Affaire de St Vincent de Paul : acharnement contre une infirmière

26 décembre 2008

La nuit de Noël, une infir­mière du CHU Saint Vincent de Paul (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) s’est trom­pée de pro­duit injec­ta­ble et ce geste a entrainé le décès d’un enfant de trois ans. Nous ima­gi­nons la dou­leur des parents et nous leurs pré­sen­tons nos condo­léan­ces.

Dès qu’elle a réa­lisé son erreur, l’infir­mière a pré­venu sa hié­rar­chie et le méde­cin Chef de Service. La jus­tice va suivre son cours, et l’infir­mière devra rendre compte des consé­quen­ces de ses actes. Elle devra sur­tout vivre le reste de sa vie avec ce poids.

Dès lors nous ne com­pre­nons pas que notre col­lè­gue ai fait l’objet d’une pro­lon­ga­tion de garde à vue. A notre sens, une garde à vue est des­ti­née :
 à faire avouer un cou­pa­ble (or notre col­lè­gue a avoué dès qu’elle a réa­lisé son erreur dra­ma­ti­que)
 à empé­cher un bandit de faire dis­pa­raî­tre des pièces à convic­tion, à maquiller le lieu d’un crime, etc.
 à empé­cher un cri­mi­nel de ren­contrer ses com­pli­ces pour s’enten­dre sur une ver­sion trom­peuse des faits, à se forger un alibi, etc.

La garde à vue est en soi une pres­sion psy­cho­lo­gi­que : longue, incer­taine quant à sa durée, son issue et son dérou­le­ment.

Ce stress d’une garde à vue est voulu et entre­tenu dans le but de dés­ta­bi­li­ser les sus­pects : en quoi de telles pra­ti­ques d’inti­mi­da­tions sont utiles à la jus­tice dans cette affaire ?

Rappel des faits

Mercredi 24 décem­bre 2008, un petit garçon de 3 ans, IIyès, est admis dans le ser­vice de pédia­trie géné­rale de l’hôpi­tal Cochin-Saint-Vincent-de-Paul à Paris au cours de la jour­née pour une angine sérieuse. On lui pose une per­fu­sion de sérum glu­cosé qui sert à le réhy­dra­ter.

Lors du chan­ge­ment de poche de per­fu­sion, l’infir­mière commet une erreur fatale en posant une per­fu­sion conte­nant du chlo­rure de magné­sium à l’enfant : ce pro­duit n’est pas dan­ge­reux en soi, mais il l’est, en revan­che, pour un enfant de cet âge, avec un goutte à goutte à débit rapide.

La chro­no­lo­gie établie par l’enquête judi­ciaire met en avant la ter­ri­ble rapi­dité de la mort de l’enfant.
 Sur les trans­mis­sions écrites, à 19 heures, est noté un chan­ge­ment de per­fu­sion.
 à 19 heures 15, les soi­gnants font men­tion de pre­miè­res dif­fi­cultés. Internes et méde­cins sont aler­tés de même que le ser­vice de réa­ni­ma­tion.
 à 19 heures 45, sont notés des détails sur leurs inter­ven­tions. Il est trans­féré en réa­ni­ma­tion où il décède, à 20h45.

Les pre­miers résul­tats de l’autop­sie mon­trent que le gar­çon­net est décédé après un arrêt cardio-res­pi­ra­toire. Un œdème pul­mo­naire et un œdème céré­bral ont été rele­vés.

Selon l’AP-HP, dans l’unité de soins d’Ilyès, une infir­mière et une aide soi­gnante s’occu­paient de cinq enfants. Est-ce qu’il y a eu un pro­blème d’orga­ni­sa­tion, d’étiquetage du médi­ca­ment ou de choix de médi­ca­ment ? L’enquête le dira.

Selon l’APM, l’infir­mière, qui tra­vaillait dans le ser­vice depuis quatre ans, serait venue donner un coup de main dans l’unité où était hos­pi­ta­lisé l’enfant et qui n’était pas son unité habi­tuelle.

