La clause de dédit-formation

9 décembre 2007

Le mécanisme de la clause de dédit-formation est simplissime : l’employeur prend en charge la formation d’un salarié sous réserve qu’il reste à son service pendant une durée convenue ; en cas de départ avant l’échéance, le salarié paye une indemnité de dédit.
Il met cependant à mal des libertés fondamentales à valeur constitutionnelle, telles la liberté du travail du salarié ainsi que la liberté du commerce et de l’industrie, de sorte que le juge a dû encadrer la validité de cette clause évoquée succinctement dans deux articles du Code du travail (L 934-2 & L 981-7).

Cette clause ne peut exis­ter qu’au tra­vers d’un ave­nant contrac­tuel écrit et signé par le sala­rié. La signa­ture est obli­ga­toi­re­ment préa­la­ble au départ en for­ma­tion et le sala­rié ne peut être sanc­tionné pour avoir refusé de régu­la­ri­ser a pos­te­riori la situa­tion.

L’ave­nant doit pré­ci­ser la date, la durée de for­ma­tion et sa nature, son coût réel pour l’employeur, la durée de l’enga­ge­ment du sala­rié et le mon­tant de l’indem­nité de dédit à payer en cas de non-res­pect de celle-ci.
Cette clause peut s’appli­quer à tous les sala­riés à l’excep­tion de ceux qui sont en contrat de pro­fes­sion­na­li­sa­tion (L981-7 Code du tra­vail).

Les dépen­ses enga­gées par l’employeur

Ici se situe l’équilibre des enga­ge­ments : l’employeur ne peut acti­ver une clause de dédit-for­ma­tion que si la for­ma­tion concer­née a été finan­cée par ses pro­pres moyens et au-delà des minima obli­ga­toi­res défi­nis par la loi ou la conven­tion col­lec­tive. Concrètement, en cas de litige, l’employeur doit démon­trer que sur le ou les exer­ci­ces pen­dant les­quels s’est dérou­lée la for­ma­tion, il a dépensé, pour les autres for­ma­tions, le mon­tant règle­men­tai­re­ment exi­gi­ble.

La durée de l’enga­ge­ment du sala­rié

Elle doit être pro­por­tion­née au niveau des frais enga­gés et à la durée de la for­ma­tion. La pra­ti­que cou­rante va de deux ans à cinq ans, selon les éléments pré­ci­tés.

La rup­ture déclen­chant le dédit

La rup­ture avant l’échéance doit être impu­ta­ble au sala­rié, mais ce terme revêt ici un sens spé­ci­fi­que allant au-delà de la démis­sion. Celle-ci entraîne le paie­ment du dédit, sauf si le sala­rié obtient une déci­sion de jus­tice cons­ta­tant que la rup­ture, même si elle a pris la forme d’une démis­sion, est en réa­lité impu­ta­ble à l’employeur compte tenu de ses agis­se­ments illi­ci­tes.

Le licen­cie­ment économique ne déclen­che pas le dédit ; il est vrai­sem­bla­ble que le licen­cie­ment pour inap­ti­tude d’ori­gine médi­cale non plus.

En revan­che le licen­cie­ment pour faute est ici consi­déré comme une rup­ture impu­ta­ble au sala­rié qui doit en consé­quence payer le dédit. On per­çoit aisé­ment le carac­tère liti­gieux d’une situa­tion où le sala­rié est licen­cié et doit payer une indem­nité à celui qui le licen­cie. Il va alors contes­ter le carac­tère réel et sérieux du licen­cie­ment devant le juge prud’homal : si le juge confirme sa demande, le dédit casse ; sinon, il s’appli­que. On peut cepen­dant s’inter­ro­ger sur le fait qu’un licen­cie­ment, fût-il pour faute, déclen­che le dédit alors même que la loi (L934-2) n’envi­sage que la démis­sion.

Le mon­tant de l’indem­nité de dédit

La loi ne four­nis­sant aucune indi­ca­tion, cette indem­nité a la nature de dom­ma­ges et inté­rêts. Les par­ties sont libres d’en déter­mi­ner le mon­tant mais le juge peut la réduire, en tant que clause pénale, si elle est "mani­fes­te­ment exces­sive" (art 1152 Code civil).

