Annonces de Macron sur la fin de vie : colère des soignants

11 mars 2024

C’est avec cons­ter­na­tion, colère et tris­tesse que les soi­gnants réunis au sein du col­lec­tif sur la fin de vie ont pris connais­sance de l’inter­view du Président de la République publiée par Libération et La Croix. Avec une grande vio­lence, le chef de l’État annonce un sys­tème bien éloigné des besoins des patients et des réa­li­tés quo­ti­dien­nes des soi­gnants, avec en pers­pec­tive de graves consé­quen­ces sur la rela­tion de soin. Les orga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nel­les et socié­tés savan­tes font mal­heu­reu­se­ment les cons­tats sui­vants :

o Un aveu­gle­ment sur les condi­tions de l’élaboration du texte : le pré­si­dent fait l’éloge d’un « che­mi­ne­ment démo­cra­ti­que » et d’une « réflexion trans­par­ti­sane » alors même que le gou­ver­ne­ment a fait le choix de la bru­ta­lité en igno­rant la parole des soi­gnants, qui n’ont pas été consul­tés depuis sep­tem­bre der­nier.

o Un calen­drier indé­cent : Emmanuel Macron fait réfé­rence dans cet inter­view à ce qui est écrit dans le projet de loi, annonce la trans­mis­sion d’un texte au Conseil d’État « d’ici huit à dix jours » et un examen en mai. Or, ceux qui devront appli­quer cette loi n’ont jamais été asso­ciés à sa rédac­tion et n’ont pas été consul­tés sur un texte à l’évidence déjà rédigé.

o Un mépris du tra­vail des soi­gnants : le pré­si­dent annonce « une vraie révo­lu­tion d’huma­nité et de fra­ter­nité en action », et prend comme exem­ple de l’obli­ga­tion d’aller à l’étranger des patients atteints de cancer en phase ter­mi­nale, sans reconnaî­tre l’enga­ge­ment quo­ti­dien auprès de ceux qui vont mourir des pro­fes­sion­nels de santé, en établissement de santé, en EHPAD ou à domi­cile.
Ce fai­sant, il emploie également un pro­cédé rhé­to­ri­que visant à mini­mi­ser la capa­cité à accom­pa­gner la fin de vie dans la dignité qui jus­ti­fie­rait le bien-fondé de l’aide à mourir, pour mieux mas­quer l’insuf­fi­sance de moyens en soins pal­lia­tifs.

o Un modèle ultra-per­mis­sif : le dis­po­si­tif décrit emprunte à toutes les déri­ves cons­ta­tées à tra­vers le monde. Aucun pays n’envi­sage l’admi­nis­tra­tion da la sub­stance létale par un proche.

o Une confu­sion sur le sens du soin : d’après le Président, on n’« oppose plus » la mort pro­vo­quée aux soi­gnants en soins pal­lia­tifs, alors même que ceux-ci répè­tent avec cons­tance que leur mis­sion n’est pas de donner la mort.

o Des annon­ces déri­soi­res sur l’accom­pa­gne­ment de la fin de vie : Emmanuel Macron annonce une aug­men­ta­tion du budget annuel des soins pal­lia­tifs de 6%, alors même que 50% des patients n’ont pas accès à un accom­pa­gne­ment adapté, soit 500 per­son­nes par jour : une per­sonne sur deux.

o Une méconnais­sance de l’ambi­va­lence du désir de mort  : « deux jours » sont prévus pour « tester la soli­dité de la déter­mi­na­tion », la réponse devant inter­ve­nir dans un « délai de quinze jours maxi­mum ». Qui pourra être en mesure d’esti­mer le « dis­cer­ne­ment plein et entier » requis pour accé­der à la mort pro­vo­quée ?

o Un manque de consi­dé­ra­tion pour les per­son­nes vul­né­ra­bles et âgées, qui seraient les pre­miè­res concer­nées par ce dis­po­si­tif, et alors que la loi Grand âge est aban­don­née.
L’impact de la mort pro­vo­quée sur les pro­ches et sur la société n’est pas non plus évoqué, tout comme le sen­ti­ment de culpa­bi­lité d’un proche ou d’un soi­gnant qui aurait pro­vo­qué cette mort.

o Une confu­sion lexi­cale regret­ta­ble : le pré­si­dent retient le terme d’« aide à mourir », en n’assu­mant pas que les options rete­nues relè­vent de l’eutha­na­sie et du sui­cide assisté.
Mourir dans la dignité est une demande bien légi­time, mais c’est pré­ci­sé­ment la mis­sion des soins pal­lia­tifs notoi­re­ment sous-dotés, insuf­fi­sam­ment connus et trop peu dis­po­ni­bles en France. Supprimer les mala­des pour sup­pri­mer le pro­blème à moin­dre coût, voilà ce qu’en somme pro­pose cette annonce.

Dans les jours à venir, le col­lec­tif soi­gnant va se réunir pour déter­mi­ner les moda­li­tés de mobi­li­sa­tion face à ce projet qui va à l’encontre des valeurs du soin et du non-aban­don qui fon­dent notre modèle fran­çais d’accom­pa­gne­ment de la fin de vie.

Signataires :
AFSOS : Association Française des Soins Oncologiques de sup­port
ANFIPA : Association Nationale Française des Infirmier.e.s en pra­ti­ques avan­cées
Claromed : Association pour la cla­ri­fi­ca­tion du rôle du méde­cin dans les contex­tes de fin de vie
SMCG – CSMF : Syndicat des Médecins Coordonnateurs, EHPAD et autres struc­tu­res,
géné­ra­lis­tes ou géria­tres - Confédération des Syndicats Médicaux Français
Conseil National Professionnel de Gériatrie
FFAMCO-EHPAD : Fédération Française des Associations de Médecins Coordonnateurs en Ehpad
FNEHAD : Fédération Nationale des Établissements d’Hospitalisation à Domicile
M3P : Association des Psychologues Cliniciens et des Psychologues Psychothérapeutes.
MCOOR : Association Nationale des Médecins Coordonnateurs et du Secteur Médico-social
SFAP : Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs
SFGG : Société fran­çaise de Gériatrie et Gérontologie
SMP : Société Médico-Psychologique
SNGC : Syndicat National de Gérontologie Clinique
SNPI : Syndicat National des Professionnels Infirmiers
2SPP : Société fran­çaise de Soins Palliatifs Pédiatrique

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