Assemblée nationale : audition du SNPI par la Commission des Affaires Sociales sur la loi infirmière

25 février 2025

Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI a été audi­tionné le 25.02.25 par la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée natio­nale, pour l’examen de la pro­po­si­tion de loi sur la pro­fes­sion d’infir­mier (n° 654). Lors de cette audi­tion animée par la Rapporteure, Mme Dubré-Chirat, dépu­tée du Maine-et-Loire, le SNPI était repré­senté par des mem­bres du conseil natio­nal, Anne LARINIER, Cathie ERISSY, Thierry AMOUROUX et François MARTINEAU, de divers types d’exer­cice infir­mier.

Nous saluons l’ini­tia­tive de cette loi, qui porte les espoirs de la pro­fes­sion, avec la refonte des textes défi­nis­sant nos mis­sions (1978), notre décret d’exer­cice (2004), nos com­pé­ten­ces et notre for­ma­tion (2009). Cependant, nous vous pro­po­sons quel­ques sug­ges­tions d’amen­de­ments, afin de ren­for­cer l’effi­ca­cité et la cohé­rence du par­cours de soins en France, et mieux répon­dre aux besoins de la popu­la­tion.

Premièrement, la reconnais­sance réelle de l’infir­mière comme pro­fes­sion­nelle de santé

L’alinéa 7 sti­pule que l’infir­mière « pres­crit les pro­duits de santé et exa­mens com­plé­men­tai­res néces­sai­res à l’exer­cice de sa pro­fes­sion. La liste de ces pro­duits de santé et des exa­mens com­plé­men­tai­res est fixée par arrêté des minis­tres char­gés de la santé et de la sécu­rité sociale pris après avis de l’Académie de méde­cine. »

Nous sommes une pro­fes­sion régle­men­tée, avec un Ordre, et un champ auto­nome. Il nous parait donc indis­pen­sa­ble de rem­pla­cer cet avis par celui de la HAS, ins­ti­tu­tion plus à même de rendre un avis sur la pro­fes­sion infir­mière.

La Haute Autorité de Santé (HAS) appuie les pro­fes­sion­nels de santé dans l’amé­lio­ra­tion conti­nue de leurs pra­ti­ques cli­ni­ques pour pro­di­guer des soins plus effi­ca­ces, plus sûrs et plus effi­cients dans les établissements de santé et en méde­cine de ville. La HAS pro­meut les bonnes pra­ti­ques et le bon usage des soins auprès des per­son­nes et de leurs pro­ches.

L’infir­mière n’est pas une simple "auxi­liaire médi­cale", c’est une pro­fes­sion­nelle de santé à part entière. Cette loi se veut être une loi de reconnais­sance de la pro­fes­sion infir­mière, il est donc impor­tant de la sou­met­tre à un avis d’une auto­rité trans­ver­sale indé­pen­dante, et visant l’inté­rêt géné­ral de la popu­la­tion plus qu’à cette auto­rité médi­cale.

Deuxièmement, la seconde mis­sion de l’infir­mière doit être com­plé­tée par l’orien­ta­tion

Notre second amen­de­ment, est donc de com­plé­ter l’alinéa 10 par « 2° Contribuer à la coor­di­na­tion, à l’orien­ta­tion et à la mise en œuvre du par­cours de santé de la per­sonne »

D’une part, coor­don­ner les soins sans pou­voir ensuite orien­ter le patient vers un autre pro­fes­sion­nel de santé, notam­ment quand il faut avoir accès à un pal­lier de com­pé­ten­ces supé­rieu­res comme le méde­cin spé­cia­liste serait un vrai frein à l’accès aux soins.

Lorsque l’infir­mière repère les signes avant-cou­reurs d’une dégra­da­tion de l’état de santé, elle doit pou­voir mobi­li­ser les res­sour­ces néces­sai­res : soit faire appel à un pro­fes­sion­nel plus qua­li­fié, comme le méde­cin, soit à un autre pro­fes­sion­nel plus spé­cia­lisé (kiné­si­thé­ra­peute, ergo­thé­ra­peute, dié­té­ti­cienne, assis­tante sociale...).

D’autre part, reconnai­tre une com­pé­tence infir­mière rela­tive à l’orien­ta­tion des patients est indis­pen­sa­ble pour assu­rer la prise en soin et le main­tien des per­son­nes âgées à domi­cile, en s’appuyant sur les 140.000 infir­miers libé­raux, der­niers pro­fes­sion­nels de santé à se rendre chaque jour au domi­cile des patients, mais aussi sur les infir­miers en établissement notam­ment en EHPAD.

Cette exper­tise cli­ni­que, liée aux com­pé­ten­ces mobi­li­sées lors de la for­ma­tion, et fruit d’années d’expé­rience, permet d’anti­ci­per les com­pli­ca­tions.

