Les infirmiers en mal de reconnaissance

21 février 2008

Article paru le 21.02.08 dans 20minutes.fr.

Plus de 100.000 postes d’infir­miers seront à pour­voir d’ici à cinq ans. C’est une des annon­ces faites mardi par la minis­tre de la Santé Roselyne Bachelot, dans le cadre d’une cam­pa­gne visant à reva­lo­ri­ser cer­tains métiers de la santé. Il n’est cepen­dant pas cer­tain que les postes soient pour­vus, alors que le sec­teur est déjà confronté à de graves pro­blè­mes de recru­te­ment, dus notam­ment, pour Thierry Amouroux, pré­si­dent du Syndicat natio­nal des Personnels infir­miers (Snpi), à un grave pro­blème de reconnais­sance.

Quel sont les pro­blè­mes aux­quels sont confron­tés les infir­miers aujourd’hui ?

Le prin­ci­pal pro­blème pour les infir­miers est celui du manque de reconnais­sance, à dif­fé­rents niveaux. Tout d’abord sur la ques­tion de la for­ma­tion. Les infir­miers sui­vent un cursus de 38 mois après le bac (plus de trois ans), mais le diplôme d’Etat n’est reconnu qu’à niveau bac +2. Ce n’est pas suf­fi­sant. Des négo­cia­tions doi­vent avoir lieu, pour har­mo­ni­ser le cursus avec le sys­tème LMD (Licence-Master-Doctorat).

Il y a également un pro­blème de rému­né­ra­tion. Et pour l’heure, aucune reva­lo­ri­sa­tion sala­riale n’a été annon­cée par la minis­tre de la Santé. Dans le sec­teur public, une infir­mière en début de car­rière est payée 1.500 euros net ; à la veille de la retraite, son salaire culmine à 2.200 euros. C’est ridi­cule et dis­pro­por­tionné. Pour un jour de RTT, un méde­cin est payé 300 euros, une infir­mière 80 euros et un ouvrier en milieu hos­pi­ta­lier 60 euros. Il fau­drait revoir l’échelle des salai­res.

Au sein même des hôpi­taux, on ne reconnaît pas assez la logi­que soi­gnante. Il y a eu un début d’évolution, avec la prise en charge de la dou­leur. Avant, on n’écoutait que la logi­que médi­cale, qui consis­tait à dire « la dou­leur est un symp­tôme qui permet de trai­ter la patho­lo­gie », et donc on lais­sait le malade souf­frir. Les infir­miers ont fait beau­coup pour que ça change.

Quelles sont les condi­tions de tra­vail ?

Le métier a tou­jours été très dur, phy­si­que­ment, psy­cho­lo­gi­que­ment. Aujourd’hui, la logi­que du ren­de­ment prime sur l’aspect humain. Mais on ne peut pas tout quan­ti­fier, la durée de la toi­lette, le temps tech­ni­que d’une injec­tion, ça ne se passe pas comme ça. On frappe à la porte, on dit bon­jour...

La charge de tra­vail en milieu hos­pi­ta­lier a beau­coup aug­menté ces der­niè­res années. Paradoxalement, c’est lié à une avan­cée. Avec le déve­lop­pe­ment des soins à domi­cile, des hôpi­taux de jour, les patients qui sont hos­pi­ta­li­sés le sont pour des rai­sons plus graves, donc ils néces­si­tent davan­tage d’atten­tion. Mais il y a de moins en moins de per­son­nels infir­miers, donc les gens tra­vaillent plus, dans de moins bonnes condi­tions.

Il faut savoir que l’espé­rance de vie d’une infir­mière qui a tra­vaillé au moins quinze ans en milieu hos­pi­ta­lier est infé­rieure de sept ans à la moyenne des autres femmes. La péni­bi­lité du tra­vail n’est pas assez prise en compte.

Beaucoup d’infir­miers chan­gent de métier au cours de leur vie ?

Beaucoup navi­guent entre le ser­vice public hos­pi­ta­lier, le privé et le libé­ral. Ils com­men­cent géné­ra­le­ment dans les hôpi­taux, puis font autre chose. C’est une cons­tante, il n’y a pas de fuite vers le libé­ral et le privé. En revan­che, de plus en plus de jeunes diplô­més arrê­tent au bout de quel­ques années, pour faire autre chose, et se réo­rien­tent com­plè­te­ment. C’est-à-dire, que pen­dant trois ans, on forme des gens qui ne vont tra­vailler que quel­ques années. C’est com­plè­te­ment contre-pro­duc­tif. Et c’est pour cela qu’il est urgent d’agir, pour res­tau­rer l’image que les jeunes ont de la pro­fes­sion.

D’autant qu’on va être très rapi­de­ment confron­tés à un pro­blème d’effec­tifs et de trans­mis­sion des savoirs. 55% des infir­miers en milieu hos­pi­ta­lier vont partir à la retraite dans les cinq ans, et les 45% res­tant sont pour la plu­part de jeunes diplô­més. Traditionnellement, les anciens épaulent les nou­veaux, il y a une conti­nuité dans l’appren­tis­sage après la sortie de l’école, une trans­mis­sion. La ques­tion des effec­tifs aurait du être abor­dée plus tôt, elle se pose depuis plu­sieurs années, puisqu’aujourd’hui on manque déja de postes. Rien qu’en région pari­sienne, il fau­drait 3.700 infir­miers de plus, en milieu hos­pi­ta­lier.

Propos recueillis par Emilie Gavoille

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20Mi­nu­tes.fr, éditions du 21/02/2008 - 17h30

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