Ebola : le prix de l’indifférence occidentale

15 septembre 2014

Réaction de Gyslaine Desrosiers, Présidente du Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone. Lettre d’opinion de la présidente du SIDIIEF, publiée dans le Journal Le Devoir (Canada) le 12 septembre 2014.

Depuis quel­ques semai­nes, les cris d’alarme se suc­cè­dent sur la scène inter­na­tio­nale pour nous rap­pe­ler que plu­sieurs pays afri­cains sont aux prises avec la pire épidémie d’Ebola jamais sur­ve­nue. Joanne Liu, pré­si­dente de Médecins sans fron­tiè­res (MSF), décla­rait le 2 sep­tem­bre à l’ONU que cette épidémie deve­nait incontrô­la­ble dans les trois pays gra­ve­ment tou­chés : la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone. Pourtant, tout était pré­vi­si­ble, mais c’est si loin l’Afrique !

Le 6 sep­tem­bre, les sta­tis­ti­ques dénom­braient 2097 morts sur 3944 cas connus. Les femmes étant soi­gnan­tes natu­rel­les sont plus tou­chées que les hommes. L’OMS estime qu’au moins 20 000 per­son­nes seront attein­tes et qu’il faudra encore de six à neuf mois pour jugu­ler l’épidémie. La léta­lité de cette souche virale s’élève à plus de 50 %.

The Economist rap­porte qu’une cen­taine de soi­gnants sont décé­dés en raison d’un manque de gants et autres mesu­res pro­tec­tri­ces. Dans les cir­cons­tan­ces, les pro­fes­sion­nels du monde entier (méde­cins et infir­miers) ne se bous­cu­lent pas aux portes pour venir appor­ter leur aide.

Il est notoire que les infra­struc­tu­res sani­tai­res sont mini­ma­les, voire inexis­tan­tes dans ces pays. L’ONG Action contre la faim se désole de man­quer d’eau de Javel ! L’OMS réclame des fonds pour les soi­gnants locaux qui sou­vent ne voient pas la cou­leur d’un chèque de paie.

Drame humain

Les scènes dra­ma­ti­ques d’un patient qui se sauve de l’hôpi­tal ou encore de sur­vi­vants exclus de leur vil­lage met­tent un visage humain sur toutes ces sta­tis­ti­ques. MSF décla­rait que faute de places dans les cen­tres de soins sur­peu­plés, les mala­des meu­rent chez eux et qu’« en Sierra Leone, les cada­vres, hau­te­ment infec­tieux, pour­ris­sent dans les rues ». On ne voit pas cela dans les médias. Les fron­tiè­res de ces pays sont fer­mées, et les vols inter­rom­pus. Bref, c’est la qua­ran­taine.

La Banque mon­diale a promis 200 mil­lions de dol­lars, et la Commission euro­péenne 140 mil­lions d’euros. Les États-Unis enver­ront des mili­tai­res en ren­fort et le Canada a ins­tallé un labo­ra­toire mobile en Sierra Leone. Mais on sait bien qu’il s’agit là de mesu­res ad hoc sans effet à long terme et pro­ba­ble­ment insuf­fi­san­tes. Nous voilà reve­nus au temps de la peste et du cho­léra dans ces pays. La Sierra Leone impo­sera le confi­ne­ment à domi­cile de toute la popu­la­tion pen­dant trois jours, du 19 au 21 sep­tem­bre ! Après cette crise, ces pays seront encore plus pau­vres et les orphe­lins plus nom­breux.

Depuis que j’ai visité, en 2000, des ins­tal­la­tions de soins dans quel­ques pays afri­cains, je ne puis m’empê­cher de penser que, tôt ou tard, les pays déve­lop­pés paie­ront cher leur indif­fé­rence pour la souf­france des Africains. À l’ère de la cir­cu­la­tion inten­sive au plan inter­na­tio­nal, les bac­té­ries et virus voya­gent.

Dans ces pays pau­vres, la proxi­mité avec les ani­maux et le manque d’inves­tis­se­ments dans les mesu­res de santé publi­que créent des condi­tions favo­ra­bles à de nou­veaux virus. Ça n’existe plus, une mala­die afri­caine ! Le sous-déve­lop­pe­ment s’avère un ter­reau fer­tile pour l’appa­ri­tion d’épidémies mon­dia­les.

Réaction de Gyslaine Desrosiers, Présidente du Secrétariat inter­na­tio­nal des infir­miè­res et infir­miers de l’espace fran­co­phone. Lettre d’opi­nion de la pré­si­dente du SIDIIEF, publiée dans le Journal Le Devoir (Canada) le 12 sep­tem­bre 2014. http://www.lede­voir.com/inter­na­tio­nal/actua­li­tes-inter­na­tio­na­les/418219/ebola-le-prix-de-l-indif­fe­rence-occi­den­tale

http://www.you­tube.com/watch?v=bOGyc_CD_ec

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