L’infirmière, trait d’union entre l’ordonnance et la vraie vie

2 avril 2025

La moitié des patients aban­don­nent leur trai­te­ment en cours de route. L’obser­vance thé­ra­peu­ti­que reste l’un des angles morts de notre sys­tème de santé. Dans les mala­dies chro­ni­ques, elle pla­fonne à 50 %. Ce chif­fre relayé par l’OMS n’est pas une fata­lité bio­lo­gi­que, mais le reflet d’un accom­pa­gne­ment défaillant. Le trai­te­ment est pres­crit, les médi­ca­ments sont déli­vrés. Mais ensuite, que se passe-t-il ?

Entre les ordon­nan­ces et leur appli­ca­tion, il y a la vraie vie. Une vie avec ses horai­res de tra­vail, ses oublis, ses peurs, ses effets secondai­res, ses ques­tions qu’on n’a pas osé poser. Un patient peut vou­loir aller mieux, tout en arrê­tant son trai­te­ment. Non par défiance, mais parce qu’il ne com­prend pas ce qu’on attend de lui. Parce que les consi­gnes sont floues, ou trop contrai­gnan­tes. Parce qu’il n’a pas trouvé, face à lui, quelqu’un pour tra­duire le lan­gage médi­cal en choix de tous les jours.

Ce « quelqu’un », c’est sou­vent l’infir­mière. Pas un relais. Un repère. À domi­cile, en cabi­net, à l’hôpi­tal, en santé au tra­vail, dans les établissements sco­lai­res ou les cen­tres de santé, les infir­miers sont par­tout. Ce ne sont pas de sim­ples tech­ni­ciens du soin, mais des pro­fes­sion­nels de santé. Ils obser­vent, écoutent, expli­quent. Et sur­tout, ils res­tent.

Dans un sys­tème saturé où les méde­cins doi­vent aller vite, l’infir­mière sait pren­dre le temps. Elle connaît les patients. Elle sait qui vit seul, qui peine à lire une notice, qui craint les médi­ca­ments, qui n’ose pas dire qu’il n’a pas com­pris. Ce lien de confiance, cons­truit dans la durée, est une donnée pré­cieuse. Il ne figure pas dans les sta­tis­ti­ques, mais il fait toute la dif­fé­rence.

« Les infir­miè­res sont le cœur de la rela­tion de soins », rap­pelle Thierry Amouroux le porte-parole du Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers SNPI. Et ce cœur-là permet une chose que beau­coup d’acteurs ne savent pas faire : co-cons­truire. Faire du trai­te­ment un choix, pas une impo­si­tion. Là où cer­tains pres­cri­vent, l’infir­mière inter­roge : Ce trai­te­ment, vous en pensez quoi ? Il vous semble tena­ble ? Qu’est-ce qui bloque ?

Ce simple dia­lo­gue change tout. Il trans­forme une obli­ga­tion en projet commun. Il rend le patient acteur (et non simple exé­cu­tant) de son trai­te­ment. Il permet d’anti­ci­per les obs­ta­cles (horai­res, effets indé­si­ra­bles, contrain­tes de vie) et d’adap­ter les plans de soins.

« Une prise en charge effi­cace repose sur la déci­sion par­ta­gée et l’adhé­sion du patient », sou­li­gne le Conseil International des Infirmières, qui sou­tient la Journée mon­diale de l’obser­vance le 27 mars. Cette ini­tia­tive inter­na­tio­nale rap­pelle que chaque trai­te­ment aban­donné peut aggra­ver la mala­die, pro­vo­quer des rechu­tes, voire entraî­ner des hos­pi­ta­li­sa­tions évitables.

Dans un sys­tème qui croule sous les injonc­tions de per­for­mance, l’adhé­sion thé­ra­peu­ti­que reste un angle mort. Pourtant, chaque trai­te­ment suivi jusqu’au bout dimi­nue les com­pli­ca­tions, réduit les hos­pi­ta­li­sa­tions, pro­longe l’auto­no­mie. Et chaque rendez-vous manqué, chaque médi­ca­ment mal pris, finit par coûter, humai­ne­ment et finan­ciè­re­ment. Alors pour­quoi s’obs­ti­ner à faire porter la faute sur les patients, quand l’infir­mière peut faire le lien, expli­quer, et sur­tout faire tenir le cap dans la durée ?

Quand l’infir­mière cocons­truit un par­cours avec la per­sonne soi­gnée, l’obser­vance n’est plus un but, c’est une consé­quence. Elle s’ins­crit dans une rela­tion stable, un accom­pa­gne­ment souple, une péda­go­gie de ter­rain. Pas de grands dis­cours, pas de solu­tions mira­cles. Mais une pré­sence conti­nue, une parole acces­si­ble, et sur­tout, une capa­cité à adap­ter les soins à la réa­lité.

La France compte aujourd’hui plus de 640 000 infir­miers, dont 140.000 en exer­cice libé­ral, der­niers pro­fes­sion­nels de santé à se rendre chaque jour au domi­cile. Et pour­tant, leur rôle dans le suivi thé­ra­peu­ti­que reste trop sou­vent ignoré, réduit par les admi­nis­tra­tions cen­tra­les à la simple exé­cu­tion d’actes pres­crits.

L’enjeu est ailleurs. Il s’agit de reconnaî­tre une exper­tise cli­ni­que, une capa­cité d’obser­va­tion fine, une ana­lyse cli­ni­que, et sur­tout, un poten­tiel immense pour amé­lio­rer l’adhé­sion aux soins. Pas en blâ­mant les patients. Mais en leur don­nant les moyens, avec l’infir­mière, de repren­dre la main.

Combien de trai­te­ments conti­nue­ront d’échouer, faute d’avoir écouté ceux qui soi­gnent au plus près du réel ?

**********************
Et vous, qu’en pensez-vous ? Partagez votre point de vue. Echangez avec nous sur
twit­ter https://x.com/infir­mierSNPI/status/1830605997188231643
face­book https://www.face­book.com/syn­di­cat.infir­mier/
lin­ke­din https://www.lin­ke­din.com/feed/update/urn:li:acti­vity:7236362308703191041/

**********************
Nos arti­cles vous plai­sent ?
Seul, vous ne pouvez rien.
Ensemble, nous pou­­vons nous faire enten­­dre ! Rejoignez nous !
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Comment-adhe­rer.html

**********************

Partager l'article
     



Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Soigner, tenir, transformer : les vœux du SNPI pour 2026

Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI adresse à l’ensemble des infirmiers ses (…)

Rachat d’années d’études des fonctionnaires hospitaliers : décret du 26 décembre 2025

À compter du 1ᵉʳ janvier 2026, l’environnement réglementaire du rachat d’années d’études en vue (…)

Certification périodique : le décret qui engage les infirmières

Pendant longtemps, la certification périodique des soignants est restée un objet mal identifié. (…)

Décret infirmier 2025 activités et compétences 24.12.25

Le Décret n° 2025-1306 du 24 décembre 2025 relatif aux activités et compétences de la profession (…)

Décret infirmier 2025 : vingt ans d’attente, un tournant pour le système de santé

Il aura fallu attendre plus de vingt ans. Le dernier décret encadrant les compétences (…)

Déclasser les sciences infirmières, c’est affaiblir la santé publique

Une décision administrative peut parfois révéler une vision politique. C’est le cas du choix (…)