Tribune "La qualité de l’air dans les écoles est un enjeu crucial"
19 novembre 2025
"La qualité de l’air dans les écoles est un enjeu crucial" : des soignants, enseignants, scientifiques et parents interpellent les maires, dans une tribune publiée le 19/11/2025 dans l’EXPRESS
Tribune. Depuis la pandémie, beaucoup de promesses ont été faites sur la qualité de l’air dans les établissements scolaires. Elles n’ont pas été tenues, dénonce un collectif de 140 signataires.
En mars 2020, le premier tour des municipales avait lieu deux jours avant de confiner le pays, alors qu’un nouveau virus aéroporté déferlait. En avril 2022, à Marseille, le candidat Emmanuel Macron promettait "un effort massif de purification de l’air dans nos écoles, nos hôpitaux, nos maisons de retraite, et dans tous les bâtiments publics", avec des résultats "visibles dès la fin de l’année".
En novembre 2025, à quatre mois de nouvelles élections municipales, et pendant que se tient le Congrès des maires, une question s’impose : quel est le bilan des maires (dont le mandat est marqué par la pandémie) quant à l’amélioration de la qualité de l’air dans les écoles et bâtiments publics dont ils ont la responsabilité ?
Un manque de diagnostic et de considération
Depuis des années, les mesures dans les écoles montrent un renouvellement d’air souvent insuffisant, quelle que soit la saison. Ce n’est pas une opinion : c’est un constat documenté par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (campagne "Ecole" 2013-2017), par Santé publique France (journée nationale de la qualité de l’air du 14 octobre 2022 par exemple) ou par l’OMS, qui a soutenu en juin dernier la deuxième conférence européenne sur la qualité de l’air intérieur, dédiée aux écoles françaises.
Ce constat répété a mené à une évolution de la loi. Le décret 2022-1689 du 27 décembre 2022 a modifié le code de l’Environnement et rendu plus contraignante la surveillance de la qualité de l’air intérieur (QAI) dans certains établissements, dont les écoles, avec l’obligation de réaliser une évaluation avec lecture directe de la concentration de CO2 "au plus tard fin 2024". En pratique, cela est simple à obtenir avec la démocratisation des capteurs CO2 portables : l’impact sur le budget de la commune se compterait seulement en quelques centaines d’euros.
Mais aujourd’hui, près d’un an après, combien de maires sur les 35 000 élus sont en mesure de fournir (comme la loi l’exige) le taux de CO2 en occupation de chacune des classes de leur commune ? Sans diagnostic, il n’y a pas de priorisation, pas d’objectif, pas d’investissements efficaces : par exemple, comment décider d’installer une centrale de traitement de l’air ou une VMC dans une école, une médiathèque et pas dans une autre ?
A chaque rentrée, nous pourrions légitimement avoir un bilan de la commune sur la qualité de l’air actuelle dans chaque classe, cantine, gymnase, dortoir, salles de motricité… Cela permettrait de présenter les actions réalisées et la planification des actions correctives : entretien de l’existant (vérification des VMC, de l’ouvrant des fenêtres, etc.) et projets de rénovation mêlant la qualité de l’air intérieur et l’isolation. Ces deux notions ne sont d’ailleurs pas antinomiques : il existe des systèmes de ventilation double flux offrant une amélioration de qualité de l’air et une récupération de chaleur, qui permettent ainsi de répondre aux préoccupations sur le bilan carbone, sur la facture énergétique, et sur la santé de la population.
Cette transparence est nécessaire pour que chaque citoyen puisse comprendre et soutenir les choix de la municipalité en termes d’œuvres publiques, ainsi que sa priorisation dans la rénovation de certains bâtiments.
Améliorer la qualité de l’air dans les écoles a de multiples intérêts
Le CO2 n’est pas "le" polluant à combattre : c’est un indicateur de la ventilation qui corrèle l’exposition à d’autres contaminants (particules, composés organiques volatils, etc.) et au risque de transmission virale par aérosols.
Les repères sont simples : 800 ppm est l’objectif de bonne ventilation, son dépassement porte à une action rapide pour garantir le renouvellement de l’air (aérer, régler la VMC, etc.) ; 1 500 ppm indique une qualité de l’air inacceptable et déclenche la recherche de causes et des actions correctives. Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) l’explique très clairement dans son "guide d’application pour la surveillance du confinement de l’air" de juin 2025 ; le collectif Nous Aérons propose également des fiches à destination du grand public.
Une ventilation maîtrisée (naturelle ou mécanique) réduit la circulation des virus respiratoires tels que les coronavirus (dont COVID‑19), la grippe, les VRS (bronchiolites), rhinovirus ou encore la varicelle (en attendant la recommandation de vaccination chez les nourrissons comme d’autres pays le font depuis le siècle dernier).
Diminuer la circulation de ces virus, c’est réduire le risque d’infections respiratoires pour les enfants, pour les enseignants et autres professionnels de l’éducation ; c’est réduire aussi les infections chez leurs proches et dans toute la société, car l’école est un des principaux moteurs des épidémies.
