la Sécurité sociale sous le signe du « redres­se­ment », les asso­cia­tions de patients et les orga­ni­sa­tions de soi­gnants aler­tent sur un risque de frac­ture sociale. Les amen­de­ments dépo­sés par France Assos Santé rap­pel­lent que la santé publi­que n’est pas une varia­ble d’ajus­te­ment bud­gé­taire, mais un pilier du pacte répu­bli­cain.

Un budget d’aus­té­rité aux effets sociaux immé­diats

Le PLFSS 2026 limite la pro­gres­sion de l’ONDAM à +1,6 %, tout en gelant les retrai­tes et en dou­blant les fran­chi­ses médi­ca­les. Ces mesu­res consis­tent à réduire la dépense sociale, y com­pris au prix d’une baisse de pro­tec­tion.

France Assos Santé (FAS), qui regroupe plus de 85 asso­cia­tions d’usa­gers, ne s’y trompe pas, et demande la sup­pres­sion pure et simple des mesu­res les plus dures  :
 le dou­ble­ment des fran­chi­ses médi­ca­les (arti­cle 18),
 la limi­ta­tion des arrêts de tra­vail (arti­cle 28),
 le gel des retrai­tes et pres­ta­tions socia­les (arti­cle 44).

Ces dis­po­si­tions ne sont pas seu­le­ment tech­ni­ques : elles cons­ti­tuent un recul de soli­da­rité. Elles frap­pent d’abord les plus vul­né­ra­bles (patients chro­ni­ques, per­son­nes âgées, famil­les modes­tes) et ris­quent d’accroî­tre le renon­ce­ment aux soins. Sur le ter­rain, les infir­miè­res le cons­ta­tent chaque jour : entre une boîte de médi­ca­ments non ache­tée et un pan­se­ment repoussé de deux jours, c’est sou­vent la pré­ca­rité qui s’invite dans le soin.

Le syn­di­cat infir­mier SNPI CFE-CGC par­tage cette ana­lyse : la rigueur bud­gé­taire appli­quée au soin ne réduit pas les coûts, elle les dif­fère dans le temps. La rigueur coûte cher : chaque renon­ce­ment, chaque soin dif­féré se tra­duit par une aggra­va­tion de la patho­lo­gie, une hos­pi­ta­li­sa­tion évitable, une reprise plus lourde.

La DREES l’avait déjà montré : les renon­ce­ments aux soins aug­men­tent les dépen­ses de santé à moyen terme. Pour les infir­miers, c’est une évidence cli­ni­que : pré­ve­nir coûte tou­jours moins que répa­rer. Une régu­la­tion finan­cière ne peut pas igno­rer son impact sani­taire. Un budget de santé publi­que se juge d’abord à ses effets sur la santé réelle de la popu­la­tion, pas sur son solde comp­ta­ble.

Les pro­po­si­tions de France Assos Santé tra­cent une autre voie. Plutôt que d’aug­men­ter le reste à charge, elles visent à res­pon­sa­bi­li­ser les acteurs économiques :
 taxe sur les publi­ci­tés pour l’alcool, les pro­duits gras, salés ou sucrés ;
 TVA modu­lée selon la qua­lité nutri­tion­nelle ;
 prix mini­mum de l’unité d’alcool ;
 dépla­fon­ne­ment des taxes sur les bois­sons alcoo­li­sées,
 Nutri-Score obli­ga­toire sur les publi­ci­tés ali­men­tai­res.

Ce choix est dou­ble­ment cohé­rent : il répond aux objec­tifs de santé publi­que et ren­force le finan­ce­ment de la pré­ven­tion. Le SNPI sou­tient cette appro­che et pro­pose d’y adjoin­dre le finan­ce­ment des consul­ta­tions infir­miè­res de pré­ven­tion, pré­vues par la loi du 27 juin 2025. Investir dans la pré­ven­tion, c’est inves­tir dans la sou­te­na­bi­lité : chaque euro bien placé évite plu­sieurs euros de soins cura­tifs.

Réguler les ins­tal­la­tions, ren­for­cer la coor­di­na­tion

France Assos Santé ose un débat sou­vent évité : la régu­la­tion de l’ins­tal­la­tion des méde­cins. Son amen­de­ment pro­pose que l’auto­ri­sa­tion d’exer­cice en zone déjà bien dotée soit condi­tion­née à un rem­pla­ce­ment ou à une mis­sion de soli­da­rité ter­ri­to­riale. L’objec­tif est simple : cor­ri­ger les iné­ga­li­tés ter­ri­to­ria­les d’accès aux soins. France.

Ces mesu­res de réé­qui­li­brage ter­ri­to­rial ne peu­vent réus­sir sans s’appuyer sur un maillage infir­mier solide. Les infir­miers réfé­rents, infir­miers de pra­ti­que avan­cée #IPA et les équipes de coor­di­na­tion doi­vent deve­nir les pivots de cette orga­ni­sa­tion. Le SNPI plaide pour que la loi reconnaisse leur rôle dans la per­ma­nence et la conti­nuité des soins. La régu­la­tion du sys­tème de santé ne peut pas repo­ser uni­que­ment sur la méde­cine libé­rale : elle sup­pose une gou­ver­nance inter­pro­fes­sion­nelle et ter­ri­to­riale du soin.

