Soignants épuisés : la maladie punie au lieu d’être soignée

19 février 2025

Punir ceux qui tombent malades : une stratégie douteuse pour lutter contre l’absentéisme. Les soignants n’ont pas besoin d’une sanction de plus. Mais le gouvernement a tranché : dès mars 2025, un soignant en arrêt maladie ne touchera plus 100 % de son salaire, mais 90 %. Moins d’argent, plus de culpabilité, alors que l’hôpital manque déjà de bras. Cette coupe budgétaire vise officiellement à réduire l’absentéisme, comme si diminuer l’indemnisation allait dissuader de tomber malade. Comme si une infirmière en burn-out ou une aide-soignante grippée pouvaient simplement décider de ne pas l’être.

Le gouvernement continue avec son "fonctionnaire bashing", pour punir ces "fainéants fraudeurs", l’article 189 de la loi de finances 2025 parue au Journal Officiel du 15 février réduit l’indemnisation des congés maladie ordinaire lors des 3 premiers mois de 100 % à 90 %, sauf en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Malade, mais au travail ? Une menace pour les patients

L’hôpital est un lieu de soins. Il devrait être aussi un lieu de protection. Pourtant, cette réforme incite les soignants à venir travailler malgré la maladie. Une fièvre, une toux, une gastro : rien qui empêche techniquement de tenir debout. Mais dans un service de réanimation, une maison de retraite ou une maternité, ce sont des patients fragiles ou immunodéprimés qui risquent d’en payer le prix.

Les infections nosocomiales, déjà responsables de milliers de décès par an, pourraient exploser. Une simple grippe transmise par un soignant peut être fatale à une personne âgée fragile. Une infirmière qui force malgré la maladie augmente aussi le risque d’erreurs de soins. Mauvaise dose de médicament, oubli d’un protocole d’asepsie, confusion dans un dossier : la fatigue cognitive multiplie les fautes. Et qui sera tenu responsable lorsqu’un accident arrivera ?

Perdre du salaire en plus de sa santé

L’autre conséquence est financière. Qui peut se permettre de voir son salaire amputé en cas de maladie ? Certainement pas les soignants, déjà les plus mal payés (moins 10% sous le salaire infirmier européen) qui enchaînent parfois les heures supplémentaires pour s’en sortir.

La plupart des soignants hospitaliers vivent sur des salaires modestes, même après des années d’expérience. La politique salariale a été marquée par le quasi-gel de la valeur du point d’indice depuis 2010 (22% de perte de pouvoir d’achat liée au gel du point). La réduction de l’indemnisation maladie ajoutera un stress supplémentaire : travailler malade ou perdre de l’argent. Un dilemme insensé pour une profession essentielle, en première ligne à chaque crise sanitaire.

Derrière cette réforme, il y a une idée sous-jacente : celle que les fonctionnaires abuseraient des arrêts maladie. Comme s’ils prenaient plaisir à quitter leurs patients et à laisser leurs collègues en sous-effectif. Or, chaque arrêt est validé par un médecin. Il n’y a ni luxe ni abus à être malade.

Si l’absentéisme hospitalier explose, ce n’est pas par opportunisme, mais par épuisement. Le manque d’effectifs, la fatigue chronique, le stress permanent sont des réalités documentées. La moitié des soignants déclarent ressentir un épuisement professionnel. Le taux de burn-out atteint des sommets. Dans ces conditions, comment s’étonner que les arrêts se multiplient ?

Et si on s’attaquait aux vraies causes de l’absentéisme ?

Plutôt que de pénaliser ceux qui tombent malades, pourquoi ne pas s’interroger sur ce qui les pousse à l’être ? Une politique ambitieuse de prévention, une amélioration des conditions de travail et des recrutements massifs réduiraient bien plus efficacement l’absentéisme que des sanctions financières. Car une infirmière qui tient debout par habitude finira par s’écrouler. Quand ce jour viendra, qui s’occupera des patients ?

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