Éthique médicale et justice sociale : Faire face aux inégalités de santé

24 avril 2011

Depuis Hippocrate, la volonté de sou­la­ger le patient et de ne pas lui nuire sont deux prin­ci­pes cen­traux de l’éthique des soi­gnants. Un troi­sième prin­cipe, le res­pect de l’auto­no­mie du patient et du pra­ti­cien, permet de défi­nir des droits et devoirs mutuels (1).

Des repré­sen­tants de l’Association des facultés de méde­cine des États-Unis d’Amérique sou­li­gnent l’impor­tance d’un qua­trième pilier, l’exi­gence de jus­tice sociale, inclus dans l’ensei­gne­ment de l’éthique médi­cale outre-Atlantique. Pour eux, ce der­nier prin­cipe fait l’objet d’une atten­tion insuf­fi­sante par rap­port aux trois autres (1).

La jus­tice sociale, un qua­trième pilier de l’éthique médi­cale trop peu pris en compte. Ces uni­ver­si­tai­res sou­li­gnent que, selon le phi­lo­so­phe étatsunien John Rawls, la jus­tice com­porte deux fon­de­ments : la recher­che par les indi­vi­dus du maxi­mum de liberté doit être com­pa­ti­ble avec le même degré de liberté pour tous ; des iné­ga­li­tés orga­ni­sées de façon déli­bé­rée sont injus­tes à moins qu’elles ne soient établies à l’avan­tage de ceux qui ont le moins de moyens (1).

Ils regret­tent que le sys­tème de santé étatsunien n’intè­gre pas suf­fi­sam­ment ce fon­de­ment de la jus­tice sociale, en ne recher­chant pas assez acti­ve­ment l’amé­lio­ra­tion de la santé des plus pau­vres. Ils déplo­rent que cer­tains fac­teurs aillent plutôt en sens inverse, notam­ment la culture de l’indi­vi­dua­lisme et la ten­dance de nom­breux méde­cins à recher­cher le maxi­mum de reve­nus (1).

Ces uni­ver­si­tai­res esti­ment que l’éthique médi­cale reste incom­plète tant que les soi­gnants ne se sont pas impli­qués dans des poli­ti­ques de réduc­tion des iné­ga­li­tés, y com­pris au détri­ment de leur propre inté­rêt économique (1).

Développer l’enga­ge­ment médi­cal vers plus de jus­tice sociale. La capa­cité à défen­dre des droits col­lec­tifs de per­son­nes dému­nies mala­des impli­que d’autres apti­tu­des que celles mises en œuvre dans la cli­ni­que au lit du malade.

Savoir dénon­cer des situa­tions inac­cep­ta­bles et contri­buer à faire des pro­po­si­tions et agir devrait, selon ces uni­ver­si­tai­res, être abordé au sein des études médi­ca­les. Ils notent que 88 % des étudiants décla­rent lors de leur ins­crip­tion sou­hai­ter par­ti­ci­per à des ser­vi­ces com­mu­nau­tai­res ou des mou­ve­ments enga­gés. Ces repré­sen­tants de l’asso­cia­tion des facultés de méde­cine étatsuniennes plai­dent pour que l’on per­mette aux étudiants de déve­lop­per cette pré­dis­po­si­tion de façon inté­grée à leur cursus (1).

Cette réflexion sur la jus­tice sociale vaut pour tous les pays (2). Quand de plus en plus de don­nées, rap­por­tées notam­ment par l’Organisation mon­diale de la santé, met­tent en évidence un lien entre iné­ga­li­tés de santé et iné­ga­li­tés économiques et socia­les, les soi­gnants ne sau­raient satis­faire com­plè­te­ment à l’éthique médi­cale sans tra­vailler à plus de jus­tice sociale (3).

Source : Rev Prescrire 2010 ; 30 (326) : 931.
http://www.pres­crire.org/Fr/2/94/46653/0/PositionDetails.aspx

Extraits de la veille docu­men­taire Prescrire.
 1- Kirch DG et Vernon DJ “The ethi­cal foun­da­tion of American Medicine, in search of social jus­tice” JAMA 2009 ; 301 (14) : 1482-1484 et 302 (12) : 1269-1270.
 2- Gonthier F et coll. “Justice sociale et action publi­que. Des prin­ci­pes à leur mise en œuvre” Problèmes poli­ti­ques et sociaux, La docu­men­ta­tion Française 2008 ; (949-950) : 168 pages.
 3- Prescrire Rédaction “Lutter contre les iné­ga­li­tés socioé­co­no­mi­ques pour amé­lio­rer la santé” Rev Prescrire 2010 ; 30 (322) : 568-570.

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