CNPI : Investir dans la formation des infirmières

8 novembre 2024

Le Conseil National Professionnel Infirmier (CNPI) a publié son avis "Investir dans la formation des infirmières : pourquoi maintenant et comment ?" Le CNPI est composé de 19 organisations professionnelles nationales (associations, sociétés savantes, syndicats) dont le SNPI.

La pro­fes­sion infir­mière a su prou­ver son rôle essen­tiel au cœur du sys­tème de santé fran­çais, notam­ment pen­dant la pan­dé­mie de COVID-19. Pourtant, malgré une contri­bu­tion lar­ge­ment reconnue, l’accès direct aux soins pro­di­gués par les infir­miè­res n’est tou­jours pas ins­crit dans le Code de santé publi­que et cette absence inter­roge…

Dans le cadre des tra­vaux ana­ly­ti­ques natio­naux et inter­na­tio­naux qu’il mène depuis 2020 et de sa mis­sion d’avis au béné­fice du ser­vice public de la santé, le Conseil National Professionnel Infirmier (CNPI) pro­pose une série de pré­co­ni­sa­tions pour ren­for­cer la place des infir­miè­res géné­ra­lis­tes dans le sys­tème de santé, en sou­te­nant l’attrac­ti­vité du métier et en adap­tant les for­ma­tions aux besoins actuels et futurs.

Connaissances et com­pé­ten­ces versus durée de la for­ma­tion ini­tiale, pre­mière prise de poste une fois diplô­mée et main­tien en exer­cice infir­mier

Pour répon­dre à ces enjeux, le CNPI pré­co­nise d’aug­men­ter la durée de la for­ma­tion infir­mière à quatre années uni­ver­si­tai­res (240 ECTS), pour un dis­po­si­tif inno­vant tenant compte des cons­tats d’aban­don (durant les études ou dans les pre­miè­res années post diplo­ma­tion) et de durée moyenne d’exer­cice d’une infir­mière diplô­mée. Cette pro­po­si­tion vise à ren­for­cer le pro­ces­sus de pro­fes­sion­na­li­sa­tion et l’acqui­si­tion des com­pé­ten­ces néces­sai­res en situa­tions pour faire face aux défis de santé actuels (santé com­mu­nau­taire, vieillis­se­ment de la popu­la­tion, mala­dies chro­ni­ques, trou­bles psy­chi­ques, pré­ca­rité, crises géo­po­li­ti­ques, cli­ma­ti­ques et sani­tai­res etc).

En confor­mité avec la direc­tive euro­péenne (4600h), cette évolution s’ins­crit dans un contexte euro­péen où de nom­breux pays for­ment les infir­miè­res sur quatre ans selon dif­fé­ren­tes moda­li­tés sur les­quel­les le CNPI pré­co­nise de s’ins­pi­rer pour restruc­tu­rer le réfé­ren­tiel de for­ma­tion fran­çais et pren­dre en compte les aler­tes de l’Union euro­péenne sur son défi­cit actuel de 400 heures. Ce manque se fait par­ti­cu­liè­re­ment sentir dans des domai­nes comme la psy­chia­trie, la santé men­tale, la pédia­trie et les soins cri­ti­ques.

Outre la fonc­tion tuto­rale à sanc­tua­ri­ser dans les milieux cli­ni­ques, le CNPI pré­co­nise une qua­trième année de pro­fes­sion­na­li­sa­tion sur le modèle du « méde­cin junior » pour conso­li­der l’appren­tis­sage aca­dé­mi­que et pra­ti­que en milieux cli­ni­ques, leviers d’employa­bi­lité et de fidé­li­sa­tion. Une année sup­plé­men­taire offri­rait une for­ma­tion plus abou­tie, per­met­tant :
  aux étudiants 4ème année en statut « infir­mière junior » d’appré­hen­der les spé­ci­fi­ci­tés de milieux d’exer­cice vers les­quels se por­tent leurs sou­haits d’orien­ta­tion pro­fes­sion­nelle,
  aux infir­miè­res diplô­mées de jouer un rôle encore plus cen­tral dans l’éducation à la santé, les soins pri­mai­res et com­mu­nau­tai­res, la pré­ven­tion des mala­dies et la pro­mo­tion du bien-être, contri­buant à réduire le nombre d’hos­pi­ta­li­sa­tions et de consul­ta­tions médi­ca­les, ce qui engen­dre­rait des économies signi­fi­ca­ti­ves pour le sys­tème de santé et une opti­mi­sa­tion de l’offre de soins en proxi­mité dans tous les ter­ri­toi­res.