Médicaments : trans­pa­rence et sécu­rité

La situa­tion est deve­nue inte­na­ble : un patient sur trois a déjà fait face à une rup­ture d’appro­vi­sion­ne­ment. Pour les infir­miers, cela signi­fie des trai­te­ments inter­rom­pus, des adap­ta­tions thé­ra­peu­ti­ques ris­quées, des pertes de chance. Pour lutter contre les pénu­ries de médi­ca­ments, France Assos Santé pro­pose d’impo­ser quatre mois de stock mini­mum pour les médi­ca­ments essen­tiels et d’inté­grer les finan­ce­ments publics dans la fixa­tion des prix.

Ces deux exi­gen­ces sont sou­te­nues par le SNPI, qui pro­pose en com­plé­ment la mise en place d’une veille infir­mière ter­ri­to­riale sur les rup­tu­res de médi­ca­ments, coor­don­née avec les phar­ma­cies hos­pi­ta­liè­res et les équipes HAD.

L’infir­mier, par sa pré­sence quo­ti­dienne auprès des patients et son rôle de coor­di­na­tion, est le pre­mier à repé­rer :
 un médi­ca­ment introu­va­ble en phar­ma­cie de ville,
 un trai­te­ment sub­sti­tué sans infor­ma­tion claire,
 un patient en rup­ture de trai­te­ment chro­ni­que,
 une dif­fé­rence d’appro­vi­sion­ne­ment entre ter­ri­toi­res ou établissements.

En coor­don­nant les obser­va­tions de ter­rain avec les phar­ma­cies hos­pi­ta­liè­res, les équipes d’HAD et les ins­ti­tu­tions sani­tai­res loca­les (ARS, URPS, OMEDIT,...) pour déclen­cher des actions de régu­la­tion ou de sub­sti­tu­tion., cette veille per­met­trait de trans­for­mer des situa­tions subies en déci­sions anti­ci­pées. Une avan­cée concrète, prag­ma­ti­que et éthique, fidèle à la mis­sion pre­mière du soin : pré­ve­nir plutôt que subir.

Préserver le pacte social

La Sécurité sociale n’est pas une ins­ti­tu­tion tech­ni­que, mais un pacte démo­cra­ti­que entre ceux qui soi­gnent et ceux qui sont soi­gnés. Les usa­gers et les soi­gnants par­ta­gent un même cons­tat : la régu­la­tion bud­gé­taire sans poli­ti­que de santé détruit len­te­ment la confiance.

Les infir­miè­res voient les effets concrets de ce désen­ga­ge­ment :
 des patients qui repous­sent un suivi faute de moyens ;
 des struc­tu­res qui fer­ment faute de finan­ce­ments ;
 des équipes qui se vident faute de sens.

Les asso­cia­tions de patients et les orga­ni­sa­tions infir­miè­res par­ta­gent le même diag­nos­tic : le PLFSS 2026 risque d’affai­blir les fon­de­ments de la soli­da­rité natio­nale. Les patients défen­dent le droit d’être soi­gnés ; les infir­miers défen­dent la capa­cité de soi­gner. Ces deux voix disent la même chose : on ne réforme pas un sys­tème de santé en l’affa­mant.

Le redres­se­ment bud­gé­taire ne peut pas se faire au prix d’une dégra­da­tion de la santé publi­que. L’État doit assu­mer que la pré­ven­tion, la coor­di­na­tion et la sécu­rité sani­taire sont des inves­tis­se­ments de long terme, non des dépen­ses à conte­nir.

Les amen­de­ments de France Assos Santé des­si­nent une cohé­rence : celle d’un modèle social qui choi­sit la pré­ven­tion, la trans­pa­rence et la soli­da­rité plutôt que la res­tric­tion. Le SNPI y voit une orien­ta­tion com­pa­ti­ble avec la pro­fes­sion infir­mière : redon­ner du sens au soin, reconnaî­tre la valeur du lien humain et inves­tir dans la santé comme dans un bien commun.

Un pays qui n’inves­tit plus dans la santé pré­pare sa propre fra­gi­lité. Les patients, tout comme les soi­gnants, refu­sent d’être réduits à des varia­bles d’ajus­te­ment. À l’heure où le PLFSS tend à oppo­ser maî­trise finan­cière et jus­tice sociale, cette conver­gence entre usa­gers et soi­gnants rap­pelle une évidence : la santé n’est pas un coût, c’est un projet de société.

Voir "PLFSS 2026 : une grave atteinte à l’accès aux soins des per­son­nes mala­des" https://www.france-assos-sante.org/actua­lite/plfss-2026-une-grave-atteinte-a-lacces-aux-soins-des-per­son­nes-mala­des/

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