L’infir­mière évalue l’auto­no­mie, adapte l’envi­ron­ne­ment, pré­vient les chutes, coor­donne les inter­ven­tions et accom­pa­gne les tran­si­tions entre domi­cile et hôpi­tal. La pré­ven­tion de la perte d’auto­no­mie devient un enjeu majeur. Chaque visite est l’occa­sion d’évaluer les capa­ci­tés cog­ni­ti­ves, de véri­fier l’ali­men­ta­tion, d’adap­ter les trai­te­ments. Ce tra­vail minu­tieux permet sou­vent d’éviter des hos­pi­ta­li­sa­tions en urgence et de main­te­nir la qua­lité de vie à domi­cile.

Les enjeux économiques sont consi­dé­ra­bles. Une orien­ta­tion pré­coce et per­ti­nente évite des hos­pi­ta­li­sa­tions coû­teu­ses, opti­mise les res­sour­ces de santé et main­tient l’auto­no­mie plus long­temps. Dans un sys­tème de santé sous ten­sion, cette exper­tise infir­mière devient stra­té­gi­que. En reconnais­sant offi­ciel­le­ment ce rôle d’orien­ta­tion, nous appor­tons une réponse immé­diate aux pro­blé­ma­ti­ques d’engor­ge­ment et d’iné­ga­li­tés d’accès aux soins.

Troisièmement, reconnai­tre en 5ème mis­sion notre rôle rela­tion­nel spé­ci­fi­que

Notre troi­sième amen­de­ment est donc d’insé­rer après l’alinéa 12, l’alinéa sui­vant « 5° Dispenser les soins rela­tion­nels per­met­tant d’appor­ter un sou­tien psy­cho­lo­gi­que et un sup­port thé­ra­peu­ti­que. Le soin rela­tion­nel s’ins­crit dans une prise en charge glo­bale du patient. »

Les soins rela­tion­nels sont cen­traux dans la pra­ti­que infir­mière. Ils sont juste cités dans la pre­mière mis­sion, tou­te­fois il semble impor­tant d’en faire une mis­sion à part entière pour lui donner sa juste place.

La pro­po­si­tion de loi énumère aujourd’hui seu­le­ment quatre mis­sions prin­ci­pa­les pour les infir­miè­res : soins tech­ni­ques, coor­di­na­tion, pré­ven­tion et for­ma­tion. Mais où est la rela­tion d’aide ? Cette cin­quième mis­sion, pour­tant au cœur de la pra­ti­que quo­ti­dienne, manque cruel­le­ment dans les textes.

La rela­tion d’aide ne se limite pas au réconfort. Elle joue un rôle fon­da­men­tal dans la com­pré­hen­sion des trai­te­ments et l’adhé­sion du patient à son par­cours de santé. Face à une pres­crip­tion com­plexe ou un diag­nos­tic dif­fi­cile, l’infir­mière est là pour déco­der l’infor­ma­tion, la rendre acces­si­ble. Ce “tra­duire pour soi­gner” permet au patient de s’appro­prier son trai­te­ment, de mieux le suivre, et donc d’amé­lio­rer ses résul­tats cli­ni­ques.

Il manque donc cette cin­quième mis­sion, pour défi­nir la “rela­tion­nelle du soin”, avec l’écoute, l’accom­pa­gne­ment, la rela­tion d’aide, le lien de confiance entre l’infir­mière et la per­sonne soi­gnée. Les patients expri­ment de plus en plus un besoin d’huma­ni­sa­tion des soins, de repè­res dans un sys­tème par­fois déshu­ma­ni­sant. L’infir­mière est natu­rel­le­ment dési­gnée pour jouer ce rôle, grâce à sa pré­sence cons­tante et sa proxi­mité avec les réa­li­tés des per­son­nes soi­gnées.

Quatrième et der­nier point, passer à 4 années d’études pour ren­for­cer la pro­fes­sion­na­li­sa­tion

Notre qua­trième amen­de­ment est donc d’insé­rer après l’alinéa 15 l’alinéa sui­vant : « Un décret en Conseil d’État pré­cise les moda­li­tés de for­ma­tion ini­tia­les des infir­miers sur 4 années dont une de pro­fes­sion­na­li­sa­tion ».

La for­ma­tion infir­mière en Institut de for­ma­tion en soins infir­miers (IFSI) reste limi­tée à trois ans. Mais trois années ne suf­fi­sent plus à cou­vrir les besoins com­plexes de notre époque. Pourtant, une simple année de pro­fes­sion­na­li­sa­tion pour­rait tout chan­ger.

Comme la plu­part des pays euro­péens, nos voi­sins l’ont com­pris. En Espagne, au Portugal, en Belgique, la for­ma­tion dure déjà quatre ans. Et les résul­tats sont là : plus d’auto­no­mie, des soins de meilleure qua­lité. L’Europe nous montre ainsi l’exem­ple à suivre, alors qu’en France, les infir­miè­res sont for­mées en trois ans depuis bien­tôt cin­quante ans !