Loi et décret d’appli­ca­tion - Définition de la pro­fes­sion infir­mière

Le CNPI sou­li­gne l’impor­tance de conser­ver une régle­men­ta­tion de haut niveau pour enca­drer l’exer­cice de sa pro­fes­sion de santé régle­men­tée à ordre. Cela inclut de main­te­nir un décret en Conseil d’État pour défi­nir les gran­des mis­sions des infir­miè­res, corol­laire d’une loi pré­ci­sant des points cen­traux de la pro­fes­sion :
  Le rôle propre de l’infir­mière, défi­nis­sant son auto­no­mie dans la mise en œuvre des com­pé­ten­ces « cœur de métier » ;
  Un réfé­ren­tiel de for­ma­tion décliné en fonc­tion des domai­nes de com­pé­ten­ces avec les acti­vi­tés et com­pé­ten­ces requi­ses pour la déli­vrance d’un diplôme réser­vant les inter­ven­tions et gestes régle­men­tés aux seules infir­miè­res ;
  La dimen­sion col­lec­tive cen­trale en matière de santé com­mu­nau­taire et de prise en soins d’un groupe de popu­la­tion (santé publi­que/pro­mo­tion de la santé/éducation) ;
  Une défi­ni­tion des Sciences infir­miè­res regrou­pant les connais­san­ces aca­dé­mi­ques, scien­ti­fi­ques, tech­ni­ques, cli­ni­ques, éthiques et pra­ti­ques néces­sai­res à l’exer­cice.

Le CNPI pré­co­nise la créa­tion d’un accès direct aux soins infir­miers, reconnais­sant les infir­miè­res comme pro­fes­sion­nel­les de pre­mier recours dans les soins de santé pri­mai­res. En l’ins­cri­vant dans un nouvel arti­cle du Code de santé publi­que, on per­met­trait aux citoyen.nes de les consul­ter direc­te­ment pour des inter­ven­tions spé­ci­fi­ques, dans des domai­nes où elles ont déve­loppé des com­pé­ten­ces.

Le CNPI pré­co­nise l’offi­cia­li­sa­tion de la consul­ta­tion infir­mière, déjà en place dans plu­sieurs sec­teurs d’exer­cice mais encore limi­tée par des cadres régle­men­tai­res.

Missions de l’infir­mière

L’actua­li­sa­tion des mis­sions de l’infir­mière fait partie du projet de loi et de décret infir­mier. Parmi ses pré­co­ni­sa­tions en la matière, le CNPI sou­li­gne le rôle clé des infir­miè­res dans la tran­si­tion écologique, enjeu de plus en plus impor­tant dans le sec­teur de la santé. En tant qu’actri­ces de proxi­mité et par l’inté­gra­tion des pra­ti­ques écoresponsables dans leur quo­ti­dien, elles contri­buent à la dura­bi­lité du sys­tème de santé tout en sen­si­bi­li­sant les popu­la­tions à ces enjeux.

Par ailleurs, les infir­miè­res, qu’elles exer­cent en libé­ral ou en sec­teur sala­rié, sont sou­vent res­pon­sa­bles de la ges­tion admi­nis­tra­tive, finan­cière et orga­ni­sa­tion­nelle, s’addi­tion­nant à leurs acti­vi­tés cli­ni­ques. Afin de sou­te­nir ces res­pon­sa­bi­li­tés, il est cru­cial de ren­for­cer ces com­pé­ten­ces dès la for­ma­tion ini­tiale, et de les appro­fon­dir au cours de la car­rière pro­fes­sion­nelle.

