Etude INCA sur la prise en charge de la douleur en cancérologie

22 juillet 2010

Selon ce document de l’INCA, les stratégies de traitement des douleurs se heurteraient à des "des réticences et idées fausses" qui faussent les pronostics des médecins, qui ne sont pas alertés par leurs patients. Pourtant, l’INCA déclare qu’avec des moyens simples, il serait possible de soulager 75 à 80% des patients.

Les stra­té­gies de trai­te­ment des dou­leurs can­cé­reu­ses
sont effi­ca­ces, mais les trai­te­ments doi­vent être adap­tés
et per­son­na­li­sés en tenant compte des réti­cen­ces
et idées faus­ses

Le trai­te­ment de la dou­leur can­cé­reuse repose sur les trai­te­ments
de la cause (ici le cancer) et sur l’uti­li­sa­tion de médi­ca­ments
antal­gi­ques qui sont une pierre angu­laire du trai­te­ment.
L’usage des antal­gi­ques est bien codi­fié depuis 1986 (recom­man­da­tions
de l’Organisation mon­diale de la santé - OMS). Il a
été prouvé qu’avec les moyens sim­ples, décrits dans la stra­té­gie
OMS, appli­ca­bles en théo­rie par tout méde­cin, il était pos­si­ble
de sou­la­ger effi­ca­ce­ment 75 à 80 % des patients (Ventafrida 1987, Zech 1995).

Quand cette stra­té­gie simple est en échec
ou insuf­fi­sante, un recours aux équipes et struc­tu­res exper­tes
dans l’évaluation et le trai­te­ment de la dou­leur est pos­si­ble.
D’un point de vue médi­cal, un résul­tat satis­fai­sant cor­res­pond
à la situa­tion d’une per­sonne dont la dou­leur habi­tuelle est
faible ou absente, ne per­turbe pas le som­meil, et limite le
moins pos­si­ble les acti­vi­tés du quo­ti­dien.

Tant que ce résul­tat n’est pas obtenu et tant que les effets
indé­si­ra­bles n’altè­rent pas le quo­ti­dien, le méde­cin pro­po­sera
d’adap­ter le trai­te­ment. Le trai­te­ment est tou­jours
« sur mesure », dis­cuté conjoin­te­ment avec la per­sonne
malade. Si un sou­la­ge­ment est fré­quem­ment obtenu, il faut
par­fois atten­dre plu­sieurs jours et plu­sieurs adap­ta­tions pour
arri­ver à ce résul­tat.

La ges­tion pra­ti­que des médi­ca­ments pour obte­nir un sou­la­ge­ment
repose sur :
- le recours aux mor­phi­ni­ques forts quand la dou­leur est
intense ou mal sou­la­gée par des trai­te­ments moins puis­sants
- le recours aux trai­te­ments des dou­leurs neu­ro­pa­thi­ques
quand cela est néces­saire ;
- la prise en compte des phé­no­mè­nes anxieux ou
dépres­sifs asso­ciés ;
- la pré­ven­tion et la cor­rec­tion des effets indé­si­ra­bles quand
ils exis­tent ;
- une indi­vi­dua­li­sa­tion de la prise en charge par une évaluation
régu­lière (idéa­le­ment toutes les 24-48 h) de l’effi­ca­cité
et des effets indé­si­ra­bles, qui permet l’adap­ta­tion
du trai­te­ment. En tenant compte du fait que dif­fé­rents
méde­cins peu­vent inter­ve­nir au cours de ce pro­ces­sus, ceci
impli­que une bonne coor­di­na­tion des acteurs.

Il est inté­res­sant de noter que cer­tains échecs ou insuf­fi­san­ces
de résul­tats peu­vent être liés, en partie, à des réti­cen­ces de la
per­sonne malade ou de son entou­rage (Tableau 2).
Il n’y a aucune honte ou ano­ma­lie à avoir une crainte vis-à-vis
de cer­tains médi­ca­ments, mais il est impor­tant d’en dis­cu­ter.

Les dou­leurs séquel­lai­res des trai­te­ments ne doi­vent pas
être négli­gées : elles néces­si­tent par­fois une prise
en charge plu­ri­dis­ci­pli­naire

Tous les trai­te­ments du cancer (chi­rur­gie, radio­thé­ra­pie, chi­mio­thé­ra­pie,
hor­mo­no­thé­ra­pie) peu­vent être à l’ori­gine de dou­leurs
per­sis­tan­tes. Ces dou­leurs peu­vent alté­rer la qua­lité de vie au
quo­ti­dien et être un obs­ta­cle à la réin­ser­tion.