La Cour de cas­sa­tion a pré­cisé, à titre de guide, que son mon­tant devait être pro­por­tionné aux frais de for­ma­tion, mal­heu­reu­se­ment sans défi­nir cette notion. Ce vide a permis aux juri­dic­tions infé­rieu­res de déter­mi­ner avec de gran­des diver­gen­ces la défi­ni­tion des frais de for­ma­tion. Certaines Cours d’appel intè­grent les frais péda­go­gi­ques et de dépla­ce­ment mais aussi les salai­res avec char­ges du sala­rié formé ; un employeur a même inté­gré en plus le salaire du rem­pla­çant mais n’a pu prou­ver l’effec­ti­vité du rem­pla­ce­ment, ce qui a permis à la Cour de le débou­ter sans se pro­non­cer sur le prin­cipe.

Par ailleurs, il est pos­si­ble (et pro­fi­ta­ble) de pré­voir une dégres­si­vité du dédit avec le temps, en consi­dé­rant que plus la rup­ture du sala­rié se rap­pro­che du terme de l’enga­ge­ment, plus le pré­ju­dice subi dimi­nue. Ce n’est tou­te­fois pas obli­ga­toire, et le juge n’a pas à pren­dre cette donnée en compte si elle ne figure pas dans la clause écrite.

Enfin, l’employeur a l’obli­ga­tion d’affec­ter les sommes pro­ve­nant du dédit au finan­ce­ment du plan de for­ma­tion.

L’ENGAGEMENT DE SERVIR (Fonction Publique Hospitalière - FPH)

Le méca­nisme est iden­ti­que mais plus res­tric­tif et très régle­menté (décrets 91-1301 & 90-319).

Les textes ne pré­voient pas de contrat spé­ci­fi­que, l’obli­ga­tion étant règle­men­taire. Le Ministère incite néan­moins à for­ma­li­ser les obli­ga­tions dans un écrit afin de sim­pli­fier les liti­ges éventuels.

Les dépen­ses enga­gées par l’établissement

Il faut en pre­mier lieu que la for­ma­tion relève des études pro­mo­tion­nel­les, donc débou­che sur un des titres qua­li­fiants listés par arrêté du 05/04/1990, à savoir : les diplô­mes des filiè­res soi­gnan­tes, médico-tech­ni­ques et socio-éducatives et de leur enca­dre­ment.

L’enga­ge­ment de servir ne peut concer­ner, parmi ceux-ci, que les titres don­nant accès aux corps des per­son­nels infir­miers, de réé­du­ca­tion, médico-tech­ni­ques, sages-femmes et assis­tants socio-éducatifs.

La durée de l’enga­ge­ment

Cette durée est égale au triple de celle de la for­ma­tion dans la limite de cinq ans.

La rup­ture déclen­chant le dédit

Il s’agit ici d’un enga­ge­ment de servir dans la FPH. Si l’agent change d’établissement FPH, il n’aura aucun dédit à verser, la ques­tion étant trai­tée entre les deux établissements avec l’inter­ven­tion éventuelle du fonds pour l’emploi hos­pi­ta­lier.

L’indem­nité n’est donc due qu’en cas de départ de la FPH avant l’échéance, par démis­sion ou départ en retraite à l’âge normal.

Le mon­tant de l’indem­nité de dédit

L’assiette de l’indem­nité repré­sente les trai­te­ments, primes et indem­ni­tés reçues pen­dant la for­ma­tion avec les char­ges patro­na­les et la taxe sur les salai­res y ayant trait.

Le taux de l’indem­nité est obli­ga­toi­re­ment dégres­sif selon le moment de la rup­ture, et se cal­cule au pro­rata de la durée d’enga­ge­ment res­tant à accom­plir (ex : rup­ture après deux ans pour un enga­ge­ment de trois ans : on appli­que une dimi­nu­tion de 66 % à l’assiette pré­ci­tée).

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