Deux ans de formation réduits à 21 heures : le diplôme IBODE vient-il de perdre tout son sens ?

12 novembre 2024

Le décret du 23 octo­bre 2024 sus­cite une onde de choc parmi les infir­miers de bloc opé­ra­toire diplô­més et les étudiants. Ce texte légis­la­tif intro­duit une nou­velle pro­cé­dure par laquelle des infir­miers diplô­més d’État, sans la spé­cia­li­sa­tion IBODE, peu­vent être habi­li­tés à réa­li­ser des actes aupa­ra­vant réser­vés aux spé­cia­lis­tes du bloc opé­ra­toire. Une simple for­ma­tion de 21 heures ouvre désor­mais cet accès, là où il fal­lait jusqu’alors vali­der un cursus de quatre semes­tres com­pre­nant 1 645 heures de for­ma­tion cli­ni­que et 35 semai­nes de théo­rie. Cette réduc­tion radi­cale de la durée de for­ma­tion pose des ques­tions cru­cia­les sur le niveau de tech­ni­cité et d’exper­tise des soins dis­pen­sés, et sur la sécu­rité des patients au sein du bloc opé­ra­toire.

Cette équivalence expé­di­tive, octroyée sur la base de l’ancien­neté et dès une seule année d’expé­rience en bloc opé­ra­toire, sou­lève l’indi­gna­tion du SNPI. "Les acquis pro­fes­sion­nels d’un infir­mier après un an de pra­ti­que, aussi enga­gés soient-ils, ne rem­pla­cent pas la for­ma­tion rigou­reuse et com­plète que requiert la spé­cia­lité IBODE. Pour les pro­fes­sion­nels, cette sim­pli­fi­ca­tion cons­ti­tue une déva­lo­ri­sa­tion grave du diplôme et un signal inquié­tant pour la qua­lité des soins. Les étudiants et infir­miers formés expri­ment leur colère face à cette réforme qui semble remet­tre en ques­tion l’impor­tance de leur for­ma­tion appro­fon­die et leur exper­tise (Diplôme de grade Master)" alerte Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers SNPI.

Pire encore, aucune obli­ga­tion de pour­suite de la for­ma­tion vers le diplôme IBODE n’accom­pa­gne ce décret. L’absence de sou­tien struc­tu­rel et de pers­pec­ti­ves pour encou­ra­ger les infir­miers à pour­sui­vre leur spé­cia­li­sa­tion enferme nombre d’entre eux dans un statut ambigu. Les oppor­tu­ni­tés de for­ma­tion conti­nue pour deve­nir IBODE ris­quent d’être refu­sées ou ren­dues inac­ces­si­bles, créant ainsi un bloc opé­ra­toire où l’évolution des com­pé­ten­ces est frei­née. La consé­quence directe ? Une homo­gé­néi­sa­tion à la baisse des stan­dards pro­fes­sion­nels et l’affai­blis­se­ment des bonnes pra­ti­ques qui font la répu­ta­tion des équipes opé­ra­toi­res.

Dans ce contexte, les inquié­tu­des des pro­fes­sion­nels s’inten­si­fient. Comment garan­tir que cette mesure pro­vi­soire ne devienne pas la norme ? Les pré­cé­dents his­to­ri­ques ont montré que les dis­po­si­tifs tran­si­toi­res, une fois adop­tés, s’étendent sou­vent au-delà de leur durée ini­tia­le­ment prévue, fra­gi­li­sant ainsi des années de cons­truc­tion pro­fes­sion­nelle. Le contrat d’enga­ge­ment, censé sécu­ri­ser le dis­po­si­tif et ras­su­rer la pro­fes­sion, a pour l’ins­tant eu l’effet inverse : il attise la méfiance et ali­mente la colère des soi­gnants, qui y voient une ten­ta­tive de légi­ti­mer une déqua­li­fi­ca­tion pro­gres­sive.

Les ques­tions sou­le­vées par cette réforme vont au-delà des préoc­cu­pa­tions cor­po­ra­tis­tes. Dans un sec­teur où la pré­ci­sion et la sécu­rité sont essen­tiel­les, la raré­fac­tion des IBODE, conju­guée à la pré­sence d’infir­miers moins spé­cia­li­sés, pour­rait avoir des réper­cus­sions tan­gi­bles sur la prise en charge des patients. À quel prix les patients, eux aussi, devront-ils payer ce choix d’abais­ser la barre des com­pé­ten­ces ? Combien de temps faudra-t-il avant que des inci­dents liés à cette déqua­li­fi­ca­tion appa­rais­sent ?

Ce nou­veau décret pré­voit un nou­veau dis­po­si­tif tran­si­toire qui permet aux IDE de réa­li­ser, à titre déro­ga­toire, l’ensem­ble des actes et acti­vi­tés réser­vés aux IBODE depuis le décret de 2015. Il élargit ainsi à 10 actes le dis­po­si­tif d’auto­ri­sa­tion tran­si­toire intro­duit par le décret de 2019, qui per­met­tait aux infir­miers géné­ra­lis­tes de pra­ti­quer trois actes exclu­sifs (aide à l’expo­si­tion, à l’hémo­stase et à l’aspi­ra­tion).

Dans un contexte où la qua­lité des soins est une prio­rité incontour­na­ble, le choix d’allé­ger les exi­gen­ces de for­ma­tion pour des rai­sons pra­ti­ques (voire finan­ciè­res) laisse entre­voir des pers­pec­ti­ves trou­bles. L’avenir des blocs opé­ra­toi­res se des­sine-t-il avec moins d’infir­miè­res spé­cia­li­sées et plus de ris­ques ?

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