L’encou­ra­ge­ment à une appro­che col­la­bo­ra­tive et plu­ri­pro­fes­sion­nelle, notam­ment dans le cadre de réseaux de soins, est également fon­da­men­tal. Cette dyna­mi­que permet de maxi­mi­ser l’effi­ca­cité des soins tout en opti­mi­sant l’orga­ni­sa­tion des struc­tu­res de santé comme l’accé­lé­ra­tion du virage domi­ci­liaire.

Santé per­son­nelle des infir­miè­res

La santé des infir­miè­res est un enjeu cen­tral pour la qua­lité des soins qu’elles pro­di­guent. Les niveaux de com­plexité des situa­tions de soins et les ris­ques liés aux condi­tions de tra­vail sont des pro­blè­mes récur­rents maillant la pra­ti­que infir­mière. Le stress, les vio­len­ces ver­ba­les et phy­si­ques, ainsi que les situa­tions de har­cè­le­ment, sont sou­vent exa­cer­bées par des condi­tions de tra­vail dif­fi­ci­les.
Savoir reconnaî­tre ces ris­ques, savoir à qui s’adres­ser, et com­ment pré­ve­nir ces situa­tions, fait partie des com­pé­ten­ces socle que le CNPI sou­haite ren­for­cer dans la for­ma­tion des infir­miè­res.

Le CNPI insiste sur l’impor­tance de pro­mou­voir la santé per­son­nelle des soi­gnants dès leur for­ma­tion ini­tiale et tout au long de la car­rière, tel qu’ins­crit dans l’axe 4 de la cer­ti­fi­ca­tion pério­di­que des pro­fes­sion­nels de santé, sti­pu­lant l’obli­ga­tion de main­te­nir et d’amé­lio­rer la santé per­son­nelle des pro­fes­sion­nels.
Parce que le sen­ti­ment d’appar­te­nance et la capa­cité à se sentir « com­pé­tent et en sécu­rité » pour ana­ly­ser, déci­der et effec­tuer les acti­vi­tés de soins dont on a la res­pon­sa­bi­lité en sont également partie pre­nante, l’année junior pré­co­ni­sée par le CNPI s’ins­crit comme l’une de ces actions concou­rant à la santé per­son­nelle de l’infir­mière novice.

En syn­thèse, inves­tir dans la for­ma­tion des infir­miè­res : pour­quoi main­te­nant et com­ment ?

Les pré­co­ni­sa­tions du CNPI, ont pour ambi­tion, afin de réus­sir la trans­for­ma­tion ciblée via la réforme régle­men­taire en cours, de faire notam­ment conver­ger les dis­po­si­tifs de for­ma­tion ini­tiale uni­ver­si­taire et d’adap­ta­tion à l’emploi :
  Répondre aux besoins de santé crois­sants des popu­la­tions et des col­lec­ti­vi­tés grâce à un par­cours pro­fes­sion­na­li­sant infir­mier inno­vant, notam­ment de for­ma­tion adap­tée aux nou­veaux défis, conçue en tra­jec­toire ;
  Innover en matière de dis­po­si­tifs pro­fes­sion­na­li­sants par une conduite de projet sys­té­mi­que inter­mi­nis­té­rielle, pre­nant en compte les étapes char­niè­res d’inves­tis­se­ment et de main­tien à l’emploi notam­ment l’entrée en for­ma­tion ini­tiale et le séquen­çage jusqu’au diplôme, la période clé de la pre­mière prise de poste puis de la conti­nuité du par­cours pro­fes­sion­nel.

Reconnaitre, déve­lop­per et conser­ver les com­pé­ten­ces infir­miè­res en exer­cice com­plé­men­tai­res à celles des autres pro­fes­sions, autant de leviers pour cette réforme poli­ti­que­ment ambi­tieuse, garan­tis­sant dans tous les ter­ri­toi­res l’équilibre d’un sys­tème de santé pérenne pour les géné­ra­tions futu­res.

Source : https://cnp-infir­mier.fr/?Investir-dans-la-for­ma­tion-des-infir­mie­res-pour­quoi-main­te­nant-et-com­ment

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