Compte pénibilité : reconnaissance et réparation à la retraite

29 septembre 2013

A l’occa­sion de la réforme des retrai­tes 2013, le Gouvernement pro­pose la créa­tion d’un « compte per­son­nel de pré­ven­tion de la péni­bi­lité » pour les sala­riés du privé.

Selon le projet de loi « Le prin­cipe de ce compte est simple : tout sala­rié exposé à au moins un fac­teur de péni­bi­lité (parmi les dix défi­nis à l’arti­cle D. 4121-5 du code du tra­vail) voit son compte cré­dité d’un point par tri­mes­tre d’expo­si­tion, ou de deux points en cas d’expo­si­tion simul­ta­née à plu­sieurs fac­teurs de péni­bi­lité.
Le sala­rié peut ensuite uti­li­ser ses points, soit pour suivre une for­ma­tion lui per­met­tant d’accé­der à un emploi non péni­ble, soit pour tra­vailler à temps par­tiel à la fin de sa car­rière en conser­vant sa rému­né­ra­tion, soit enfin, pour partir à la retraite jusqu’à deux ans plus tôt que ce que le droit commun lui per­met­trait.
 ».

Pour le SNPI CFE-CGC, cette mesure est « un plus » pour les infir­miè­res du sec­teur privé, dont la péni­bi­lité n’est aucu­ne­ment prise en compte aujourd’hui. Mais avec un gain maxi­mal de deux années sur l’âge de départ en retraite, la mesure demeure limi­tée. Et sa mise en œuvre risque d’être com­plexe.

La pro­fes­sion infir­mière cumule plu­sieurs des 10 fac­teurs de péni­bi­lité au tra­vail : le port manuel de char­ges avec la manu­ten­tion de patients, le tra­vail de nuit, le tra­vail en équipes suc­ces­si­ves alter­nan­tes et l’expo­si­tion à des agents chi­mi­ques dan­ge­reux comme les chi­mio­thé­ra­pies.

En recons­ti­tuant la car­rière d’une infir­mière, il est rela­ti­ve­ment facile de savoir com­bien de tri­mes­tres elle a tra­vaillé de nuit, en géria­trie (manu­ten­tion) ou en can­cé­ro­lo­gie (chi­mio­thé­ra­pies). Mais com­ment qua­li­fier tel ser­vice de méde­cine interne qui traite beau­coup de per­son­nes âgées ou pra­ti­que des chi­mio­thé­ra­pies ?

Nocivité établie pour le tra­vail noc­turne

Les études scien­ti­fi­ques sont sans appel : notre hor­loge bio­lo­gi­que est per­tur­bée, et le défi­cit chro­ni­que de som­meil maxi­mise le risque d’acci­dent. Travailler de nuit a donc des consé­quen­ces immé­dia­tes sur la baisse de la vigi­lance et les trou­bles du som­meil.

Mais aussi des effets à plus long terme :
 le risque car­dio­vas­cu­laire est accru de 40% pour les tra­vailleurs noc­tur­nes.
 l’étude fran­çaise CECILE (Inserm, 2012) a montré que le risque de cancer du sein était aug­menté d’envi­ron 30% chez les femmes ayant tra­vaillé de nuit par rap­port aux autres femmes et cela était encore plus mar­quée lors­que le tra­vail noc­turne avait duré plus de 4 ans.
 le Centre inter­na­tio­nal de recher­che sur le cancer (CIRC) a classé dès 2007 le tra­vail de nuit comme fac­teur « pro­ba­ble­ment can­cé­ro­gène ».

Le fac­teur de péni­bi­lité « tra­vail de nuit » n’est pas évitable dans le sec­teur de la santé. La ques­tion ne peut donc pas être réglée par la pré­ven­tion, car per­sonne n’envi­sage de lais­ser les mala­des seuls la nuit. Il faut donc com­pen­ser au mom­ment de la retraite.

Pour le SNPI, la reconnais­sance de la péni­bi­lité du tra­vail de nuit doit passer par un départ anti­cipé à la retraite.

La péni­bi­lité de la pro­fes­sion est démon­trée par les études CNRACL

Selon le rap­port d’acti­vité de la Caisse natio­nale de retrai­tes des agents des col­lec­ti­vi­tés loca­les (CNRACL), qui gère les retrai­tés des fonc­tions publi­ques Hospitalière et Territoriale :
 "la conces­sion d’une rente d’inva­li­dité concerne 9,8% des nou­vel­les pen­sions hos­pi­ta­liè­res accor­dées en 2008".
 l’âge moyen des femmes hos­pi­ta­liè­res retrai­tées décé­dées en 2008 est de 78,8 ans, soit envi­ron 22 ans après leur départ à la retraite.

La péni­bi­lité de l’exer­cice est donc un fait objec­tif attesté par de nom­breux indi­ca­teurs CNRACL :
 une infir­mière sur cinq part à la retraite avec un taux d’inva­li­dité reconnu,
 les infir­miè­res retrai­tées meu­rent à 78 ans au lieu de 85 ans pour les femmes fran­çai­ses : à l’âge de la retraite, une infir­mière a en moyenne 7 ans d’espé­rance de vie en moins par rap­port à la moyenne des femmes en France.