Cette réduction d’infections s’accompagne d’une diminution des absences scolaires et professionnelles, d’une diminution des consultations médicales et des hospitalisations pour décompensation de maladie chronique liée au virus - insuffisance respiratoire chronique, asthme, insuffisance cardiaque, etc. - ou encore une diminution des maladies et syndromes post-viraux tels que le Covid Long.
Cela concourt in fine à améliorer de façon concrète l’accès aux soins, en diminuant les besoins de soins de santé de la population d’une part, et en augmentant l’attractivité pour les professionnels de santé d’autre part. Il ne s’agit pas d’une mesure illusoire, telle que la loi Garot récemment votée (qui vise à interdire l’installation de médecins dans une ville A pour espérer une installation hypothétique dans la ville B).
Enfin, l’amélioration de la qualité de l’air améliore la concentration et les performances scolaires. Elle diminue les allergies et l’asthme : d’après Santé publique France, chaque année plus de 30 000 nouveaux cas d’asthme seraient évités avec une amélioration de la QAI dans les écoles. Elle diminue les maux de tête et plus généralement les symptômes du "syndrome du bâtiment malsain" (ceux qu’on peut avoir en respirant un taux élevé de CO2, comme lorsqu’on reste dans un lieu surpeuplé et mal ventilé).
Lever le frein financier
Aujourd’hui, le principal frein à l’amélioration de la qualité de l’air intérieur semble le désintérêt ; le second est financier. Les bénéfices des travaux sur la qualité de l’air iront à l’Assurance maladie (moins de maladies, moins de dépenses), à l’Education nationale… mais ce sont les mairies qui doivent en assumer la charge financière. Tout cela n’a pas de sens : le financement de toutes ces institutions vient uniquement des Français… mais la répartition dans des "poches" différentes fait que rien ne bouge !
Redisons-le clairement : la qualité de l’air dans les écoles est un enjeu crucial. Comment pouvons-nous accepter que nos enfants respirent 6 à 10 heures par jour un air mal renouvelé ? Ce n’est pas visible, mais en réalité c’est aussi inacceptable que si les séances de natation se déroulaient dans une eau croupie, ou si l’eau du robinet de cantine coulait verdâtre… et que les responsables ne s’en occupaient pas avec le plus grand sérieux que cela exige !
Il est temps que cela change. L’amélioration de la qualité de l’air dans les écoles devrait figurer au programme de toutes les prétendantes et tous les prétendants sérieux aux 35 000 mairies, pour transformer la promesse non tenue de la dernière présidentielle en une réussite municipale. Les futurs maires pourront ainsi améliorer très concrètement l’accès aux soins dans leur territoire, la santé des 6,4 millions d’élèves en écoles maternelles et élémentaires (voire 9 millions en intégrant les collèges et lycées qui méritent les mêmes actions de la part des Départements et Régions qui en ont la responsabilité), ainsi que la santé des professionnels de l’éducation, et celle de leurs proches.
Premiers Signataires :
Michaël ROCHOY, Médecin généraliste (Outreau), parent d’élève ;
Elisa ZENO, Ingénieur de Recherche, co-fondatrice du Collectif École et Familles Oubliées ;
Antoine FLAHAULT, Professeur d’Université et Praticien Hospitalier, Université Paris Cité, Hôpital Bichat, Inserm UMR 1137 ;
Valérie LEPRINCE, Directrice de projet Ventilation et Qualité de l’Environnement Intérieur (Lyon) ;
Dominique COSTAGLIOLA, Directrice de recherches émérite INSERM, Membre de l’Académie des Sciences ;
Solenn TANGUY, Présidente de l’association Winslow Santé Publique ;
Cécile PHILIPPE, Présidente de l’Institut économique Molinari ;
David SIMARD, Docteur en philosophie de la santé ;
Thierry AMOUROUX, Porte parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI) ;
Jérôme MARTY, Médecin généraliste, Président UFML-S ;
Pierre DE BREMOND D’ARS, Médecin Généraliste, Président du Collectif No Fakemed ;
Mélanie SERVANT, Médecin généraliste (Strasbourg), présidente d’AGJIR ;
Maxime ROUSSEAU, Médecin généraliste (Strasbourg), secrétaire général d’AGJIR ;
Marie VALDES, Présidente de l’association nationale des enfants PIMS Covid ;
Cristina MAS, Enseignante, co-fondatrice du Collectif Covid Long Pédiatrique ;
Raphaëlle FOURLINNIE, Parent d’élèves et membre de Winslow Santé Publique France ;
Pauline OUSTRIC, Présidente de l’association #Apresj20 Covid Long France ;
Isabelle LEIBL, Educatrice spécialisée, co-fondatrice de l’Association Covid Long Enfants ;
Cathie ERISSY, Secrétaire Générale de l’Association de Promotion de la Profession Infirmière (APPI) ;
Liste complète en fin d’article sur :
https://www.lexpress.fr/sciences-sante/qualite-de-lair-dans-les-ecoles-des-soignants-enseignants-scientifiques-et-parents-interpellent-les-X7LLDQYRE5HBTGUSZWUF3AK5KY/?cmp_redirect=true