Si ces dou­leurs sont faci­le­ment expli­ca­bles, elles ne sont pas
« nor­ma­les » et il est sou­vent dif­fi­cile de faire le pro­nos­tic de leur
durée dans le temps, y com­pris à l’arrêt du trai­te­ment jugé res­pon­sa­ble.
Souvent, il existe une part neu­ro­pa­thi­que, séquel­laire, dans le tableau dou­lou­reux. Ces dou­leurs qui sont fré­quen­tes
(Tableau 1) ne s’expli­quent pas par une faute (trai­te­ment qui
aurait été mal réa­lisé) ou une com­pli­ca­tion.

Ces dou­leurs sont par­fois négli­gées alors qu’elles peu­vent être
inten­ses et/ou dura­bles et/ou reten­tis­sant for­te­ment sur le
quo­ti­dien. À titre d’exem­ple, une étude récente (Gartner 2009)
réa­li­sée au Danemark, a inter­rogé 2 à 3 ans après le trai­te­ment
d’un cancer du sein, les femmes qui avaient été trai­tées pour
un cancer du sein. Parmi les 3 754 patien­tes trai­tées dans la
période choi­sie par les auteurs, 3 253 femmes ont répondu
(recul de 26 mois en moyenne par rap­port au trai­te­ment). Dans
cette popu­la­tion, 201 pré­sen­taient des dou­leurs inten­ses (6 %),
595 des dou­leurs modé­rées (18 %) et 733 des dou­leurs légè­res
(22 %) dans la région trai­tée (dou­leur séquel­laire). Pour toutes
ces femmes, seules 306 avaient consulté un méde­cin, dans les
3 mois pré­cé­dant l’enquête, pour le motif de cette dou­leur.

Une prise en charge est pos­si­ble si elle est sou­hai­tée ou néces­saire.
La pre­mière étape consiste en une évaluation, sou­vent réa­li­sée
par dif­fé­rents pro­fes­sion­nels de santé. Avant de pro­po­ser une
stra­té­gie de trai­te­ment, il est impor­tant d’avoir :
- 1. iden­ti­fié le méca­nisme de la dou­leur ;
- 2. mesuré le reten­tis­se­ment de la dou­leur ;
- 3. exploré les pos­si­bles fac­teurs de modu­la­tion de la dou­leur
exis­tante, qu’ils soient d’ordre psy­cho­lo­gi­que, fami­lial ou
social.

Cette évaluation permet de com­pren­dre toutes les dimen­sions
de la dou­leur, de cla­ri­fier cer­tains enjeux de réin­ser­tion, de
dis­cu­ter une prise en charge glo­bale et per­son­na­li­sée, médi­ca­men­teuse
et/ou non médi­ca­men­teuse, comme pour toute
dou­leur chro­ni­que.

LES PROGRÈS ENCORE NÉCESSAIRES

Depuis le pre­mier Plan de lutte contre la dou­leur (1998), de
nom­breux pro­grès ont été réa­li­sés en France, mais tout n’est
pas réglé.

Pour la dou­leur can­cé­reuse, il per­siste un écart entre les
bons résul­tats atten­dus et la réa­lité. Les enquê­tes dis­po­ni­bles
pour la France (Larue 1995, Brasseur 2007) et des
enquê­tes récen­tes réa­li­sées en Europe (Holtan 2007, Breivik
2009) mon­trent que 14 à 30 % des per­son­nes pré­sen­tant
des dou­leurs quo­ti­dien­nes modé­rées à inten­ses n’ont aucun
trai­te­ment antal­gi­que .

Pour la dou­leur séquel­laire, des pro­grès et tra­vaux scien­ti­fi­ques
res­tent néces­sai­res avant la mise en place de stra­té­gies
de pré­ven­tion.

Ceci expli­que que le Plan cancer 2009-2013 intè­gre des mesu­res
en terme d’orga­ni­sa­tion et de moyens, sus­cep­ti­bles d’amé­lio­rer
la situa­tion actuelle :

Mieux accom­pa­gner la per­sonne pen­dant et après les trai­te­ments
du cancer ;

Amélioration du par­cours de soins pen­dant la phase de
trai­te­ment du cancer et lors de la période de sur­veillance
- en cor­ri­geant le manque de conti­nuité des soins entre
l’hôpi­tal et le domi­cile,
- en per­met­tant au méde­cin trai­tant d’être le réfé­rent médi­cal
au domi­cile (accès aux don­nées médi­ca­les, tra­vail
coor­donné des pro­fes­sion­nels de santé, mise à dis­po­si­tion
de réfé­ren­tiels de trai­te­ments…) ;

Généraliser la mise en oeuvre des mesu­res qua­lité lan­cées
par le Plan cancer pré­cé­dent : ren­for­cer les soins de
sup­ports en inté­grant mieux la lutte contre la dou­leur
(favo­ri­ser iden­ti­fi­ca­tion des besoins de prise en charge et
l’accès aux équipes spé­cia­li­sées).

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INCA douleur cancer - (838 ko) - PDF
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