Avec en moyenne 36 000 étudiants admis en IFSI versus seu­le­ment 26 000 vali­dant leur diplôme d’état, suivi d’un cons­tat de 50% d’infir­miè­res diplô­mées quit­tant l’exer­cice hos­pi­ta­lier au bout de 10 ans de diplôme, il faut agir pour inver­ser cette perte de res­sour­ces et garan­tir un temps d’exer­cice plus long. L’allon­ge­ment de la for­ma­tion ini­tiale à quatre ans pour­rait chan­ger la donne.

Une durée adap­tée pour inté­grer les com­pé­ten­ces en santé publi­que, ren­for­cer la pré­ven­tion et assu­rer un meilleur accom­pa­gne­ment des étudiants en souf­france par un tuto­rat sur un temps dédié, avec un com­pa­gnon­nage lors des stages. Une qua­trième année de pro­fes­sion­na­li­sa­tion sur le modèle du « doc­teur junior » pour conso­li­der l’appren­tis­sage aca­dé­mi­que et pra­ti­que en milieux cli­ni­ques, leviers d’employa­bi­lité et de fidé­li­sa­tion.

Augmenter le temps de for­ma­tion théo­ri­que et pra­ti­que en 4 années uni­ver­si­tai­res va sou­te­nir le pro­ces­sus de pro­fes­sion­na­li­sa­tion et d’acqui­si­tion des com­pé­ten­ces ciblées pour être Infirmière géné­ra­liste :
  Pour étaler sur une année sup­plé­men­taire un pro­gramme trop dense : 4600 heures sur 3 ans, c’est trois fois plus qu’une licence clas­si­que (1500 à 1800h sur 3 ans). Cette pres­sion concoure aux dif­fi­cultés des étudiants d’assi­mi­ler les connais­san­ces, ce qui entraine de nom­breux aban­dons en cours de for­ma­tion
  Pour inté­grer les com­pé­ten­ces nou­vel­les reconnues dans la régle­men­ta­tion (exem­ples : pres­crip­tion vac­ci­nale ou sub­sti­tuts nico­ti­ni­ques)
  Pour com­pen­ser les man­ques actuels d’ensei­gne­ments aca­dé­mi­ques et cli­ni­ques, notam­ment en psy­chia­trie et santé men­tale, en santé des enfants, de la famille et en pédia­trie, sur les soins cri­ti­ques,

Cette modi­fi­ca­tion est notam­ment
 recom­man­dée par le Conseil National Professionnel Infirmier (CNPI) dans son Livre Blanc,
https://cnp-infir­mier.fr/?Synthese-du-Livre-Blanc-du-CNPI-evo­lu­tion-de-l-exer­cice-et-de-la-for­ma­tion-des
 et a fait l’objet de la tri­bune infir­mière signée par 19 orga­ni­sa­tions infir­miè­res publiée dans la presse en octo­bre der­nier.
https://www.marianne.net/agora/tri­bu­nes-libres/il-est-temps-pour-les-par­le­men­tai­res-de-sou­te­nir-la-future-reforme-infir­miere

Face aux besoins crois­sants de la popu­la­tion, le modèle de for­ma­tion en trois ans ne permet plus de répon­dre plei­ne­ment aux exi­gen­ces de la pro­fes­sion. Passer à quatre années d’études offri­rait aux infir­miè­res géné­ra­lis­tes une montée en com­pé­ten­ces essen­tielle, notam­ment en santé publi­que, en pré­ven­tion et en ges­tion des par­cours com­plexes.

Nous vous appe­lons donc les dépu­tés à porter ces amen­de­ments dans les débats par­le­men­tai­res, afin de donner aux infir­miè­res les moyens d’assu­rer plei­ne­ment leur rôle, pour répon­dre aux besoins de santé de la popu­la­tion.

Voir également :
 Loi infir­mière : le SNPI soumet plu­sieurs amen­de­ments au texte
https://www.infir­miers.com/pro­fes­sion-ide/actua­lite-sociale/loi-infir­miere-le-snpi-soumet-plu­sieurs-amen­de­ments-au-texte
 Loi infir­mière : les amen­de­ments majeurs du SNPI
https://www.san­te­men­tale.fr/2025/02/loi-infir­miere-les-amen­de­ments-majeurs-du-snip/
 https://www.lin­ke­din.com/pulse/assembl%C3%A9e-natio­nale-audi­tion-du-snpi-par-la-des-sur-loi-amou­roux-7lw2c/
 https://www.lin­ke­din.com/posts/infir­miers.com_loi-infirmi%C3%A8re-le-snpi-soumet-plu­sieurs-acti­vity-7300171198636740608-YpYc/?ori­gi­nal­Sub­do­main=fr

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