Dans 10 ans, la péni­bi­lité ne sera plus reconnue aux infir­miè­res du public

Dans le sec­teur public, avant 2010, les infir­miè­res étaient toutes en « caté­go­rie active », ce qui leur per­met­tait de partir à la retraite cinq ans plus tôt.

Lors de la réforme de 2010, suite à un chan­tage « salaire ou retraite », la majo­rité des infir­miè­res a pré­féré partir en retraite à 57 ans, plutôt que d’avoir un meilleur salaire en pas­sant en caté­go­rie A.
 C’est essen­tiel­le­ment les moins de 35 ans qui ont fait le choix de passer en A, car il risque d’y avoir bien autres réfor­mes des retrai­tes avant qu’elles attei­gnent l’âge néces­saire !
 A contra­rio, les plus de 45 ans sont res­tées en caté­go­rie B, car la hausse sala­riale est étalée jusqu’à juillet 2015, elles auraient donc béné­fi­cié d’un faible gain sala­ria et perdu beau­coup plus sur le mon­tant de leur pen­sion.

Dans 10 ans, les infir­miè­res en caté­go­rie B seront pres­que toutes en retraite, alors que celles recru­tées dans le public depuis décem­bre 2010 sont toutes obli­ga­toi­re­ment en caté­go­rie A. Elles n’ont donc ni la « caté­go­rie active », ni la boni­fi­ca­tion d’une année pour 10 ans d’exer­cice. La péni­bi­lité ne sera plus reconnue aux infir­miè­res du sec­teur public.

La remise en cause de la péni­bi­lité de la pro­fes­sion a été très mal vécue. Cela revient à dire à des gens qui sont crevés que leur pro­fes­sion n’est plus péni­ble du jour au len­de­main.

Bonification d’une année pour dix ans d’exer­cice pro­fes­sion­nel

En effet, la loi sur la péni­bi­lité à la pro­fes­sion infir­mière, accor­dant une boni­fi­ca­tion d’une année pour 10 ans d’exer­cice, ne date pas des loco­mo­ti­ves à vapeur. Elle a été votée en 2003 lors­que François Fillon était minis­tre des affai­res socia­les, et reti­rée sept ans plus tard en 2010 par le gou­ver­ne­ment du même François Fillon.

Nous avons ainsi aujourd’hui dans un même ser­vice des infir­miè­res qui font le même tra­vail, mais avec deux grilles sala­ria­les (caté­go­rie A ou B) et trois âges de départ en retraite (57, 60 ou 62 ans selon le droit d’option de 2010).

Pour le SNPI, la « boni­fi­ca­tion d’une année pour 10 ans d’exer­cice » doit être accor­dée à toute infir­mière sala­riée (public et privé).

La logi­que du projet de réforme des retrai­tes passe d’une péni­bi­lité de métier à une péni­bi­lité indi­vi­duelle. Chacune à du sens, elles ne doi­vent pas s’oppo­ser.

La péni­bi­lité de métierest évidente : un égoutier à de pires condi­tions de tra­vail qu’un employé de bureau. La péni­bi­lité de la pro­fes­sion infir­mière a été démon­trée par de nom­breu­ses études.

Que l’on soit en caté­go­rie A ou B, dans le public ou dans le privé, les condi­tions de tra­vail sont les mêmes. Il serait aber­rant que pour un même métier coexis­tent des âges de départ à la retraite dif­fé­rents. Cette réforme doit être l’occa­sion de rai­son­ner par pro­fes­sion et non par sec­teur d’acti­vité ou conven­tion col­lec­tive. D’autant plus que les jeunes IDE pas­sent régu­liè­re­ment d’un exer­cice à l’autre.

La péni­bi­lité indi­vi­duelle a aussi sa logi­que : la péni­bi­lité n’est pas la même pour une infir­mière de nuit que pour une infir­mière en consul­ta­tion.

Pour le SNPI, le « compte per­son­nel de pré­ven­tion de la péni­bi­lité » doit être accordé à toute infir­mière sala­riée (public et privé).

Voir également :
 http://www.espa­cein­fir­mier.com/actua­li­tes/detail/70190-publi­ca­tion-1/une-peti­tion-pour-la-reconnais­sance-de-la-peni­bi­lite-infir­miere.html
 http://www.jim.fr/en_direct/pro_societe/e-docs/00/02/28/D4/docu­ment_actu_pro.phtml
 http://www.infir­miers.com/actua­li­tes/revue-de-presse/une-peti­tion-pour-la-peni­bi­lite-des-soi­gnants-dans-le-sec­teur-public.html
 Pénibilité et Travail de nuit
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Penibilite-et-Travail-de-nuit.html
 Pénibilité : compte per­son­nel de pré­ven­tion
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Penibilite-compte-per­son­nel-de.html
 Prévention des ris­ques pro­fes­sion­nels : orien­ta­tion santé
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Prevention-des-ris­ques.html
 Pénibilité du tra­vail en hôpi­tal psy­chia­tri­que
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Penibilite-du-tra­vail-en-hopi­tal.html
 Travail de nuit : impact sur les condi­tions de vie des sala­riés
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Travail-de-nuit-impact-sur-les.html
 Pénibilité infir­mière : les contre-véri­tés de Bachelot
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Penibilite-infir­miere-les-contre.html

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