L’infir­mière aurait commis "une erreur dans le choix du flacon : il s’agit de deux fla­cons qui se res­sem­blent. Ils ont un aspect simi­laire et seule une lec­ture atten­tive permet de voir de quel pro­duit il s’agit", a indi­que Roselyne Vasseur, coor­di­na­trice géné­rale des soins du groupe hos­pi­ta­lier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul.

Une pro­lon­ga­tion de garde à vue inad­mis­si­ble

L’infir­mière a été placée en garde à vue à 23 h, la nuit de Noêl. La durée de la garde à vue est nor­ma­le­ment de 24 heures. Mais elle a été pro­lon­gée de 24 heures, sur auto­ri­sa­tion du Procureur de la République, ce qui est incom­pré­hen­si­ble dans cette affaire.

Vendredi 26, elle a été mise en examen pour homi­cide invo­lon­taire et lais­sée en liberté, tout en étant sou­mise à un contrôle judi­ciaire lui inter­di­sant notam­ment de retour­ner à l’hôpi­tal Saint-Vincent de Paul et de voir ses col­lè­gues de tra­vail.

Dans une pro­fes­sion comme la nôtre, la moin­dre erreur peut avoir des consé­quen­ces dra­ma­ti­ques. Nous y pen­sons à chaque ins­tant, lors de chaque acte. Agée de 35 ans, employée depuis onze ans à l’AP-HP, cette infir­mière est une bonne pro­fes­sion­nelle. Mais nul n’est infailli­ble. Elle a, dès le soir du drame, admis son erreur.

Un enfant de trois ans est mort. C’est ter­ri­ble. L’infir­mière res­pon­sa­ble sera pour­sui­vie et condam­née par la jus­tice pour ces faits. Mais elle a donné la mort sans inten­tion de nuire, aussi cet achar­ne­ment contre l’infir­mière est inad­mis­si­ble, et nous deman­dons à la jus­tice de faire preuve de plus de séré­nité.

Lorsqu’elle a réa­lisé sa faute, l’infir­mière a agit immé­dia­te­ment, en pro­fes­sion­nelle. Quelquesoit sa sanc­tion, elle n’oubliera jamais cet enfant et por­tera toute sa vie la culpa­bi­lité de cette mort.

Les uti­li­sa­tri­ces ne sont pas consul­tées

Nous devons dénon­cer le fait que les infir­miè­res ne sont jamais consul­tées sur la forme de pré­sen­ta­tion des médi­ca­ments, alors qu’elles en sont les prin­ci­pa­les uti­li­sa­tri­ces. La res­sem­blance de pré­sen­ta­tion a tou­jours cons­ti­tué un risque et il a été aggravé par l’intro­duc­tion des médi­ca­ments géné­ri­ques avec des res­sem­blan­ces de déno­mi­na­tion et des pré­sen­ta­tions non uni­tai­res.

Plus de détails : lire l’arti­cle

Ce risque est par­ti­cu­liè­re­ment sup­porté par les infir­miè­res, mais elles n’ont pas été concer­tées lors de la rédac­tion de la cir­cu­laire DHOS/E2/AFSSAPS/2008/366 du 19 décem­bre 2008 rela­tive aux mesu­res à mettre en
place par les établissements de santé en vue de la sub­sti­tu­tion des condi­tion­ne­ments de cer­tains
médi­ca­ments injec­ta­bles suite à des modi­fi­ca­tions d’étiquetage.
Il est à noter que le chlo­rure de magné­sium fait partie de la liste des sub­stan­ces acti­ves concer­nées par la deuxième vague du plan d’har­mo­ni­sa­tion des étiquetages.

La Dhos et l’Afssaps recom­man­dent aux établissements de santé d’éviter la coexis­tence, dans un même
ser­vice de soins, des deux modes d’étiquetage dif­fé­rents pour une même pré­sen­ta­tion, compte tenu de
l’enjeu de sécu­rité pour le patient.
La lec­ture atten­tive des étiquetages doit demeu­rer la règle à res­pec­ter avant toute admi­nis­tra­tion.
Il est donc demandé aux direc­teurs des établissements de santé de pré­voir un plan de pré­ven­tion et de
ges­tion des ris­ques d’erreurs médi­ca­men­teu­ses.

consul­ter la cir­cu­laire

Position du Conseil de l’Ordre des Infirmiers :
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