Huitième ministre de la Santé en 2 ans. Mais toujours pas de solutions pour les infirmières
22 septembre 2024
Un nouveau visage, une nouvelle promesse. Le personnel soignant voit défiler les ministres de la Santé à une vitesse vertigineuse. Mais derrière ce ballet politique, une réalité glaçante persiste : les conditions de travail des infirmières se dégradent chaque jour un peu plus.
Au micro de BFM, Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI), le rappelle sans détour : "C’est notre huitième ministre de la Santé en deux ans." Une phrase qui, à elle seule, résume le désarroi d’une profession au bord de la rupture.
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Le cœur du problème ?
Les hôpitaux sont à bout de souffle. Chaque jour, les soignants affrontent des services surchargés, des urgences débordées et un manque de soignants qui semble n’avoir aucune fin. Pendant ce temps, la population continue de subir les conséquences des déserts médicaux, ces zones où l’accès aux soins devient un véritable parcours du combattant. Les infirmières, en première ligne, crient leur exaspération, mais personne ne semble les entendre.
Année après année, les gouvernements se succèdent, les promesses se multiplient, mais les moyens n’arrivent pas. Pendant ce temps, les besoins des patients explosent, mais l’hôpital reste désespérément sous-financé. Comment soigner correctement quand les effectifs sont au plus bas et que chaque infirmière doit gérer une quinzaine de patients à la fois ? C’est une situation intenable, tant pour les soignants que pour ceux qu’ils doivent accompagner.
Les ratios, une solution qui fait ses preuves ailleurs
L’une des revendications phares des infirmières aujourd’hui est l’instauration de ratios de patients par infirmière. Cette solution, déjà en place dans certains états d’Australie et des USA, pourrait radicalement changer la donne en France. En Californie, l’instauration de ratios a permis non seulement d’améliorer la qualité des soins, mais aussi de réduire drastiquement l’épuisement professionnel. Plus de soignants pour chaque patient, c’est plus de temps pour des soins de qualité et une meilleure prise en charge globale.
En France, la proposition de loi instaurant des ratios a été adoptée à l’unanimité du Sénat en février 2023, mais n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ! Pendant ce temps, les services hospitaliers continuent de fonctionner à flux tendu, parfois avec deux fois plus de patients par infirmière que recommandé dans les normes internationales. Cela met en danger les patients eux-mêmes.
Une refonte nécessaire des textes régissant la profession infirmière
Mais ce n’est pas seulement sur les effectifs et les salaires que les infirmières concentrent leurs attentes. La profession demande une refonte profonde de son cadre réglementaire. Les textes qui régissent les missions des infirmiers, le décret d’exercice et les référentiels (d’activités, de compétences et de formation) datent d’une époque révolue. Aujourd’hui, les pratiques évoluent, les besoins des patients changent, mais la réglementation reste figée dans le temps.
Les infirmières attendent une mise à jour des textes qui encadrent leur profession, afin de reconnaître pleinement la diversité et la complexité de leurs missions. Que ce soit au sein des services hospitaliers, dans les EHPAD ou à domicile, les infirmières sont des professionnelles dont les compétences réelles dépassent largement le cadre réglementaire actuel. Elles sont en demande d’une reconnaissance à la hauteur de leur expertise.
Une profession en quête d’attractivité
Le manque d’attractivité est un autre problème de taille. Aujourd’hui, devenir infirmière n’attire plus comme avant. Le faible niveau des salaires, les horaires à rallonge, les conditions de travail déplorables et la surcharge constante dissuadent les nouvelles générations d’exercer cette profession pourtant essentielle. Les départs se multiplient, et l’hôpital se vide de ses forces vives. Un cercle vicieux que les gouvernements peinent à enrayer.
Pour inverser la tendance, il ne suffit plus d’améliorer quelques aspects ici et là. C’est toute une refonte du système hospitalier qui est nécessaire, une réforme globale qui englobe non seulement les salaires, mais aussi la reconnaissance professionnelle, les conditions de travail et les possibilités d’évolution de carrière. Car, à ce jour, l’hôpital public n’attire plus, avec 60.000 postes infirmiers vacants. Les soignants sont épuisés, démotivés, et les jeunes hésitent à s’engager dans une profession qui semble mener droit à l’épuisement.
La maltraitance institutionnelle
Au-delà des conditions matérielles, un mal insidieux gangrène le système hospitalier : la maltraitance institutionnelle. C’est un terme souvent utilisé par les soignants eux-mêmes pour décrire la pression constante qu’ils subissent, l’absence de reconnaissance, et l’inertie d’un système qui les broie petit à petit. Cette maltraitance, elle est omniprésente, et elle commence dès la formation. De jeunes infirmières témoignent régulièrement des difficultés rencontrées durant leurs études, où la surcharge de travail, le manque de soutien, et l’absence de valorisation les poussent parfois à abandonner avant même d’entrer dans le métier.
Pour celles qui franchissent le pas et intègrent les rangs des hôpitaux, la désillusion est souvent rapide. La promesse d’un métier noble, au service des autres, se heurte à la réalité brutale des conditions de travail. Les journées sont interminables, les effectifs insuffisants, et le manque de moyens fait que chaque soin devient une course contre la montre. Cette maltraitance institutionnelle a un coût humain immense, et elle explique en grande partie l’hémorragie de soignants dans les hôpitaux publics.
Et maintenant ?
Alors que Geneviève Darrieussecq prend les rênes du ministère de la Santé, les infirmières attendent des actes. Le temps des promesses est révolu. Ce qu’elles demandent, ce sont des moyens, des réformes structurelles, et une véritable reconnaissance de leur rôle central dans le système de santé. La profession est à bout, et sans réponse concrète, le risque est grand de voir l’hôpital public s’effondrer encore un peu plus.
La question est donc simple : cette huitième ministre de la Santé en deux ans (*) apportera t-elle les réponses que tout le monde attend ?
(*) depuis 2022 : Olivier Véran, Brigitte Bourguignon, François Braun, Aurélien Rousseau, Agnès Firmin-Le Bodo, Catherine Vautrin, Frédéric Valletoux, Geneviève Darrieussecq
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Voir également :
– sur BFM https://www.dailymotion.com/video/x961dwa
– https://x.com/BFMTV/status/1837777604696293835
– Geneviève Darrieussecq, nommée au ministère de la Santé et de l’Accès aux soins
https://www.infirmiers.com/profession-ide/actualite-sociale/genevieve-darrieussecq-nommee-au-ministere-de-la-sante-et-de-lacces-aux-soins
– Geneviève Darrieussecq : nouvelle pensionnaire du ministère de la Santé
https://www.actusoins.com/genevieve-darrieussecq-nouvelle-pensionnaire-du-ministere-de-la-sante.html
– Geneviève Darrieussecq : une nomination plutôt bien accueillie
https://www.jim.fr/viewarticle/genevi%C3%A8ve-darrieussecq-nomination-plut%C3%B4t-bien-2024a1000h8v
– ACCUEIL MITIGÉ POUR LA NOUVELLE MINISTRE DE LA PART DU MONDE INFIRMIER
https://www.espaceinfirmier.fr/actualites/accueil-glacial-pour-la-nouvelle-ministre-de-la-part-du-monde-infirmier.html
– Huitième ministre de la Santé, et toujours rien (Communiqué)
https://toute-la.veille-acteurs-sante.fr/224939/huitieme-ministre-de-la-sante-et-toujours-rien-communique/